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Didier Migaud, socialiste indépendant ou «poisson pilote de l’exécutif»?

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« Nous avons estimé que, vraisemblablement, l’objectif d’un déficit de 3,7% du PIB ne serait pas atteint. La France sera plutôt autour de 4% », soit « autour de 80 milliards », a expliqué vendredi 28 mai, sur Europe 1, le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud. « À priori les dépenses publiques semblent maîtrisées. Mais le calcul des recettes a été trop optimiste et la croissance a baissé », a-t-il précisé.

Fort de ces recommandations, le gouvernement a donc prévu de faire 14 milliards d’euros d’économies en 2014 sur les 20 milliards d’efforts de réduction de déficit prévus, dans ses premières orientations budgétaires pour 2014. L’Humanité l’a traité de « psychopathe du compromis », le Parti de gauche de « super-héros de l’oligarchie », Didier Migaud ne craint pas de préconiser une certaine rigueur quitte à froisser des membres de sa famille politique. Car, il est socialiste, pragmatique certes mais ancien député socialiste.

Des parents proches de François Mitterrand

« Mes parents n’étaient pas engagés politiquement au sens de l’engagement militant, mais ils étaient proches de François Mitterrand », s’est, un jour, confié Didier Migaud. « La personnalité de François Mitterrand a compté pour eux et aussi beaucoup pour moi. Il a été déterminant dans mon engagement. » Habitants de Château-Chinon, les parents de Didier Migaud ont fréquenté l’homme politique avant même qu’il devienne président de la République. Une proximité à l’origine de l’engagement politique du jeune homme.

Né le 6 juin 1952 à Saint-Symphorien (Indre-et-Loire), Didier Migaud a suivi une scolarité classique à Château-Chinon puis à Nevers, avant d’entrer à l’Institut d’études politiques de Lyon et, par la suite, obtenir un DESS de droit public. Diplôme en poche, François Mitterrand le recommande à Louis Mermaz, qui cherche un collaborateur de cabinet au Conseil général de l’Isère. A 22 ans, Didier Migaud adhère au Parti socialiste et entame sa vie politique.

Député de l’Isère pendant 22 ans

Après un peu plus de dix ans au Conseil général de l’Isère, Didier Migaud se fait élire député de la 4e circonscription de l’Isère (sud de Grenoble et l’Oisans) en 1988. Passionné par les finances publiques, et proche de Laurent Fabius, il sera rapporteur général du budget de 1997 à 2002, questeur de l’Assemblée de 2002 à 2007, puis président de la commission des finances en 2007, fonction dévolue, selon la promesse du Président de la République, Nicolas Sarkozy, à l’opposition. Il sera désigné le député le plus actif de l’Assemblée nationale dans le classement établi par le journaliste Vincent Nouzille.

Didier Migaud est, avec le sénateur Alain Lambert, le père de la LOLF, nouvelle « constitution » budgétaire adoptée en 2001 qui a pour but de renforcer les pouvoirs budgétaires du Parlement et d’améliorer l’efficacité de l’action de l’État en substituant à la logique de moyens une logique d’objectifs et de résultats. Il sera par ailleurs le « conseiller budgétaire » de la candidate Ségolène Royal, pendant la campagne des élections présidentielles de 2007.

Premier président de la Cour des comptes

À 58 ans, après vingt-deux années passées à l’Assemblée, il est nommé par Nicolas Sarkozy, en février 2010, à la tête de la Cour des comptes, en remplacement de Philippe Séguin, décédé quelques semaines auparavant. Didier Migaud se retire alors de la vie politique, abandonne l’ensemble de ses mandats électifs et quitte le Parti socialiste. « C’était une décision difficile à prendre », raconte le député UMP Gilles Carrez. « Migaud et Nicolas Sarkozy se connaissent et s’apprécient depuis 1988. Il lui a fait savoir qu’il était intéressé mais il a eu du mal à abandonner tout ce qui avait fait sa vie jusque-là. »

Pour son ami Claude Bartolone, cette décision tient davantage de la vie personnelle que du calcul professionnel : « Il avait très envie de changer de vie. Père de trois filles, dont une petite dernière, il voulait servir autrement. Pendant des années, il n’a eu que trois heures par semaine à leur consacrer ! » « Dans sa vie, il y a sa famille et son travail. Je ne lui connais qu’un seul hobby: les finances publiques », dit de lui le sénateur PS de l’Isère André Vallini.

Didier Migaud agace certains à gauche

Si son travail à la Cour des comptes est respecté et son impartialité appréciée par une grande majorité de la classe politique, certains, à gauche, l’aimeraient moins indépendant et plus soucieux du travail de ses anciens amis socialistes. En février, un élu PS confiait au Figaro : « J’entends des collègues dire : ‘Migaud exagère. Il devrait se souvenir d’où il vient’. » Des remarques sur lesquelles le président de la Cour des comptes ne préfère pas s’attarder : « On n’est là ni pour plaire ni pour déplaire, on peut parfois déplaire, ce n’est pas notre problème », expliquait-il en juillet 2011.

S’il est une chose qui n’est pas remise en cause, c’est sa rigueur et son ardeur au travail : « Il est extrêmement compétent », estime Laurent Fabius. René Dosière considère de son côté que « quand on a géré la réserve parlementaire et la questure de l’Assemblée nationale, on est un homme avisé. » Tout est dit ?

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