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Arnaud Hermant: «Le PSG est le favori de la Ligue 1»

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JOL Press : Selon un récent sondage de Lequipe, 71% des Français pensent que Paris sera à nouveau champion. Le PSG aura-t-il un réel concurrent cette année ? Monaco a fait un recrutement impressionnant, mais manquera sûrement de vécu et d’une solidité défensive nécessaire, Lyon est en période de transition, l’OM a recruté français en comblant les manques de son effectif, mais pourrait être fatigué par l’Europe. Comment voyez-vous évoluer ce quatuor ?
 

Arnaud Hermant : Clairement le Paris-Saint-Germain est le favori de la Ligue 1. L’année dernière le club francilien l’était également et a remporté le championnat assez aisément, avec au final douze points d’avance sur son dauphin, l’OM. On peut donc penser que cette saison encore, Paris sera champion. Peut-être pas avec la même avance, il faudra voir.

Après, on attend beaucoup de Monaco. A juste titre vu l’argent dépensé et le recrutement effectué. Je serais prudent sur l’ASM pour deux raisons : premièrement, c’est une équipe qui monte de Ligue 2, donc qui n’aura pas forcément de vécu comme vous l’avez souligné. L’équipe doit se mettre en place, ça ne se fait pas du jour au lendemain, on l’a vu avec le PSG lors de la première année de son rachat, qui possédait le meilleur effectif du championnat, mais qui finalement, faute d’avoir perdu des points à droite et à gauche, s’était retrouvé battu par Montpellier. Je ne pense pas Monaco compétitif dès cette année.

Deuxièmement, il va falloir que le club de la Principauté dégraisse son effectif de manière assez significative, car on ne peut pas gérer un groupe de plus de trente joueurs. Il y a encore quelques semaines, il y avait carrément une quarantaine de joueurs sous contrat. Pas mal de monde doit encore partir. Sachant que Monaco n’a en plus que trois compétitions à gérer, si vous avez trop de joueurs sous contrat, au bout d’un moment ceux qui ne sont jamais concernés par le jeu pourraient pourrir l’ambiance et créer des problèmes au sein du vestiaire. C’est la mission des dirigeants monégasques avant le 2 septembre (fin du mercato estival, NDLR) : faire le ménage.

« Paris favori. Monaco ? J’attends de voir »

Ce n’est pas toujours évident de mener cette politique envers des joueurs qui ont contribué à ramener l’équipe parmi l’élite. Donc si du jour au lendemain il n’y a quasiment plus personne parmi l’effectif qui a participé à la montée, pour ceux qui restent ça peut créer des frustrations, des jalousies, donc des problèmes.

Dernier argument contre Monaco : la défense. Il y a effectivement un déficit derrière. Les deux latéraux sont prometteurs, mais ce n’est pas exceptionnel. Les deux centraux, si ce sont nos amis Abidal et Ricardo Carvalho, sont très âgés. D’autant plus que le Français revient d’une grave blessure. Si le FC Barcelone ne l’a pas conservé, c’est tout simplement parce que les dirigeants catalans pensaient qu’il n’était plus apte à évoluer au plus haut niveau.

Il ne faut pas se voiler la face, ce n’est pas une question de désaccord, le seul contrat qu’ils lui proposaient était une reconversion dans l’organigramme du club, pas en tant que joueur. Si ces deux joueurs constituent la charnière, cela peut causer des déficiences, d’autant plus que le gardien Subasic n’est pas l’assurance tous risques. Donc défensivement, il y a des lacunes, même si on sait qu’offensivement ils sont impressionnants, au milieu de terrain également. J’attends de voir donc.

Marseille plutôt que Lyon

Ensuite, je crois plus en Marseille qu’en Lyon. L’OM est dans une certaine continuité, ils n’ont pas perdu de joueurs phares et ont conservé leur axe fort Mandanda-N’Koulou-Valbuena-Gignac. Je crois pas mal à la réussite du club, d’autant plus qu’il a recruté Payet. Après il faut voir ses performances, c’est toujours le problème de ces joueurs qui viennent de clubs pas forcément moyens sportivement, mais au niveau de la notoriété, des attentes, de la pression médiatique.

Là il débarque à Marseille, un club comme le PSG, où attend vite beaucoup de vous. Les projecteurs sont braqués sur vous et je ne sais pas si Payet est capable d’avoir le même rendement qu’à Lille, mais si techniquement il n’y a pas de doute sur sa qualité. C’est l’interrogation, mais s’il atteint un bon niveau alors Marseille sera candidat naturel à la troisième, voire deuxième place –en considérant que la première sera pour le PSG-.

