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Grande distribution: une précarité de l’emploi irrémédiable?

22.07.2013 par La Rédaction
Grande distribution: une précarité de l’emploi irrémédiable?

À la fin des années 2000, la sociologue Marlène Benquet a mené pendant trois ans une enquête dans une des principales entreprises françaises de grande distribution : d’abord devenue caissière, elle a ensuite fait un stage au siège du groupe et un autre au sein de l’organisation syndicale majoritaire. C’est le résultat de cette enquête hors norme qu’elle restitue dans ce livre, assez stupéfiant par ce qu’il révèle sur les « dessous » de la grande distribution. Entretien.

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L’identité des fondateurs (« des épiciers ») de la grande distribution a été bouleversée par l’arrivée de nouveaux actionnaires financiers : le management par la promotion a largement disparu, et l’ensemble des salariés accepte mal ce qu’ils vivent comme une perte d’autonomie et une insécurité grandissante. Dès lors, pourquoi acceptent-ils d’« encaisser » ces réorganisations fragilisantes ? 

Pour mieux comprendre, il fallait vivre leur vie : « Je voulais savoir ce que cela faisait d’être caissière pour comprendre pourquoi elles ne se révoltaient pas ou, en tout cas, moins que dans d’autres secteurs professionnels », explique Marlène Benquet auteure de Encaisser ! : Enquête en immersion dans la grande distribution (Editions La Découverte). Au sein du siège, le cloisonnement est de règle : les badges ne donnent accès qu’à l’étage où est situé son propre bureau, impossible de se déplacer dans d’autres services sans une bonne raison, les informations circulent peu et mal. Quant à l’organisation syndicale majoritaire, comment a-t-elle réussi à s’implanter ? Comment contribue-t-elle à la paix sociale ? 

Ni l’« adhésion » ni la répression ne suffisent à expliquer pourquoi les salariés s’investissent dans leur travail malgré un environnement oppressant et des rémunérations peu motivantes. Plus proche de la technique d’un joueur de go que d’un amateur d’échec, les stratégies patronales neutralisent les salariés, mais ne les soumettent pas. Entretien avec Marlène Benquet.

JOL Press : Qu’est-ce qui vous a inspiré cette enquête de terrain ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire cette expérience ?
 

Marlène Benquet : Le secteur de la grande distribution est un secteur qui m’intéressait tout particulièrement, car il emploie plus de 600 000 salariés en France : Carrefour est le premier employeur privé du pays. C’est aussi un secteur qu’on côtoie tous les jours en tant que consommateur : il n’y a que quatre ou cinq groupes de distribution en France qui font la jonction entre 60 millions de consommateurs et des centaines de milliers d’entreprises agro-alimentaires, la grande distribution est incontournable dans la vie quotidienne.

[image:2,s]Enfin c’est un secteur qui est très représentatif de la tertiarisation et de la féminisation de l’économie, ce qui correspond aux deux grosses tendances de l’évolution du marché du travail de ces 30 dernières années.

Il m’a donc paru particulièrement intéressant de réfléchir et d’aller enquêter sur les conditions de travail et d’emploi dans ce secteur-là. Ce travail correspond à ma thèse de doctorat que j’ai soutenue l’année dernière, c’est donc ma première grosse enquête.

JOL Press : Imaginez-vous recommencer ce type d’expérience ?
 

Marlène Benquet : Je pense qu’on ne peut pas faire d’enquête sociologique sérieuse sans en passer par, ce qu’on appelle en sociologie, l’observation participante. Cela consiste à faire la même chose que les personnes sur lesquelles on travaille, le plus possible dans les mêmes conditions. La plupart des travaux en sociologie sont des travaux statistiques, utiles pour cartographier une situation mais qui ne permettent pas de comprendre les logiques internes à un secteur social. Je pense, pour ma part, que pour comprendre pourquoi les personnes fonctionnent d’une certaine façon, il n’y a pas d’autre solution que de faire la même chose qu’eux.

Cette expérience doit être suffisamment longue pour se familiariser le plus possible avec le groupe social avec lequel on travaille et pour comprendre, de l’intérieur, ce qui fait la spécificité d’un secteur ou d’une position professionnelle.

JOL Press : Les conditions de travail des caissières vous sont apparues comme particulièrement difficile, n’est-ce pas ?

