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Comptes de campagne de Nicolas Sarkozy: les coûts de l’invalidation

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Après la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), c’est au tour du Conseil constitutionnel de rejeter le compte de campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle 2012. Dans un communiqué, le Conseil constitutionnel a estimé que le montant des dépenses électorales du candidat UMP « excédait de 466 118 euros, soit 2,1%, le plafond autorisé ». En décembre dernier, le Conseil constitutionnel avait déjà invalidé les comptes de l’ex-candidat UMP pour la campagne présidentielle de 2012 mais l’UMP avait lancé un recours. Le parti se relèvera-t-il de cette décision ? Eléments de réponse avec Liliane Delwasse, auteure de Dr Fillon et Mr Sarkozy (Archipel, 2012). Entretien.

JOL Press : Quelles vont être les conséquences d’une telle nouvelle pour l’UMP ?
 

Liliane Delwasse : La situation financière de l’UMP était déjà assez délicate avec la perte de pas mal de sièges, cette facture de 11 millions d’euros tombe donc plutôt mal pour le parti. Elle sera certainement difficile à éponger par les dirigeants de l’UMP.

JOL Press : L’UMP va donc rembourser intégralement la facture ?
 

Liliane Delwasse : Normalement, quand un candidat a trop dépensé et que ses comptes sont retoqués, c’est le parti qui prend en charge les frais. Il m’est arrivée de voir des candidats aux législatives se faire retoquer leurs comptes de campagne et se retrouver ruinés car ils avaient hypothéqué leurs biens propres. Mais pour une campagne présidentielle, le parti prend tout en charge.

Cependant, selon le communiqué du Conseil, Nicolas Sarkozy devra malgré tout « restituer au Trésor public l’avance forfaitaire qui lui a été versée », soit 150 000 euros et verser au Trésor public « le montant arrêté à 363 615 euros par la commission » des comptes de campagne correspondant au « dépassement du plafond » des dépenses.

Le problème c’est que ce n’est pas lui qui a trop dépensé. C’est son staff, c’est l’organisation de cette campagne qui a été trop chère. Ce n’est pas le candidat qui fait les chèques.

JOL Press : L’UMP va-t-elle se relever d’une telle décision ?
 

Liliane Delwasse : Aucun parti n’est jamais en arrêt de mort. Le Front national a eu énormément de problème de trésorerie, il y a quelques temps… Il semble s’en être plus ou moins bien remis : ils ont vendu leur siège à Saint-Cloud et ont réussi à remonter la pente.

Est-ce que l’UMP va pouvoir garder son siège de la rue de Vaugirard ? Rien n’est moins certain. De nombreux connaisseurs des finances de l’UMP avaient averti que si les comptes de campagne étaient retoqués, le parti aurait de tels ennuis financiers qu’il ne pourrait garder la propriété où il vient de s’installer et où il a fait des travaux absolument fastueux.

L’UMP est déjà dans une situation difficile, avec la guerre des chefs, les primaires qui auront lieu ou pas, alors il est certain que ces problèmes financiers ne vont rien arranger. Mais ils se relèveront.

JOL Press : Quelles vont être les conséquences pour Nicolas Sarkozy ? Un retour dans la vie politique est-il encore envisageable dans ces conditions ?
 

Liliane Delwasse : En politique on n’est jamais mort. Nicolas Sarkozy a un charisme, une façon d’être qui font qu’il peut tout de même se relever. En tous cas il est bien certain que c’est la première fois qu’un candidat accédant au second tour d’une élection présidentielle voit son compte de campagne rejeté. Je ne crois pas que cette décision empêche un retour de Nicolas Sarkozy mais cela peut abîmer son image, sans compter les autres affaires judiciaires dans lesquelles il est impliqué.

JOL Press : A qui va bénéficier cette décision ?
 

Liliane Delwasse : Certainement personne. On peut se dire que quand cela va mal à droite, la gauche en profite mais, en l’occurrence, malgré la situation florissante de ses finances, le PS n’aura pas intérêt à en tirer le moindre parti. Quant au Front national, ayant lui-même vécu cette situation, il y a quelques années, je ne pense pas qu’il va trop se servir de cette affaire. Il ne faut pas oublier que le FN a été au bord de la faillite.

Ce que je ne parviens pas à comprendre c’est comment, alors que Nicolas Sarkozy était en campagne, une campagne prévue depuis un certain temps, le trésorier n’a pas pu calculer un peu mieux le dépassement de campagne. Tout le monde sait à combien est estimé le montant des dépenses électorales d’un candidat !

JOL Press : Peut-être pensait-il qu’une fois réélu, personne n’irait regarder ses comptes de campagne ?
 

Liliane Delwasse : On aurait effectivement peut-être moins regardé. Mais les commissions qui examinent les comptes de campagne font normalement bien leur travail, on aurait malgré tout fini par le savoir…

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Liliane Delwasse, journaliste politique, a collaboré au Monde, à L’Express, au Point, auQuotidien de Paris et au Canard enchaîné. On lui doit notamment Sylviane et Bernadette sont en campagne (avec Frédéric Delpech, Ramsay, 2001) et Quand les femmes prennent le pouvoir (Anne Carrière, 2006).

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