Concernant Lyon, je ne sais même pas si le club se qualifiera pour la Ligue des Champions. Si l’OL ne se qualifie pas, les conséquences seront terribles au niveau financier et donc sportif puisque les Lyonnais seront obligés de vendre des joueurs à fort salaire pour faire des économies. Et on imagine que ce seront des joueurs expérimentés. Même si Lyon a de bons jeunes, ce ne sont pas à eux de tirer le club du jour au lendemain, il faut des cadres pour les guider et leur permettre de s’aguerrir. Je ne vois pas Lyon sur le podium cette année.

JOL Press : Le véritable intérêt de ce championnat sera-t-il donc seulement de savoir qui complètera le podium ?
 

Arnaud Hermant : Il y a toujours un peu de surprise dans ce championnat. L’année dernière, on a douté du Paris-Saint-Germain –d’ailleurs les commentaires lors du départ d’Ancelotti au Real Madrid étaient assez rigolos- après les premières journées, jusqu’à la mi-saison. Il y avait de grosses remises en cause. Après effectivement c’est un peu le drame à terme pour dix-huit clubs de Ligue 1 –si ce n’est pas le cas cette saison, ça le sera la suivante, sauf accident économique pour Monaco et le PSG, vu les recrutements effectués-, ils se battront pour une seule  place derrière ce duo. Je grossis un peu le trait, mais au début du championnat on connaît déjà les deux clubs qui trusteront la première et deuxième place.

J’en avais discuté avec le président de Marseille, M. Labrune, et il m’avait avoué savoir qu’il se battrait à l’avenir que pour cette troisième place. Quand on sait qu’économiquement une qualification en Ligue des Champions est primordiale et qu’il n’y a qu’une place à gratter –et encore il faut passer des tours préliminaires-, il va falloir lutter.

Ensuite, la lutte pour 4e et 5e place est toujours intéressante, la saison passée ça a été sexy jusqu’au bout. Et puis il y a toujours la relégation qui est marrante. Il se passe toujours des trucs, je trouve que c’est un championnat qui n’est peut-être pas d’une grande qualité technique par rapport à ce qu’il peut se faire ailleurs, en Allemagne, en Angleterre ou en Espagne, mais qui est malgré tout assez intéressant à suivre.

 

JOL Press : Quelles équipes ont fait des ajustements de bonne qualité durant l’intersaison  et pourront créer la surprise, à l’instar de Nice ou  de l’ASSE la saison passée ?
 

Arnaud Hermant : Comme chaque saison il y aura une équipe surprise. Peut-être Saint-Etienne, même si on ne pourrait pas trop le considérer comme une surprise, puisque les Stéphanois ont fait une très bonne saison l’an passé et pourraient confirmer.

Ensuite, Lille, que je voyais la saison passée descendre en Ligue 2 des clubs de Ligue 1, c’est-à-dire les clubs se battant pour le 6e-7e place. Cette saison, peut-être, avec un recrutement estival plutôt cohérent, ce qui n’était pas forcément le cas les saisons passées et c’est pourquoi ils ont échoué.

Après, il y a Rennes, qu’on attend chaque année, mais qui ne marche jamais. Peut-être cette année avec un nouvel entraîneur, un nouveau cycle. L’orientation qui se dessine n’est pas trop mal.

Et puis sans oublier Nice, qui a fini au pied du podium l’an passé et que je vois bien créer à nouveau la surprise. Ils se sont renforcés avec quelques jeunes à bon potentiel.

JOL Press : A l’inverse, quelles équipes voyez-vous dégringoler ?
 

Arnaud Hermant : C’est toujours délicat de se projeter. On cite toujours de premier abord les promus, mais finalement ce ne sont pas toujours eux qui font l’ascenseur. L’an dernier seul Troyes est redescendu aussi vite qu’il est monté, accompagné de deux clubs, Brest et Nancy, qui étaient installés depuis plusieurs saisons en Ligue 1.

On annonce Guingamp un peu léger cette année, il faudra voir, je n’en suis pas convaincu. Moi une équipe qui m’inquiète un peu et qui a eu chaud depuis deux saisons, c’est Sochaux. Ce sera peut-être l’année de trop pour les Lionceaux.

Je ne suis pas non plus très optimiste pour Nantes. La direction du club est assez floue. Ils n’ont pas beaucoup recruté, le management de Kita est assez surprenant avec des choix qui manquent de cohérence. C’est pourtant un club que j’aime bien, avec une ville qui aime le football.

JOL Press : Quels joueurs se révéleront  dans cette cuvée 2013-2014 ?
 

