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Et si l’UMP tirait avantage de la décision du Conseil constitutionnel?

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La situation financière de l’UMP, déjà confronté à de graves difficultés de trésorerie, devient inquiétante. « Nous n’avons pas du tout de moyens », a regretté le président de l’UMP, Jean-François Copé, jeudi, sur I-Télé.

Pour faire face à cette situation, Jean-François Copé a annoncé jeudi soir le lancement d’une souscription nationale, promettant que « la voix de l’UMP ne s’éteindra pas ». Sur le site internet du parti, ceux qui le souhaitent peuvent faire un don pour aider le parti. Le président du parti appelle ceux qui ne sont pas forcément militants à donner : « Ceux qui ne partagent pas forcément toutes nos idées mais qui considèrent indispensable, vital même, qu’un grand parti de droite et du centre s’attèle à préparer l’avenir des enfants de France ». La situation est-elle donc si critique ?

JOL Press : Comment l’UMP va-t-elle se relever de la décision du Conseil constitutionnel ?
 

Philippe Braud : Il y a deux aspects dans cette affaire. Financièrement, la décision du Conseil constitutionnel est un gros coup dur mais les membres de l’UMP trouveront très certainement des ressources pour rembourser la facture, par le biais de la « grande souscription nationale » lancée par Jean-François Copé ou par des dons de généreux mécènes. Il est vrai que le parti va devoir d’une manière ou d’une autre trouver le moyen de sortir de cette situation fâcheuse.

Politiquement parlant, finalement, cette situation peut très bien se retourner en faveur de l’UMP. Bien sûr les adversaires et les indifférents de l’UMP vont approuver cette décision du Conseil constitutionnel, comme étant une décision juste, mais d’un autre côté cette épreuve ne peut que ressouder le camp de la droite gouvernementale qui se croit victime de contrôles tatillons, avec une conjonction d’éléments de gauche au sein du Conseil constitutionnel mais aussi d’éléments chiraquiens hostiles à Nicolas Sarkozy. C’est toujours un avantage de pouvoir se présenter en victime d’un acharnement.

JOL Press : Cette crise n’est donc pas la crise de trop pour l’UMP ?
 

Philippe Braud : Je pense que cette crise financière au sein du parti va avoir des effets aggravants mais aussi des effets positifs. Bien sûr, il peut être tentant, pour des gens comme François Fillon ou Nathalie Kosciusko-Morizet de trouver par eux-mêmes leurs propres ressources sur la base d’associations qui seraient juridiquement reconnues, mais ce n’est jamais très bien vu de quitter le navire en pleine tempête.

La situation est très incertaine mais personnellement je ne crois pas que cette affaire soit si grave que cela ; en tout cas, cela ne contribue pas vraiment à aggraver la situation politique de l’UMP parce que les difficultés financières sont toujours remédiables.

JOL Press : Dans ce contexte, peut-on envisager le retour de Nicolas Sarkozy, comme candidat du parti en 2017 ?
 

Philippe Braud : Pours ses adversaires, il est certain que cette décision les conforte dans l’idée que Nicolas Sarkozy a toujours été un tricheur mais au sein de l’UMP, même au sein du centre, les électeurs y voient une sorte d’acharnement. François Sauvadet, député UDI n’a-t-il pas parlé de « décision qui paraît excessive » ? Dans cette affaire, Nicolas Sarkozy souhaite apparaître comme une victime. Il ne serait pas le premier homme politique à faire carrière là-dessus…

JOL Press : Le Front national peut-il profiter de cette situation ?
 

Philippe Braud : A chaque fois que des condamnations touchent d’autres camps que le sien, c’est toujours bon pour le Front national. Ceci étant, les comptes de campagne au sein du FN ont déjà été soupçonnés, donc si exploitation il y a, elle n’ira pas bien loin.

Rappelons aussi que le dépassement est beaucoup plus faible qu’on aurait pu l’imaginer. Le Conseil constitutionnel a déclaré que le montant des dépenses électorales du candidat UMP « excédait de 466 118 euros, soit 2,1%, le plafond autorisé ». A l’échelle politique, ce n’est pas grand-chose… Il s’agit malgré tout la première fois qu’un candidat accédant au second tour d’une élection présidentielle voit son compte de campagne rejeté. C’est une gifle, c’est clair, mais je pense que cela va renforcer l’indignation de ses sympathisants.

JOL Press : Nicolas Sarkozy a annoncé sa démission du Conseil constitutionnel afin « de retrouver sa liberté de parole » devant « la gravité de la situation et les conséquences qui en résultent pour l’opposition et pour la démocratie ». Qu’en pensez-vous ?
 

Philippe Braud : Je crois que c’est une erreur. Le problème de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République et éventuel futur candidat en 2017, c’est qu’il est bien trop impulsif. Un homme politique qui veut endosser le costume de responsabilités importantes doit manifester un grand contrôle émotionnel. Par ailleurs cette réaction immédiate est juridiquement non fondée, comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé, le droit en vigueur n’autorise pas un membre de droit de leur institution à en démissionner, on peut simplement suspendre sa participation.

En réagissant ainsi, Nicolas Sarkozy donne l’impression d’agir sans réfléchir, sur un « coup de tête », cela apparaît comme un geste trop bruyant de dépit. Quand on veut devenir président on a intérêt à montrer qu’on est au-dessus du dépit et qu’on sait se contrôler. Ce qui n’empêchera pas sa base à lui d’applaudir cette décision…

JOL Press : Quelle pourrait-être le meilleur comportement à adopter ?
 

Philippe Braud : Il n’a pas tant à être discret que digne. Il doit savoir se rappeler à l’attention des gens mais il y a une façon de faire savoir qu’on existe, un peu comme Alain Juppé. Nicolas Sarkozy ne doit pas se faire oublier mais pas par des manifestations trop bruyantes ou mal contrôlées.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Philippe Braud, ancien directeur du Département de Science politique de la Sorbonne, est professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et Visiting Professor à l’université de Princeton (WoodrowWilson School).

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