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Quel est le rapport entre les cellules cancéreuses et les hormones?

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Plus de cinq millions de Françaises prennent la pilule. Mais fin 2012, une polémique enfle, et ce moyen de contraception est accusé de leur faire courir un risque mortel : embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral… Face à l’afflux de questions des patientes, les gynécologues s’avouent souvent mal informés et les femmes s’inquiètent.

Y a-t-il ou non un risque ? De quel ordre serait-il ? Quels sont les profils concernés ? Quelles précautions doivent absolument être prises ? Bref, quelles sont les règles à respecter pour prendre la pilule sans courir de risque ? Le docteur Rozenbaum répond à toutes ces questions.

Extraits de La vérité sur la pilule, du docteur Henri Rozenbaum (Librio)

Il existe plusieurs types de cancers qui sont influencés par les épisodes de la vie génitale et par certaines hormones, car leurs cellules contiennent des récepteurs hormonaux. C’est le cas des cancers du sein, de l’endomètre (la muqueuse tapissant l’intérieur de l’utérus), de l’ovaire et de l’intestin. Ce sont les cancers « hormono-dépendants », baptisés ainsi non pas parce qu’une hormone a provoqué leur apparition, mais parce qu’une fois le cancer apparu, cette hormone peut influencer son évolution.

Les cellules des cancers du sein, par exemple, sont capables de synthétiser des quantités importantes d’estrogènes à partir des hormones mâles sécrétées par les glandes surrénales : ces glandes sont situées au-dessus des reins et sécrètent essentiellement la cortisone, mais également de faibles quantités d’androgènes. Les estrogènes vont, à leur tour, stimuler la croissance de la tumeur.

Observe-t-on plus de cancers chez les femmes prenant la pilule ?
 

L’étude déjà citée menée en Grande-Bretagne par 1 400 médecins généralistes ayant suivi 46 112 femmes pendant trente-neuf années a conclu le contraire : elle a observé une diminution de 12 % de l’ensemble des cancers et de près de 30 % des cancers gynécologiques. Elle a également souligné une diminution de 15 % de la mortalité globale par cancers. Cela dit, cette étude ayant débuté en 1968, 75 % des femmes suivies prenaient à l’époque des pilules dosées à 50 μg d’estrogènes, associés à un progestatif de première, et surtout, de deuxième génération.

Par conséquent, même avec une pilule assez fortement dosée, les effets sur la santé, et plus particulièrement sur les cancers, sont apparus bénéfiques.

Mais la pilule n’augmente-t-elle pas le risque de cancer du sein ?
 

L’étude anglaise montrait que le risque de cancer du sein n’était pas affecté par la prise de la pilule. D’autres études, nombreuses, ont été publiées sur ce sujet. Dans l’ensemble, elles prouvent que la pilule n’a pas d’incidence sur le risque de cancer du sein, sauf, peut-être, chez les femmes jeunes qui la prennent avant une première grossesse.

[image:2,s]Inversement, il faut savoir qu’une première grossesse menée à terme avant 25 ans diminue le risque de cancer du sein. L’explication de ce phénomène est la suivante : les cellules mammaires n’arrivent à complète maturité qu’en fin de grossesse.

Ces cellules sont alors moins sensibles à d’éventuels agents cancérigènes. En retardant l’âge de la première grossesse, on augmente donc légèrement le risque de cancer du sein. Or la pilule permet précisé- ment à certaines femmes de reculer l’âge de leur première grossesse. Nous avons déjà évoqué le déclin de la fertilité avec l’âge, vous avez ici une raison supplémentaire pour ne pas retarder inconsidérément l’âge de votre première grossesse.

Enfin, plusieurs études ont montré que même en cas d’antécédent familial de cancer du sein, la pilule n’augmentait pas particulièrement ce risque. Dans la pratique, cependant, si une de vos parentes proches (mère, tante, sœur) a eu un cancer du sein, vous devez, de toute façon, pilule ou pas, vous soumettre à une surveillance plus étroite. Néanmoins, ce terrain familial n’est pas une contreindication.

Voici plusieurs recommandations afin de réduire ce risque. Surveillez votre poids, car un excès de poids le multiplie par 3 ou 4. Faites du sport : un exercice régulier diminue de 20 % le risque de cancer du sein. Évitez l’alcool et le tabac. Et si vous le pouvez, ayez un enfant avant l’âge de 25 ans – mais cette décision est beaucoup plus personnelle et intime.

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Le docteur Henri Rozenbaum est gynécologue et endocrinologue. Ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, il est président de l’Association française pour l’étude de la ménopause (AFEM), ancien président de l’European Menopause Society et créateur du premier centre de traitement de la ménopause en France. Il est également rédacteur en chef d’une revue médicale et auteur de nombreux ouvrages faisant autorité sur la ménopause et la gynécologie. Il est invité à donner et à présider de nombreuses conférences en France et à l’étranger.

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