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François Hollande remercie Delphine Batho: Bercy beaucoup!

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Pour avoir jugé en direct sur RTL ce matin, mardi 2 juillet, « mauvais » le budget de son ministère – celui de l’écologie et du développement durable – pour 2014, en baisse de 7% selon les lettres de cadrage, première étape d’une procédure budgétaire qui s’étalera jusqu’à la mi-décembre prochain, Delphine Batho a été convoquée et reçue environ 30 minutes par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault à l’Hôtel de Matignon. Peu après, la nouvelle tombait : le président de la République, François Hollande, a mis fin aux fonctions de la jeune ministre.

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« Un ministre, ça ferme sa gueule… »

On passera ici sur la forme, un tweet sur Twitter pour la convocation – une première dans l’histoire de la Vème République, une première dans l’Histoire tout court – et un communiqué laconique de l’Élysée.

Petit acte d’autorité pour François Hollande… Un peu mou !

On pourrait y voir, à coup sûr, une manifestation de plus de la violence en politique. Certains ne manqueront pas de dénoncer le sort réservé à une femme par des hommes ou de gloser sur l’immunité dont semblent bénéficier certains éléphants, tel l’apôtre du « Made in France ». « Fort avec les faibles, faible avec les forts », la formule est connue, la pratique éternelle.

Delphine Batho a dû songer aujourd’hui – malgré son jeune âge, elle doit s’en souvenir – à  la belle formule – belle parce que, courageusement, suivie d’actes à deux reprises -, de Jean-Pierre Chevènement, selon laquelle « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Si tant est qu’elle ait songé à démissionner, François Hollande et Jean-Marc Ayrault, deux hommes à la mémoire d’éléphants, l’ont, sans le moindre état d’âme – semble-t-il –, pris de court et l’ont « démissionnée ». Au moins pour l’exemple.

Au-delà de l’écologie

Combien y a-t-il eu de Delphine Batho dans les gouvernements Ayrault depuis l’entrée en fonction de François Hollande le 15 mai 2012 ? Combien y a-t-il de ministres ou sous-ministres en désaccord, inquiets ou pas convaincu par le cap décidé au sommet ? S’il ne s’agit pas, ici, – loin de là – de faire de l’ex-ministre un héros ou une martyre, elle pourrait bien faire office de victime expiatoire…

Qu’a-t-elle dit, mardi 2 juillet sur l’antenne de la Matinale de RTL ? Que son budget pour 2014 est « mauvais » et que, surtout, il était la preuve – en substance – d’une gestion de courte vue, sacrifiant les grands objectifs, la stratégie de long terme sur l’autel de la lutte aveugle contre les déficits et la dette publics.

Il doit être possible – autorisé – de débattre des marges de manœuvre dont dispose aujourd’hui l’exécutif, s’interroger sur les causes d’une telle dégradation des finances publiques, imaginer les solutions les plus appropriées qui permettraient d’espérer de sortir l’État, le pays tout entier et au-delà l’Europe et le monde d’une situation aussi compromise. Ce débat doit être le plus large possible et reposer sur le principe de vérité – et non sur la violence et l’autorité. Une ministre ose – courageusement, admettons-le – déclarer « mauvais » son budget à venir et l’exécutif se contente de la renvoyer sans explication aucune. Si c’est dans cet état d’esprit que François Hollande et Jean-Marc Ayrault abordent le prochain débat budgétaire, il y a fort à parier que les mois à venir seront bien agités, trop peut-être…

Ce que pourrait avoir sous-entendu Delphine Batho – même s’il ne s’agit pas de se faire son exégète -, c’est que les caisses de l’État sont tellement vides que se prépare un budget de rigueur, d’une rigueur sans précédent, qui, au-delà de quelques mesures politiques symboliques, ne répondra qu’à des logiques comptables – de la baisse arithmétique en guise de principe de gouvernement.

Bercy tout-puissant

Si ce n’est pas ce qu’a voulu sous-entendre Delphine Batho, d’autres, tant d’autres, hauts fonctionnaires le disent sur le ton de la confession à chaque occasion. La rumeur enfle dans Paris…

Que l’on ne s’y méprenne pas… On peut lire que Bercy, le ministère de l’Économie et des Finances, devrait supprimer 2000 postes d’ici à 2014. Mais il semblerait qu’en réalité un vaste mouvement de « transfert » soit en cours. Ainsi, un certain nombre de hauts fonctionnaires de Bercy, spécialistes reconnus de la gestion des comptes publics ou simples énarques formatés par quelques années au bon étage de la « forteresse », placés en mobilité, atterriraient à des postes stratégiques dans d’autres ministères où le personnel en place serait jugé, par tradition ou par formation, plus dispendieux… Quelle meilleure garantie pour voir appliquer les oukazes du Budget quand on sait, pertinemment, qu’il faudra serrer la ceinture – au risque d’étouffer – à l’écologie, à la santé ou à la culture…

Agir ainsi, c’est commettre une grave erreur et prendre un risque pour l’avenir. Donner tous les pouvoirs à Bercy et à la direction du budget, c’est comme laisser la « troïka » sortir seule la Grèce de la crise.

Plus d’un haut fonctionnaire, flirtant aujourd’hui avec la quarantaine, a eu le plaisir de se voir enseigner les techniques quantitatives de gestion, la comptabilité publique, par un hiérarque – à la personnalité haute en couleur – de la Cour des Comptes. En début de 2ème année de la section Service Public, il les accueillait rue Saint-Guillaume avec une formule dont il savourait par avance l’effet : « On me demande de faire de vous des comptables, Sciences-Po fournit les tables… ».

Le renvoi de Delphine Batho annonce un débat budgétaire passionnant… et forcément déterminant. 

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