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«En Espagne, le système électoral et politique est discrédité»

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JOL Press: Mariano Rajoy refuse de démissionner et parle de « chantage » et de « rumeurs » à propos du possible financement occulte du Parti populaire (PP). La corruption politique en Espagne est-elle systématique ? 
 

Miguel Angel FerrísLa concentration de plusieurs pouvoirs – financier, médiatique, ecclésiastique, politico-électoral – détenu par un parti unique, le seul en Europe qui s’étend de l’extrême droite au centre-droit, a laissé place à une impunité totale face à l’incapacité du système judiciaire espagnol à poursuivre les auteurs de crimes de corruption et de détournement de fonds publics, et ce malgré les protestations des citoyens.

Dans les communautés autonomes comme la nôtre, celle de Valence, l’exercice sans contrôle du pouvoir par le PP, au cours des 18 dernières années, a engendré une propagation de la corruption dans les institutions et au sein du parti au pouvoir. 

JOL Press : Face à ces affaires, l’Espagne est-elle en mesure de lutter contre la corruption politique? 
 

Miguel Angel FerrísEn Espagne, il n’existe plus de mécanismes pour combattre la corruption : cela s’explique par la réduction progressive des équipes mobilisées contre l’évasion fiscale, les amnisties fiscales, la persécution et la marginalisation des juges progressistes et indépendants, la non-application de loi sur la transparence, le manque d’observatoires sur la corruption grandissante mais surtout l’imposition du silence dans les parlements régionaux et de l’Etat grâce à la majorité absolue que le PP a obtenue à l’occasion de la dernière élection.

JOL Press: Ces révélations pourraient-elles la goutte d’eau qui fera déborder le vase ? 
 

Miguel Angel Ferrís: Dans n’importe quel pays normal, ces révélations auraient donné suite à des démissions, des condamnations des responsables politiques impliqués et l’obligation de rendre l’argent volé. Mais, en Espagne, rien de tout cela ne se passe.

Le système électoral et politique est complètement discrédité en Espagne. Pour cette raison,  il n’y a pas vraiment d’espoir que le principal parti d’opposition puisse changer les choses. Les grands mouvements citoyens n’ont pas eu non plus d’expression politique qui canalise ce mécontentement et cette frustration de la population. Je ne pense pas que les citoyens « exploseront » immédiatement, en plein été, mais la majorité des experts et des observateurs politiques pensent que la colère du peuple se traduira, à terme, par une explosion sociale.

JOL Press: Gaspillage, corruption, coupes budgétaires… c’est ce que vous dénoncez à travers les « Routes du gaspillage et de la corruption » organisées à Valence?
 

Miguel Angel Ferrís: C’est précisément notre objectif avec les « Routes du gaspillage et de la corruption » que de  montrer aux citoyens comment nous en sommes arrivés là et de leur expliquer où a été gaspillé l’argent public. Nous voulons leur montrer que la corruption a provoqué des coupes désastreuses dans les services publics, les salaires et le droit au logement. Nous avons lancé sept itinéraires différents, un exercice de pédagogie populaire autour de thèmes qui préoccupent les citoyens. Nous organisons également des tours dans d’autres villes espagnoles, comme à Malaga ou Valladolid.

JOL Press: Quelles seront, selon vous, les conséquences de cette affaire ? Soraya Saenz de Santamaria pourrait-elle succéder à Mariano Rajoy?
 

Miguel Angel FerrísCela dépend plus de ce qui déterminent les groupes de l’élite du pouvoir financier espagnol, plus les gouvernements de l’Allemagne et les Etats-Unis, malheureusement. Il est en effet possible que Soraya Saenz de Santamaria lui succède, depuis qu’elle a été épargnée par les accusations de corruption et puisque, de toute façon, tous les autres chefs de gouvernement sont disqualifiés devant l’opinion publique.

JOL Press: L’opposition a réclamé le départ de Mariano Rajoy. Le secrétaire général du parti socialiste, Alfredo Perez Rubalcaba, appelle les autres partis à se joindre à leur action. Quelles seront leurs stratégies ?
 

Miguel Angel FerrísLe Parti socialiste espagnol n’a pas eu le temps de procéder au changement de dirigeants et au projet de renouvellement du parti, initialement prévu pour octobre prochain. Il est donc très difficile pour Alfredo Pérez Rubalcaba, leader du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), de diriger quoi que ce soit. L’opposition socialiste menace de déposer une motion de censure si Mariano Rajoy refuse de venir s’expliquer devant le parlement, mais elle n’a pas beaucoup de chances d’être adoptée. 

Propos recueillis par Louise Michel pour JOL Press

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