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Comment Jean-François Copé va-t-il gérer l’héritage de Nicolas Sarkozy?

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Il est un peu coincé, Jean-François Copé. Lors de sa grande rentrée politique à Chateaurenard ce week-end, il n’a cité le nom de l’ancien chef de l’État que pour se féliciter du succès de la souscription lancée pour rembourser les frais de la campagne 2012. Le président de l’UMP ne veut pas apparaître comme un simple vassal de Nicolas Sarkozy, mais ne veut pas non plus être déloyal envers celui qui décidera peut-être de revenir en 2017.

« Je ne suis pas sarkozyste », rappelait-il dans le Nouvel Observateur du 25 juillet. « Nos relations ont parfois été tendues ». Une position délicate à l’heure où 65% des sympathisants de droite souhaitent le retour de l’ancien chef de l’Etat, selon une enquête Ifop-JDD, datée du 7 juillet dernier.

Comment peut-il gérer cet héritage ? Eléments de réponse avec Alain Auffray, auteur de Les loups et les chiens : la droite sous Sarkozy, aux éditions du Moment.

JOL Press : Jean-François Copé a fait sa rentrée politique autour du thème de la liberté : « liberté d’entreprendre », « liberté d’aller et venir en sûreté », « liberté de dire ce qu’on pense sans subir les foudres du politiquement correct ». S’est-il imposé cette valeur à lui-même ? S’est-il libéré de l’héritage de Nicolas Sarkozy ?
 

Alain Auffray : Jean-François Copé a surtout essayé de sortir d’une impasse. Il s’est fait élire, dans des conditions contestées, sur le thème du soutien à Nicolas Sarkozy s’il revenait en 2017. Mais il se rend compte qu’il ne peut pas rester prisonnier de cette posture, il ne peut pas servir de doublure à Brice Hortefeux qui joue déjà très bien ce rôle. Il est obligé de se distinguer. C’est ce qu’il a essayé de faire à Châteaurenard.

Jean-François Copé prend quelques libertés vis-à-vis de Sarkozy en développant ce thème de la liberté, en évoquant l’alternance de 2017 et en présentant ce qui ressemble à un début de programme de gouvernement, sans jamais citer l’ancien président.

JOL Press : Peut-il s’émanciper de ce joug sarkozyste alors même qu’il ne sait pas encore si l’ancien président reviendra en 2017 ?
 

Alain Auffray : Il est dans une situation extrêmement compliquée. Il ne sait pas si Nicolas Sarkozy reviendra – le principal intéressé ne le sait certainement pas lui-même – et il est entouré de gens qui militent pour le retour de l’ancien président. Dans la garde rapproché de Jean-François Copé, on retrouve ses amis historiques mais surtout des soutiens inconditionnels de Nicolas Sarkozy.

Politiquement il est condamné à faire fonctionner le parti, il devra donc être assez consensuel – même si c’est un peu contraire à sa nature – mais il ne devra surtout pas apparaître comme l’homme de Sarkozy qui fait patienter la droite en attendant le retour du « grand homme ». Ce n’est pas du tout son intérêt. Il faut qu’il essaye d’exister par lui-même et de prouver qu’il arrive à faire marcher le parti malgré les divisons.

François Fillon a choisi de faire sa rentrée politique quatre jours après son ancien rival à la présidence de l’UMP, à Rouez-en-Champagne, dans la Sarthe. Ces deux rentrées distinctes ne donnent pas une impression d’unité. Cette année risque donc d’être très difficile pour Copé.

JOL Press : Prend-il des risques en s’exposant en première ligne à l’occasion des prochains rendez-vous électoraux ? On lui reprochera très certainement les mauvais scores de son parti, si mauvais scores il y a…
 

Alain Auffray : Quoiqu’il arrive on lui reprochera les résultats des prochaines échéances électorales, alors autant être en première ligne, essayer d’en tirer quelques bénéfices et tout faire pour obtenir de bons résultats aux élections. Jean-François Copé pense que l’UMP aura de bons résultats.

Mais, en effet, si les résultats sont mauvais – mais je ne pense pas que ce sera le cas – François Fillon se retrouvera dans une situation plus confortable. Il n’a pas caché ses ambitions pour 2017, il a clarifié sa position vis-à-vis de Sarkozy en le considérant comme un candidat comme un autre, il est plus libre que Copé d’une certaine manière.

JOL Press : Les militants ont-ils, selon vous, tourné la page de la désastreuse élection à la présidence du parti, comme semble le penser Jean-François Copé ?
 

Alain Auffray : Je ne sais pas si les militants ont oublié cette élection mais ils souhaitent l’oublier. En revanche les cadres du parti n’ont, pour leur part, rien oublié, ils ne peuvent pas tourner la page. Chaque initiative de Copé sera vivement contestée, au pire, ou au mieux ignorée par une partie des élus de sa famille politique. L’unité n’est pas encore – malheureusement pour Copé – une réalité à l’UMP.

JOL Press : Cette élection désastreuse a-t-elle terni, à long terme, l’image de l’opposition et de Jean-François Copé dans l’opinion publique ?
 

Alain Auffray : L’opinion publique est beaucoup moins sévère qu’on aurait pu le prévoir. Malgré la violence de ses divisions, le parti s’en sort plutôt bien dans les sondages. L’électorat ne sanctionne pas durement les divisions à droite, ils sont nombreux à vouloir y croire.

JOL Press : L’UMP et Jean-François Copé reprendront-ils le risque de flirter avec les idées du Front national, dans les mois à venir ?
 

Alain Auffray : Du point de vue de sa stratégie électorale, Copé est clair, il a dit qu’il n’y aurait pas d’alliance avec le FN et il a été applaudi pour cela à Châteaurenard. Pour ce qui est de la ligne politique du parti, l’UMP regroupe un grand nombre de militants d’horizons assez différents : gravitent autour de Copé des personnes comme Guillaume Peltier qui serait favorable à une grande union de la droite avec une partie du Front national et d’autres, parfaitement opposées à tout rapprochement idéologique ou électoral avec le parti de Marine Le Pen.

Copé est apparu comme plus à droite que Fillon dans la campagne à la présidence mais je pense que c’était davantage pour séduire les militants que par conviction profonde. Il est certes très ferme sur les questions de sécurité et de laïcité mais sur le plan économique, c’est un libéral. Et cette ligne plaît aux militants. S’il y avait une nouvelle élection à la présidence de l’UMP, il ferait un très bon score.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Alain Auffray, 54 ans, journaliste à Libération, couvre l’actualité de la majorité depuis 2007. Il est l’auteur de Les loups et les chiens : la droite sous Sarkozy, aux éditions du Moment.

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