Marlène Benquet : Les conditions de travail des caissières sont difficiles pour trois raisons. Les caissières sont tout d’abord victimes de précarité économique, leur travail est payé au SMIC horaire. Par ailleurs, il n’y a pas de promotion possible à l’extérieur du secteur ; être caissière ne vous permet pas de faire quelque chose de mieux par la suite. Enfin, c’est un métier dont l’organisation du temps change toutes les semaines, ce qui rend très compliqué l’organisation de la vie extra-professionnelle.  

Ce qu’il faut malgré tout avoir en tête c’est que la très grande majorité des salariés de la grande distribution – plus de 70% – sont employés en CDI. C’est pour cette raison que la grande distribution reste un secteur attractif, en particulier pour les personnes qui ont un faible niveau de diplôme. La grande distribution est l’un des seuls secteurs en France où il est possible de se faire embaucher en CDI quand on a un faible niveau de qualification.

JOL Press : Comment expliquer que les conditions de travail ne s’améliorent pas ?
 

Marlène Benquet : Les personnes concernées n’ont que très peu de marge de manœuvre à l’extérieur de cet emploi. Ce sont souvent des femmes jeunes qui sont en charge d’enfants, des femmes souvent faiblement qualifiées. Il s’agit d’une population plus docile que la population salariée classique parce que c’est une population qui est plus fragile sur le marché de l’emploi.

Ensuite il y a des raisons internes à la grande distribution : l’organisation du travail ne permet pas vraiment la création de collectif de travail. Les salariés n’ont pas les mêmes horaires, ne déjeunent pas ensemble, n’ont pas leur pause ensemble. Il n’y a pas d’équipes qui permettraient aux personnes de mieux se connaître. Les salariées travaillent isolées chacune sur une caisse sans trop se croiser. Ces conditions rendent difficiles les discussions avec les collègues pour élaborer ensemble des motifs de plainte ou de revendication.

JOL Press : Que faudrait-il réformer en priorité dans la grande distribution ?

Marlène Benquet : Je pense qu’il faudrait augmenter les salaires. Le problème de ces emplois c’est qu’ils sont bien souvent à temps partiel et au Smic horaire cela correspond à 700, 800 euros par mois. A la fois les salariés travaillent trop pour chercher un autre emploi et en même temps ils ne travaillent pas assez pour vivre correctement. Ce sont des emplois qui vous maintiennent la tête juste au-dessus de l’eau, mais vous buvez la tasse quand même de temps en temps.

JOL Press : Qu’avez-vous tiré professionnellement de cette expérience ?
 

Marlène Benquet : Ce qui m’a intéressée pour la suite c’est la question des responsabilités. Dans la plupart des grands groupes actuellement, il est de plus en plus difficile d’identifier des responsables. Au sein de la grande distribution, j’ai été très surprise de constater que, même à la tête du groupe, l’information circule mal, ceux qui sont en charge des dossiers sont eux-mêmes sous la pression de leurs supérieurs hiérarchiques. Quand vous arrivez à contacter le PDG, vous réalisez que le PDG du conseil d’administration, et qu’il n’a donc que de très faibles marges de manœuvre. Les membres du conseil d’administration ne sont eux-mêmes que des représentants d’actionnaires qui ont des participations dans beaucoup de groupes et qui finalement ne gèrent pas en tant que tel le groupe.

Quand vous cherchez qui sont les responsables d’une situation, les gens à qui vous voudriez adresser un certain nombre de revendications, vous constatez que la responsabilité se dilue jusqu’à ne plus trop savoir qui est aux commandes de l’appareil. Je trouve cela assez vertigineux.

Mais on ne peut pas isoler la grande distribution de la situation économique en général : le fait que le capital des entreprises soit dispersé et de plus en plus financiarisé, finit par conduire à une situation où l’on ne parvient plus à identifier les interlocuteurs à la tête des entreprises.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Marlène Benquet, sociologue, est chargée de recherche au CNRS, membre de l’Institut de recherche interdisciplimaire en sciences sociales (Irisso). Elle est notamment l’auteure de Les Damnées de la caisse. Grève dans un hypermarché, (Édition du Croquant, 2011).   

La Rédaction


Caissière Conditions de travail Grande distribution Sociologie
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