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La grandeur industrielle passée de Detroit

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Étendard de l’automobile triomphante du début du vingtième siècle, Detroit n’est plus aujourd’hui qu’une casse. Fantôme d’un secteur industriel flamboyant, « Motor City » n’a plus d’essence dans son réservoir et se doit dorénavant de rester parqué. De la gloire et la richesse d’antan, ne reste plus que des ruines et des souvenirs. La ville est à sec, dépendante d’un secteur de l’automobile qui lui a puisé toutes ses ressources avant de la laisser périr. C’est un pan entier de l’histoire américaine qui s’en va avec la faillite de la métropole, écrin d’un essor industriel désormais révolu.

C’était la belle époque, un temps où le monde roulait avec les voitures sorties directement des chaînes de montage de Detroit, une période où la consommation de masse battait son plein, entraînée par des standards de production dictés par Henry Ford. Le natif de Deadborn, ville de la banlieue de Detroit, a révolutionné le pays en instaurant une méthode industrielle basée sur l’assemblage en ligne (rationalisation des tâches) et des salaires élevés pour ses ouvriers, exténués à la tâche, mais qui avec cet argent pouvait s’offrir une de ses voitures qu’ils ont vues passer entre leurs mains. L’idée du visionnaire est de fabriquer un modèle de voiture pour le plus grand nombre. Ce sera la Ford T, qui a connu un succès phénoménal entre les deux guerres mondiales, un Américain équipé sur deux possédant sa Tin Lizzie.

Un « Big Three » qui fait la renommée de la ville

Le succès appelant le succès, le joyau du Michigan va devenir le berceau du « Big Three ». Bénéficiant d’un isolationnisme géographique, Chrysler et General Motors vont constituer, avec Ford, un bassin industriel exponentiel, dominant le marché national jusqu’à 93% en 1953. Des années 1930 jusqu’aux seventies, les trois gros constructeurs vont détenir 85% de la production des quatre roues. Quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’ouverture du marché va commencer à déliter cette puissance, tandis que le choc pétrolier de 1979 portera un coup de massue à l’industrie, et donc à la ville qui l’héberge.

Si General Motors se clame « aussi essentiellement américain que le base-ball, les hot dogs et les apple pies vantés dans ses célèbres publicités », la concurrence étrangère va faire perdre le sens patriotique de citoyens américains englués dans la crise et soucieux de leurs dépenses. Déjà, à la sortie de la WWII, le déclin d’une ville liée à son industrie s’amorce. Le géant n’hésite pas, tout comme ses deux collègues, à « entreprendre avec détermination de disséminer leurs activités aux quatre coins du pays pour rapprocher la production des marchés locaux, une politique qui leur permet également de réduire les coûts de main-d’œuvre en investissant dans des endroits où les syndicats sont moins puissants que dans la capitale industrielle du Michigan. »

Un marché qui se délite, plombant toute une région

Pourtant, quelques années plus tôt, en plein effort de guerre, la force industrielle du site du Nord-Est des USA battait encore son plein, devenant « l’arsenal de la démocratie », armes et transports étant indispensables sur le champ de bataille, à plusieurs milliers de kilomètres de là. Mais trois décennies plus tard, le bonheur des uns fera le malheur des autres, le « Big Three » détalant sur tout le territoire « après que de nouvelles politiques fédérales eurent, dans les années 1970 et 1980 notamment, contraint les municipalités et les Etats à se faire concurrence pour créer des emplois, à coups d’allégements fiscaux et autres avantages destinés à retenir ou à attirer les investissements. Les entreprises s’en sortent grandes gagnantes, au détriment de la ville. »

Depuis, la ville se désertifie et les constructeurs sont au bord de la faillite, incapables de se moderniser pour contrer une concurrence qui est désormais internationale, et plongés dans le précipice par des dirigeants qui ne pensent qu’à la rentabilité financière. La place du « Big Three » sur le marché national s’érode et est en perpétuel recul. Detroit n’en a jamais fait le deuil et se retrouve désormais seul sur son lit de mort.

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