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La ministre italienne de l’Intégration comparée à un orang-outan

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Coutumière du fait, la Ligue du Nord a récidivé. Le parti de droite radicale, si ce n’est de l’extrême, s’est à nouveau illustrée ce week-end, lors d’un meeting regroupant près de mille cinq-cents personnes. L’un de ses sénateurs, Roberto Calderoli, de surcroit vice-président du Sénat italien, a déclaré le 13 juillet à Treviglio, près de Bergame, que « Cécile Kyenge fait bien d’être ministre mais peut-être devrait-elle le faire dans son pays. Je me console quand je surfe sur Internet et que je vois les photos du gouvernement. J’aime les animaux mais quand je vois les images de Kyenge, je ne peux m’empêcher de penser à des ressemblances avec un orang-outan, même si je ne dis pas qu’elle en soit un. »

L’excuse de la « blague »

Devant un parterre de militants du parti xénophobe, cette déclaration a amusé. Dans le reste du pays, beaucoup moins. On pensait que la Ligue avait touché le fond le mois dernier, lorsqu’une de ses élues avait appelé au viol de la ministre d’origine congolaise. Mais ça continue de creuser, encore et toujours plus profondément dans l’intolérance.

Si le sénateur a depuis tenté d’expliquer sa sortie, s’excusant –de manière peu convaincante- de ses paroles en mettant cela sur le compte de la plaisanterie : « Il y a eu une instrumentalisation. J’ai fait une blague, peut-être exagérée, mais je ne me référais pas à l’aspect racial de la ministre. C’était une référence esthétique et je m’en excuse », il n’est, quelques jours après l’affaire, aucunement menacé de son poste. Une hérésie.

De l’indignation, mais aucune sanction

Bien entendu, des voix se sont levées lorsque les propos du sénateur ont dérapé, notamment celle du chef du gouvernement italien, Enrico Letta, déclarant que ces mots sont « inacceptables et dépassent toutes les limites », et parlant même de « honte » pour son pays, affichée aux yeux de tous.

Le président du Conseil a ainsi logiquement demandé au patron de la Ligue du Nord, Roberto Maroni, de « refermer le plus vite possible cette page, sinon on entrera dans une logique d’affrontement total qui ne serait utile ni à lui ni au reste du pays. » Pour simple réponse, Maroni a posté un message sur sa page Facebook, jugeant les excuses du sénateur suffisantes : « Calderoli s’est trompé, il a reconnu son erreur et s’est excusé. […] basta aux polémiques et aux manipulations. »

Récidiviste de propos intolérants

Ni sanction administrative ni sanction judiciaire. Logique, étant donné les largesses du règlement de la Chambre Haute. Aucune mesure ne peut être prise à l’encontre de Calderoli, protégé par les siens. Si, comme à son habitude, Cécile Kyenge a préféré ne pas surenchérir dans la polémique, déclarant dignement qu’elle ne prend « pas personnellement les paroles de Calderoni, mais elles m’attristent à cause de l’image qu’elles donnent de l’Italie », le cas Calderoli commence à être gratiné.

Déjà en 2006, il avait été évincé du gouvernement Berlusconi pour s’être exhibé avec un tee-shirt anti-islam, ce qui avait provoqué des remous devant le consulat d’Italie à Benghazi, en Libye. La même année, à l’issue de la victoire de son pays en finale de la Coupe du Monde de football face à la France, il avait même lâché que la formation de Domenech était « une équipe qui, pour obtenir des résultats, a sacrifié son identité en alignant des nègres, des musulmans et des communistes. » L’homme a un palmarès, mais évolue librement.

Un projet politique contesté

Simplement une guerre des mots, pour tenter de calmer la Ligue du Nord. On ne réfléchit même pas à une exclusion dans le parti, tant son rôle est ancré. Aucun compte rendu, pas de protestation, de soulèvement, simplement une pétition lancée par des citoyens Italiens lassés d’être représentés par de tels personnages. En quelques heures, la requête auprès du président du Sénat pour virer le fauteur de trouble a recueilli près de 135 000 votes.

La ministre Kyenge dérange dans un pays toujours sensible sur la question de l’immigration et de l’intégration. La mieux placée pour évoquer le sujet, elle se retrouve sous le feu des projecteurs et donc des attaques. La Congolaise d’origine veut faire évoluer le pays, tentant par exemple d’imposer le droit du sol, offrant la nationalité italienne aux enfants nés sur le territoire, même s’ils sont issus de parents étrangers. Un projet politique qui doit faire face à de nombreux résistants, parfois aux relents racistes.

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