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Projet de loi sur l’immigration: de quoi le gouvernement a-t-il peur?

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Le projet de loi sur l’immigration pourrait n’être examiné qu’après les municipales de mars, selon le ministère de l’Intérieur, pour y adjouter un volet « asile ». Le projet était initialement prévu pour la rentrée. Manuel Valls ouvrait justement lundi 15 juillet à 16h00 une concertation avec les acteurs du secteur de l’asile (Etat, organismes indépendants, élus, associations) afin de réformer le système qu’il juge « à bout de souffle ».

Pour un unique projet de loi sur l’immigration et l’asile

Ces acteurs du secteur de l’asile devraient rendre leurs conclusions fin octobre. Le ministre de l’Intérieur présentera alors un « un unique projet de loi immigration/asile » avant la fin de l’année, a indiqué son entourage. « Son inscription à l’ordre du jour parlementaire sera ensuite une question d’appréciation politique », a ajouté cette même source à l’AFP. « Le Président, le Premier ministre et le ministre devront apprécier si on le passe avant les municipales ou après. »

Jusqu’alors, le ministre de l’Intérieur avait toujours évoqué deux projets de loi séparés. Le projet de loi sur l’immigration, attendu à la rentrée, envisageait de créer un titre de séjour pluriannuel pour éviter aux étrangers de repasser tous les ans à la préfecture mais aussi réviser les procédures de placement en rétention. L’autre, sur l’asile, devait transposer en droit français avant la mi-2015 des règles européennes adoptées en juin et permettre de remettre à plat l’ensemble du dispositif d’asile.

« Un esprit d’apaisement »

« Le gouvernement a souhaité aborder la question de l’immigration avec un esprit d’apaisement et de responsabilité », avait alors souligné Matignon dans un communiqué, mi-mai, alors que le député PS Matthias Fekl avait remis mi-mai à Jean-Marc Ayrault un rapport sur l’immigration, qui préconisait notamment de généraliser les titres de séjour de quatre ans pour faciliter la vie des étrangers et désengorger les préfectures.

« Tous ces éléments participent d’une volonté du gouvernement de réorienter la politique d’immigration de notre pays en privilégiant la concertation et l’analyse plutôt que les réformes incessantes et finalement inefficaces », avaient ajouté les services du Premier ministre, avant d’indiquer que ce projet de loi serait présenté au Conseil des ministres « avant l’été ».

Un système d’asile français est « à bout de souffle »

« C’est l’honneur de la France de protéger ceux qui, sans son aide, seraient en grand danger. Mais notre système d’asile est à bout de souffle, je ne l’accepte pas. Il faut le réformer », estimait Manuel Valls, le 4 mai dernier. Et de rappeler que « depuis 2007, les demandes d’asile ont augmenté de 70% » et qu’ « avec 61 000 demandes en 2012, la France est le deuxième pays européen le plus sollicité », passant pour la première fois derrière l’Allemagne.

La Commission européenne annonçait le 26 avril que l’Union européenne allait se doter de règles communes pour le traitement des demandes d’asile, l’accueil des demandeurs et la garantie de leurs droits. Le ministre avait alors annoncé qu’il allait « lancer une grande consultation nationale avec les associations et les élus locaux à partir de juillet ». Consultation « animée par un parlementaire et se conclura à l’automne ».

Déminer les tensions sociales à la rentrée

Comment expliquer alors que ses deux projets de loi aient été réunis en un seul et que les dates aient été autant repoussées ? On se souvient aussi qu’en mai, François Hollande avait déjà annoncé que sa promesse de campagne de donner aux étrangers non européens le droit de voter aux élections municipales ne serait examinée qu’après le scrutin de mars. Doit-on croire à un report ou y voir un abandon pur et simple d’un texte que le gouvernement craint de présenter, dans un contexte de crispations sociales ?

Les fenêtres d’opportunités risquent de devenir très limitées après les municipales car de nouvelles échéances électorales se profilent : en juin 2014 les Européennes et en 2015 les départementales et les régionales. Pour qu’un projet de loi sur l’immigration puisse voir le jour encore faudrait-il que ces élections ne soient pas trop catastrophiques pour la majorité mais surtout que la croissance reparte. Or rien n’est moins sûr. En outre, au regard des précédents, force est de constater que les projets de lois sociétaux ont souvent beaucoup de mal à passer en seconde partie de mandat présidentiel. On se souvient du projet de loi Savary en 1984.

Si on ne légifère que très rarement à un an d’une élection présidentielle, ce projet de loi sur l’immigration ne pourrait être soumis qu’à l’automne 2015 au Parlement. En 2015 ou jamais…

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