Arnaud Hermant : Pareil, c’est difficile à dire. On ne les attend pas forcément et puis il y a toujours des joueurs qui percent. J’ai du mal à donner un nom, peut-être un de nos champions du monde des moins de 20 ans, si ils ont la chance de jouer. Il y aurait aussi un Rabiot, s’il trouve davantage de temps de jeu dans un club autre que le PSG, il pourrait crever l’écran et confirmer le potentiel qu’on lui prête.

JOL Press : Paris et Monaco ont recruté des stars internationales, mais dans le même temps le reste des équipes semblent faire de plus en plus confiance aux jeunes. La récente victoire des U20 à la CDM poussera-t-elle encore plus les équipes à faire confiance en leurs centres de formations ? La France a longtemps été catalogué centre de formation de l’Europe, peut-on aujourd’hui se permettre de garder nos espoirs ?
 

Arnaud Hermant : Ceux qui sont partis n’ont pas tous réussi et se sont plutôt précipités en entendant les sirènes de l’argent. Ils ont voulu être transférés dans des clubs à l’étranger pas forcément de premier plan et où ils n’ont pas eu énormément de temps de jeu. Je me souviens d’un David N’Gog, bon espoir du PSG il y a quelques années, parti à Liverpool et depuis pour lui c’est quasiment un chemin de croix.

Après, on l’a dit pour le recrutement, il y a un championnat à deux vitesses aujourd’hui en France avec Paris et Monaco d’un côté et le reste de l’autre. On a vu par exemple Marseille recruter français car le club phocéen n’a pas un centre de formation très performant, ou encore Lyon qui, au contraire, a un bon centre et a formé des jeunes pour les faire évoluer.

Se tourner vers les centres de formation pour faire des économies
 

Ces clubs qui économiquement ont rétrogradé, ou qui en tout cas ne sont pas dans la cour des deux autres, doivent clairement recruter malin, soit en allant chercher des joueurs dans des championnats mineurs d’autres continents, comme l’Amérique du Sud ou l’Afrique, qui sont des filons déjà exploités, ou alors vers l’Est où les tarifs ne sont pas encore trop élevés ; ou bien effectivement en se tournant, toujours pour des problèmes financiers, vers les centres de formation.

Sera-t-on en mesure de garder ces jeunes? Je ne sais pas, en tout cas pour ces clubs qui doivent faire attention à leurs finances et qui veulent figurer convenablement dans le championnat, ils devront se baser sur leurs centres et sortir les meilleurs jeunes qui y évoluent. Pour un club comme le PSG, les jeunes sont surtout là pour faire le nombre et permettre de les inscrire sur les listes de la Ligue des Champions où doivent figurer huit joueurs formés en France, dont quatre au sein du club.

JOL Press : Comment considérez-vous la Ligue 1 par rapport aux autres championnats européens, avec les changements qui s’amorcent ? On sait par exemple que trois rencontres françaises seront diffusées ce week-end en Angleterre, y-a-t-il un changement de dimension ?
 

Arnaud Hermant : Est-ce que ces trois matches ne sont pas diffusés simplement parce qu’il n’y a qu’en France –parmi les championnats majeurs- que le jeu a repris ? A cette période de l’année ça reste forcément le plus attractif. Après sur l’échelle européenne on dit souvent que la France pointe au cinquième rang, ce qui, je pense, est plutôt juste, même si on grignote quelque peu sur l’Italie qui a perdu en intérêt mais garde quand même des clubs mastodontes.

Derrière ce qui m’inquiète un peu c’est qu’à l’indice UEFA on est derrière le Portugal et du coup notre troisième doit passer par deux tours qualificatifs avant d’avoir sa place dans les poules de la Ligue des Champions. Donc quand vous êtes Lyon, qui a joué successivement la C1 durant une dizaine d’années, ça la fout mal, même si son palmarès fait qu’il évite des gros lors de ces confrontations post-phase finale. Un autre club que Lyon dans cette posture ne serait pas tête de série et là il pourrait vite être éliminé.

« Je ne pense pas que Paris ou Monaco parviendra à tirer le reste des équipes vers le haut »

Après, oui le championnat de France, tactiquement, techniquement, au niveau de l’homogénéité est intéressant. Il devient aujourd’hui un peu comme les autres gros championnats européens avec deux extraterrestres en tête et les autres qui sont un peu des faire-valoir. Avant l’arrivée du Qatar au PSG, il y avait facilement 4-5 équipes qui se battaient pour le titre, ce qu’on ne peut pas voir dans les autres championnats majeurs.

Mais à terme la France pourra présenter un ou deux clubs performants en Europe et même s’ils ne peuvent pas encore aller au bout, ils devraient être réguliers en quart ou demi. En revanche pour le reste des clubs français ça va être difficile, je ne pense pas que Paris ou Monaco parviendra à les tirer vers le haut.

Propos receuillis par Nicolas Conter pour JOL Press

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