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Auto-entrepreneuriat: les Poussins défendent tous les entrepreneurs

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JOL Press : Mardi dernier, le 13 août, le journal Les Echos affirmait que le projet de réforme du statut des auto-entrepreneurs porté par la ministre Sylvia Pinel, au nom du gouvernement, avait évolué et qu’il n’était plus question d’une réduction des seuils, et notamment des seuils concernant le chiffre d’affaires. Où en est-on ?
 

Adrien Sergent : Effectivement, une partie du projet de loi a « fuité » dans Les Echos de mardi dernier et nous avons pu analyser ce texte… Dans ce texte, le principe des seuils est acté. La seule différence, c’est que le montant de ces seuils au lieu d’être défini précisément par la loi le serait désormais, ultérieurement, par décret.

Nous, les Poussins, restons donc pleinement mobilisés car, d’une part, les seuils intermédiaires restent d’actualité et, d’autre part, la définition de ces seuils – dans le temps ou en fonction du chiffre d’affaires – ne serait plus soumise, à travers la loi, à un contrôle parlementaire, de manière démocratique – ce serait une décision unilatérale de l’exécutif.

JOL Press : Un des arguments avancés par les partisans du projet de loi est la nécessité de lutter contre la concurrence déloyale envers les artisans que constitue le statut d’auto-entrepreneur. Vous comprenez cet argument ?
 

Adrien Sergent : Non. Il y a eu une étude de l’IGF et de l’IGAS (Inspection générale des Finances et Inspection générale des Affaires sociales – NDLR), étude commanditée par Sylvia Pinel. Et il est écrit dans ce rapport, noir sur blanc, que les auto-entrepreneurs ne constituent pas de concurrence déloyale. Mieux encore, il est stipulé que le chiffre d’affaires des auto-entrepreneurs dans le bâtiment ne représente que 0,6% du chiffre d’affaire global des artisans du bâtiment – de moins de 20 salariés.

0,6% ne suffirait pas à faire basculer un marché mais, en plus, l’IGF et l’IGAS reconnaissent elle-même qu’il n’y a pas de concurrence déloyale. De notre point de vue, l’argument tombe. Pour autant, nous ne prétendons pas que les artisans n’ont pas de problèmes. Mais, on note un très grand décalage entre le discours de lobbies comme la CAPEB (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment – NDLR) ou la Fédération du bâtiment et le discours que nous tiennent des artisans indépendants qui nous ont contactés. Ils nous disent, eux, qu’ils avaient des problèmes avant les auto-entrepreneurs et qu’ils en auront après, du type : des charges trop lourdes, une trop forte complexité administrative, un manque d’accès au financement, à travers le crédit bancaire notamment.

Nous reconnaissons que les artisans ont des problèmes mais l’attitude de certains syndicats visant de prendre les auto-entrepreneurs comme bouc-émissaires n’est pas, de notre point de vue, responsable. Les syndicats artisans devraient sans doute se focaliser sur des questions plus graves, comme la hausse de la TVA début 2014 par exemple…  

JOL Press : Avez-vous des chiffres sur le nombre d’auto-entrepreneurs qui, d’ores et déjà, ont été amenés à basculer vers d’autres statuts, comme celui de SARL, parce que, notamment, ils ont réalisé des chiffres d’affaires supérieurs à 32000 euros ?
 

Adrien Sergent : Il n’y a pas de chiffres précis. On sait toutefois que, dans l’ensemble, 10% des auto-entrepreneurs basculaient.

La réforme en ramenant le seuil de 32 000 euros de chiffre d’affaires par an à 19 000 euros concernerait environ 100 000 entrepreneurs.

100 000 personnes verraient donc leur activité totalement arrêtée – car plus rentable – ou devraient s’autolimiter pour repasser en deçà du seuil. Mais, au-delà, ce sont les 900 000 auto-entrepreneurs qui seront bloqués dans leurs projets de croissance. La seule horizon que l’on donne à un auto-entrepreneur serait donc un SMIC brut auquel on doit soustraire les frais non déductibles, les charges comme le transport ou l’achat de matières premières par exemple – non déductibles du chiffre d’affaires.

JOL Press : Vous avez évoqué un « plan social de masse ». Il est mauvais en tout point ce projet de loi de Sylvia Pinel ou bien y a-t-il quelques éléments qui ont grâce à vos yeux ?
 

Adrien Sergent : Depuis le début, nous avons toujours gardé la même ligne… Nous ne sommes pas contre la réforme de l’auto-entrepreneuriat, nous sommes contre deux éléments précis, la limitation dans le temps et l’abaissement du plafond de chiffre d’affaires ou l’instauration de seuils intermédiaires. Pour le reste, nous avons avancé des idées en matière d’accompagnement volontaire – et gratuit – vers d’autres statuts des auto-entrepreneurs ayant le potentiel de croissance nécessaire à travers des formations juridiques et comptables. On a aussi soulevé des pistes dans le registre de l’accès au micro-crédit, à des moyens financiers permettant aux auto-entrepreneurs de basculer vers des statuts classiques. Le micro-crédit est une réponse à l’obtention de fonds propres et à la poursuite de la révolution qu’a constituée le statut d’auto-entrepreneur en permettant à n’importe qui d’entreprendre à moindre coût, sans avoir de capital.

Ce qui nous inquiète, c’est que de ces trois éléments là, dans le projet publié par Les Echos, il n’est en rien question – alors que Sylvia Pinel a affirmé qu’elle était favorable à la formation et au micro-crédit. Son projet de loi peut encore être modifié.

JOL Press : Vous mettez en avant des revendications mais vous êtes prêts à « donner » quoi en échange ?
 

Adrien Sergent : Pour nous, le statut marche parfaitement. Il ne faut pas toucher aux piliers car on risquerait de casser ce qui marche. Après, on peut améliorer le système pour les auto-entrepreneurs avec, par exemple, les éléments que je viens de citer et, parallèlement, améliorer la situation des artisans et l’ensemble des entrepreneurs en appliquant, par exemple, la même simplification administrative.

Nous voulons tirer le système vers le haut, de manière globale, prendre le meilleur de chacun des systèmes, des régimes, des statuts et en faire profiter les autres pour que l’entrepreneuriat soit boosté.

JOL Press : Vous avez des contacts avec les organisations des TPE ou PME ?
 

Adrien Sergent : Oui, nous avons eu des débats, notamment par médias interposés. Chaque organisation a son propre avis. Nous sommes un mouvement spontané et non syndical. Toutefois, nous avons observé que la simplification administrative faisait l’objet d’un consensus. Elle serait peu coûteuse et aiderait les entrepreneurs à se développer. On veut tirer vers le haut.

JOL Press : Une dernière question… quels types d’actions préparez-vous pour les jours, les semaines et les mois à venir ?
 

Adrien Sergent : Pour l’instant, notre mobilisation a été essentiellement numérique via Facebook ou Twitter – sur le compte de Sylvia Pinel, par exemple.

La commission du député Laurent Grandguillaume doit commencer ses travaux en septembre et le projet de loi ne devrait pas être examiné avant octobre, au plus tôt. Au cours des mois de septembre et octobre, nous allons poursuivre notre mobilisation numérique mais aussi commencer des mobilisations de terrain avec différents projets d’action… 

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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