Cinq lycéens se sont noyés lors d’un bootcamp, un stage d’entrainement de type militaire, dans un camp privé au bord de la mer, en Corée du Sud, provoquant des débats sur la prévalence des camps d’entraînement de type militaire ainsi que sur la nostalgie de la culture militaire dans l’éducation coréenne.
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Dans la province du sud de Chungcheong, cinq lycéens sont morts lors de ce camp d’entraînement de trois jours. Les instructeurs ont obligé les élèves à enlever leurs gilets de sauvetage et à sauter dans la mer en fin d’après-midi. Parmi les 23 étudiants pris dans un fort courant, cinq manquaient à l’appel, leurs corps ont été retrouvés le lendemain.
Mobilisation contre la rigueur militaire en Corée du Sud
Plus tard, la police a découvert que plusieurs instructeurs non qualifiés avaient été embauchés à temps partiel pour la saison estivale. En outre, le camp d’entraînement a utilisé de manière frauduleuse le nom d’un corps de la marine militaire coréenne, bien qu’il n’ait aucun lien avec les forces armées.
Les réactions immédiates à la tragédie ont porté sur le manque de sécurité et les opérations dans les camps d’entraînement non autorisés, puis les blogueurs et twittos ont exprimé leurs inquiétudes sur la prévalence de la culture militaire dans l’éducation coréenne, qui piétine la créativité des lycéens, leur individualité et entrave aussi selon eux le processus de formation de futurs citoyens responsables et actifs.
Les camps d’entraînement de type militaire sont l’une des activités les plus populaires durant les vacances dans de nombreuses écoles coréennes et le « Gyoryeon », la formation militaire pratique pour les enfants, était l’une des matières imposées aux lycéens pendant près de trente ans. Cette matière est devenue optionnelle en 1997 et a officiellement disparu des écoles seulement l’an dernier.
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Petite histoire du « Gyoryeon »
@blu_pn: Après l’accident du camp d’entraînement, nombreux sont ceux qui ont exprimé le plus grand choc envers les camps d’entraînement et l’autodiscipline qu’il inculque par un entraînement intensif. Mais vous souvenez-vous ? Lorsque j’étais enfant, j’ai eu un entraînement militaire appelé « Gyo-ryeon » lors de mon éducation classique. Et pendant les annonces du matin, nous [les écoliers] nous nous mettions en rang comme dans une formation militaire et faisions le salut militaire à notre proviseur ».
Le célèbre blogueur Impeter a retracé la longue histoire de la culture militaire dans l’éducation moderne coréenne :
« En 1969 [cette année-là, les tensions militaires entre la Corée du Nord et du Sud étaient au plus haut, atteignant un état de pré-guerre] le gouvernement a instauré le « Gyoryeon » comme matière obligatoire afin de sensibiliser l’opinion publique quant à la sécurité nationale et à être mieux préparée à la guerre. La plupart des étudiants ont accepté cette matière sans réfléchir, mais si vous y réfléchissez vraiment, c’est une situation horrible. Elle montre que le gouvernement a pensé à envoyer les lycéens dans une zone de guerre lorsque le conflit éclaterait. Puisque le gouvernement souhaitait transformer des lycéens en soldats, les écoles ont commencé à inculquer l’esprit militaire aux enfants et à presque adopté les mêmes sévices corporels utilisés dans l’armée […] Les plus gros problèmes de notre éducation est [l’idée que] « les étudiants ont besoin d’obéir, même aux ordres erronés », idée née durant la période coloniale japonaise – le gouvernement colonial japonais a transformé les enfants de la dynastie Joseon en enfants soldats [pendant la Seconde Guerre Mondiale] en introduisant le militarisme dans l’éducation. Et cette tradition a survécu, tout comme les régimes autoritaires militaires coréens qui ont pris le pouvoir [des années 1960 aux années 1980], laissant des traces de militarisme dans nos écoles ».
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L’éducation militaire est-elle vraiment une nécessité ?
Kim Yong-Taek, qui a passé toute sa vie comme éducateur, a publié cette analyse dans son blog consacré à l’éducation :
« Il y a un proverbe qui dit que l’armée transforme n’importe qui en un véritable homme. Certains parents ont joyeusement déclaré : « Mon fils, un gamin turbulent qui avait l’habitude de manquer de respect envers ses parents, est devenu un autre homme une fois qu’il a servi dans l’armée » [tous les Coréens valides doivent effectuer leur service militaire obligatoire de deux ans]. Cependant, est-ce vrai ? C’est naturel pour un enfant gâté de devenir un être plus mature après qu’il ait quitté ses parents. S’il y a un réel changement apporté par l’armée, c’est « qu’un jeune homme naïf s’est transformé en une personne obéissante qui succombe à la violence » […] La démocratie fait la promotion de la créativité et de l’individualité et [est ouverte à] la communication et la critique, et se démarque de la culture militaire. Dans la culture militaire, qui se déploie dans des situations extrêmes où l’on affronte des ennemis, une forte résistance physique et la patience sont une nécessité et l’obéissance aux plus hautes autorités la seule chance de survie. Comment une école, une entité qui devrait guider les étudiants à devenir des citoyens respectueux de la démocratie instille-t-elle l’esprit militaire dans ces enfants ? Il s’agit d’une décision antidémocratique en complet désaccord avec le réel esprit de l’éducation ».