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Discrète mais autoritaire, Delphine Batho, la solitaire

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Son allure fait penser qu’elle est méfiante, raide. Yeux bleus perçants et crinière blonde frisée en permanence plaquée en chignon montrent sa droiture et son autoritarisme. Réservée, elle ne l’est qu’en externe. Car, travailler avec elle, c’est être confronté à « l’ordre juste » qu’elle se fixe. Militante dans l’âme, celle qui a épuisé deux fonctions dans le gouvernement Ayrault s’est isolée et a foncé dans la direction qu’elle s’était elle-même indiquée. Parachutée dans un ministère qui n’était en rien son domaine de prédilection, la toile ne s’est pas ouverte et la voici à terre, seule contre tous.

Un ministère miné

Victime d’un casting gouvernemental boitillant, elle n’a jamais su convaincre dans un costume qui paraissait trop grand. Delphine Batho est désormais sur les quais, ancienne capitaine d’un équipage écolo dont elle ne maîtrisait pas les manœuvres. A quarante ans, elle retourne dans les rangs et quitte un soleil auquel elle ne s’est jamais exposée, excepté une fois. Celle de trop. La voici en retrait, là où elle excelle le mieux. Pour le moment. Politique depuis toujours, elle fait partie de la génération montante du Parti Socialiste, mais au contact de grandes responsabilités, l’attrait du pouvoir a été plus fort. Incapable de déléguer son travail sur des questions environnementales dont elle n’est aucunement une spécialiste, elle a coulé dans un Ministère jamais simple à maintenir à flot.

Ni passionnée par le sujet, ni disposant d’un poids politique suffisant pour instaurer ses idées sur la transition énergétique, elle paraissait effacée, incompétente aux yeux des observateurs. Si son éviction peut paraître plausible étant donné le bilan laissé, la jeune quadra a été pointée du doigt sur ses seules faiblesses, ne laissant entrevoir l’animal politique qui est en elle. Le député socialiste de l’Essonne, Malek Boutih, décryptait il y a peu de temps son amie : « Delphine n’est pas dans la séduction. C’est une main de fer, elle n’aime pas les compromis, c’est contraire à ses principes. C’est une bosseuse. Extrêmement sérieuse. »

Militante depuis son plus jeune âge

Il faut dire que son cap à elle, c’est la sécurité. Elle se verrait d’ailleurs plus à l’Intérieur. Elle y serait plus légitime, disons moins approximative. Engagée dès l’adolescence, depuis les bancs du lycée Henri IV où elle a côtoyé Mazarine Pingeot, la Parisienne adhère à dix-sept ans à SOS Racisme et à la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL), où elle fera ses classes. Elevée par sa grand-mère, une sœur aînée de dix ans et un père ouvrier CGTiste, après avoir perdu sa mère d’un cancer à l’âge de huit ans, elle prend les rênes du FIDL le bac en poche, menant à bien une lutte pour les droits des lycéens.

Les grandes écoles, ce n’est pas pour elle, elle s’oriente vers la faculté de Jussieu pour des études d’histoire qu’elle abandonnera au bout de quelques mois. L’attrait de la politique est trop fort, elle ne connaîtra rien d’autre. Deux ans après avoir pris la présidence de la Fédération, elle la quitte pour gravir une marche supplémentaire et accéder à la vice-présidence de SOS Racisme. Elle a alors dix-neuf ans. Précoce. Julien Dray va vite la repérer et l’emmener sous son aile dans le courant de la Gauche Socialiste, qu’il mène avec Jean-Luc Mélenchon, lui confiant les questions sécuritaires. Sa voie est trouvée. Dix ans à les côtoyer, avant de passer de « drayiste » à « royaliste ».

Ségolène Royale, la grande soeur

Ségolène Royal, une idole, avant les embrouilles. Déjà. Durant la présidentielle de 2007, la candidate va être conseillée par Delphine Batho, intégrant ses réflexions en matière de sécurité et de justice. Propriété de la droite jusqu’alors, elle va amener le débat au PS. Elle prendra même sa succession dans la deuxième circonscription des Deux-Sèvres, « Ségo » ne se représentant pas pour éviter le cumul des mandats. Les deux ne se quittent pas jusqu’en 2011, après que l’ancienne militante syndicale des lycées ait pris en charge le projet de l’ex-épouse de François Hollande lors des primaires citoyennes. Hollande, lui, se présente à la Présidentielle de 2012, Batho va alors monter à bord de la campagne. Elle sera l’une des quatre porte-parole, le menant à la victoire.

La suite, vous la connaissez : une première nomination comme ministre déléguée à la Justice, poste qu’elle tiendra peu de temps, avant que les querelles internes avec la Garde des Sceaux, Christine Taubira, ne lui soient fatales. Encore. Un trop gros caractère, caché par une image renvoyée à l’extérieur de fille timide, pas sûre d’elle. Au fond, pour elle, la politique « c’est un défi », se revendiquant « militante ». De retour dans l’hémicycle, elle va devoir batailler. Bonne traversée.

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