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Pourquoi cette crise à Detroit est-elle plus grave que les précédentes?

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Dernier acte de la lente agonie que subit l’ancien fleuron de l’industrie américaine, la faillite de la ville de Detroit a été prononcée ce jeudi 18 juillet. « Je prends cette décision difficile afin que les habitants de Detroit aient accès aux services publics les plus élémentaires et pour que Detroit reparte sur de solides bases financières qui lui permettront de croître à l’avenir », s’est défendu le gouverneur de l’Etat du Michigan, Rick Snyder. La dette qu’a accumulée « Motor City » est impressionnante : environ dix-neuf milliards, que la cité de la musique soul ne peut rembourser.

Un destin lié à l’automobile

Une mise en faillite afin de pouvoir être placé sous la protection de la loi, lui permettant de négocier le montant dû. Le dossier a été transmis au tribunal fédéral, au juge désormais de décider. En 1975, New York avait également été mis à la banqueroute, mais le gouvernement avait refusé prendre à sa charge les errements de la « Big Apple ». S’en était suivit des mesures drastiques d’austérité qui avaient entraîné de graves tensions sociales.

Comment une si grande ville a pu en arriver là ? Un expert, Kevyn Orr, mandaté par Rick Snyder, a résumé la situation en quelques mots : « une mauvaise gestion financière, une population en baisse, une érosion de la base fiscale pendant ces quarante-cinq dernières années ». Cette mise en faillite est l’occasion de faire table rase sur un passé glorieux mais qui a décrépi, jusqu’à pourrir la ville, dont de nombreux endroits sont purement et simplement abandonnés. Outre l’échec économique d’une ville liée au destin de l’automobile, la déchéance sociale est ce qui caractérise le mieux la situation de la cité du nord-est des Etats-Unis.

Un exode dévastateur

Un exode massif des habitants a eu lieu lors des années soixante, une décennie marquée par les conflits raciaux. Des émeutes dévastatrices ont éclaté avec le mouvement des droits civiques, entraînant la classe moyenne blanche en-dehors de la ville. Les entreprises n’ont pas tardé à suivre, laissant à l’abandon le lieu de naissance de la Motown, où la criminalité y est devenue endémique. C’est simple, durant un moment quatrième plus grande ville des USA, Detroit a vu sa population la déserter de plus de moitié, passant de près de deux millions d’habitants quelques années après la Seconde Guerre mondiale, à quelque sept-cent mille habitants de nos jours.

Devenue cité dysfonctionnelle, après avoir exploité le « Big Three » (Ford, Chrysler, General Motors), Detroit ne peut plus désormais assurer de simples services publics municipaux. Comme le Washington Post le rappelle, le chômage y est conséquent, avec un chiffre éloquent de près de 50% d’inactivité dans certains quartiers. Du coup, les salaires sont misérables et par répercussion les impôts sur le revenu peinent à renflouer les caisses de la ville. Et s’il n’y a pas de travail, logiquement la criminalité s’envole : Detroit est la grande ville la plus dangereuse des USA et seuls 10% des crimes y sont résolus.

Une population laissée à elle-même

Mieux vaut ne pas y avoir de problèmes, étant donné qu’en moyenne les secours interviennent près d’une heure après l’appel. Par ailleurs, seule une ambulance sur trois est disponible. Une dernière statistique sur les retombées de cette crise exceptionnelle : 40% de la ville n’est plus éclairée. Un cercle vicieux qui continue d’arracher les citoyens de la ville, l’enfonçant chaque jour un peu plus dans la solitude.

Mais la Maison Blanche a prévenu, elle va surveiller l’évolution de la décrépitude d’une ville que certains pourraient désormais surnommer « Notown » : « Si les dirigeants sur le terrain au Michigan et les créanciers de la ville savent qu’ils doivent trouver une solution aux graves difficultés financières de Detroit, nous sommes engagés à poursuivre notre partenariat robuste avec Detroit au moment où elle œuvre à reprendre le dessus, se revitaliser et maintenir son rang parmi les villes américaines de premier plan. »

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