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Mali: l’élection présidentielle ne signera pas la réconciliation nationale

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Vitesse et précipitation se confondent au Mali, à l’aube de l’élection présidentielle censée permettre au Mali de sortir d’une longue période d’instabilité politique.

Promise le 28 juillet prochain, le scrutin aura bien lieu. Pourtant, 500 000 Maliens ne sont toujours pas revenus chez eux après avoir fui les combats au nord, les cartes électorales n’ont toujours pas été distribuées et les bureaux de vote n’ont toujours pas été désignés.

Le taux de participation ne devrait pas dépasser les 25% et tous les candidats en lice ne sont que des hommes présents en politique depuis toujours. Aucun changement n’est à attendre du Mali avec ce futur président, encore moins la réconciliation nationale entre les populations du sud et du nord. Explications avec Francis Simonis, maître de conférences et membre de l’équipe du Centre d’études des mondes africains.

JOL Press : La campagne électorale en vue de l’élection présidentielle a démarré au Mali. Dans quel contexte va-t-elle se dérouler ?
 

Francis Simonis : Apparemment, cette campagne électorale se déroule dans un bon climat au sud du pays où chacun des candidats a tenu dimanche son premier meeting dans une des grandes villes.

Cette période s’annonce donc active dans ces régions.

En revanche, il n’y a pas encore de campagne électorale dans le nord. Aucun candidat n’a, pour le moment, choisi de faire le déplacement dans des villes comme Gao ou Tombouctou.

JOL Press : Les Maliens ont-ils confiance dans le bon déroulement de ce scrutin ?
 

Francis Simonis : Ce qui est évident, c’est qu’une grande partie de la population malienne pense que ces élections doivent avoir lieu. Et bien que le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ait estimé fin juin qu’il fallait reporter la date du scrutin, les grands candidats ont la volonté de profiter du contexte actuel pour mener leur campagne.

En effet, ils veulent exploiter leur notoriété et les moyens dont ils disposent actuellement pour mettre toutes les chances de leur côté.

Pourtant, les conditions techniques au bon déroulement de ce scrutin sont loin d’être réunies.

JOL Press : Dans quelle mesure ces conditions ne sont-elles pas réunies ?
 

Francis Simonis : Il y a encore 500 000 Maliens réfugiés à l’étranger ou déplacés à l’intérieur du pays.

Les nouvelles cartes électorales commencent seulement à être distribuées au sept millions d’électeurs et elles n’indiquent pas les bureaux de vote où ceux-ci doivent se rentre pour voter.

Tout est à faire et dans un climat de précipitation. A Bamako, cette distribution se fait dans la plus grande désorganisation tandis qu’à Kidal, dans le nord, l’administration n’est pas présente et la population n’a encore été recensée !

La participation des électeurs s’annonce d’ores et déjà très faible, peut-être autour de 25 %. Si les Maliens se déplaceront probablement massivement dans les villes du sud, il n’en sera sans doute pas de même dans les campagnes et dans le nord du pays.

D’autre part, ce scrutin est organisé en pleine saison des pluies, pendant le jeûne du Ramadan, ce qui rend les conditions encore plus difficiles.

Pourtant, la pression de la communauté internationale en général, et de la France en particulier, est très forte et puisqu’il faut que ce scrutin ait lieu, il aura lieu.

Un des candidats, Tiebilé Dramé, vient de déposer un recours auprès de la Cour constitutionnelle afin d’obtenir le report le scrutin dans la mesure où le recensement dans le nord n’étant pas achevé, l’organisation de cette élection irait à l’encontre des principes de la constitution de 1992. Malgré cela, l’élection se déroulera très certainement comme prévu, car on peut craindre que la décision de la Cour constitutionnelle sera politique, et non juridique.

JOL Press : Quels sont les grands enjeux de cette élection présidentielle ?
 

Francis Simonis : Les principaux candidats se retrouvent autour du même programme et parlent aux Maliens de paix et de stabilité, de lutte contre la corruption, de développement économique et d’emplois pour la jeunesse.

Les moyens qu’ils veulent utiliser pour arriver à leurs fins sont cependant beaucoup plus flous que les buts qu’ils souhaitent atteindre.

Dans tous les cas, la victoire des candidats ne sera pas déterminée par un programme, car ils ont tous plus ou moins le même, mais sur les personnalités qui joueront de leur notoriété, de leur réseaux et de leurs moyens financiers.

Aujourd’hui, trois candidats semblent se détacher du lot.

Ibrahim Boubacar Keïta, ancien Premier ministre, ancien président de l’Assemblée Nationale est un des candidats les plus sérieux. Son parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM), est un parti puissant membre de l’Internationale Socialiste et en cela, il apparaît parfois comme le candidat de la France. Il a réuni 30 000 personnes dimanche lors de son premier meeting à Bamako.

Modibo Sidibé est également ancien Premier ministre et compte parmi les grands favoris tandis que Soumaïla Cissé, ancien ministre et président de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), a lui aussi toutes ses chances.

JOL Press : Parmi ces candidats, peut-on croire que le futur président pourra être l’homme de la réconciliation nationale ?
 

Francis SimonisCe serait étonnant car ils sont tous de vieux routiers de la politique. Ces hommes sont les mêmes qu’il y a vingt ans et ils ont tous été membres des gouvernements qui se sont succédés depuis 1992.

La réconciliation nationale n’est pas à attendre de cette élection présidentielle et rien ne changera dans l’immédiat au nord du pays.

Ce scrutin permettra simplement à la communauté internationale d’avoir un interlocuteur présentable et à la France de prouver qu’elle a fait son travail en chassant les islamistes et en organisant une élection démocratique. Dans les faits, et quoi qu’en disent les autorités maliennes, c’est la France qui a imposé son calendrier à Bamako.

Plusieurs questions se poseront alors. Qu’elle pourrait être la représentativité d’un président élu avec un taux de participation aussi faible ?

Comment pourrait-on changer le Mali avec les mêmes hommes ? Il n’y a pas de personnalités émergentes en politique, les principaux candidats à cette présidentielle l’ont déjà été lors de précédentes éditions.

Il est donc peu probable que de ces élections surviennent la paix et la stabilité au Mali.

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