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Libération de Paris: «Un enjeu moral et politique pour de Gaulle»

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[image:1,l]« Enjeu moral et politique pour le général de Gaulle,  la Libération de Paris ne fait pas partie des plans immédiats du général Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe, qui a planifié un encerclement de la capitale par Mantes la Jolie au nord et par Melun au sud contraignant ainsi les Allemands à abandonner la ville courant septembre 1944»

C’est ainsi que Gilles Primout résume en préambule de son site – http://liberation-de-paris.gilles-primout.fr/ – les enjeux fondamentaux de la libération de la capitale de la France, occupée depuis cinq ans par les forces hitlériennes.

Gilles Primout a accepté de répondre aux questions de JOL Press. 

JOL Press : A quoi ressemblait la vie des Parisiens en cet été 1944 ?

 

Gilles Primout : Au moment de la débâcle en mai et juin 1940, de nombreux Parisiens avaient quitté la capitale. Mais, deux mois environ après, nombreux étaient ceux qui, n’ayant nulle part où s’installer, étaient revenus à Paris. Il n’y a eu de transfert de population extraordinaire durant la guerre à Paris et, à l’été 1944, l’essentiel des Parisiens sont des Parisiens de longue date.

Les conditions de vie y sont très difficiles. La France est alors un pays agricole et, en province, les Français sont parvenus à se nourrir. A Paris, et dans les grandes villes, si on n’avait pas un cousin fermier, disposant de produits agricoles et pas trop loin de Paris, il était très difficile de s’approvisionner. Un rationnement drastique était en place et il n’y avait pour seule solution que le marché noir. A condition d’en avoir les moyens.

En plus, plusieurs années de suite, les conditions climatiques en hiver ont été très rudes. Compte tenu des restrictions, le chauffage ne fonctionnait plus. Les Parisiens, dans leur majorité, ont eu froid et ont souffert de la faim pendant toute la durée de la guerre.

JOL Press : Comment se sont comportées les forces d’occupation nazies ? Paris a-t-il bénéficié d’un « traitement de faveur » ?
 

Gilles Primout : Il y a eu deux phases.

Fin juin 1940, lorsque les Allemands sont rentrés dans Paris, la consigne leur avait été donnée de se comporter de manière exemplaire, il devait « faire correct ». En vertu des accords de Montoire – entre Pétain et Hitler -, il était convenu de ne pas effrayer la population et, pour encourager la collaboration, le comportement des soldats allemands devait être tolérable.

C’est à partir de 1941, lorsqu’il y a eu les premières vagues d’attentats contre les forces allemandes, que le régime d’occupation s’est durci et des mesures de rétorsion ont été prises.

JOL Press : Pourtant, Paris restait une destination prisée pour les soldats allemands…

 

Gilles Primout : Ce qui se disait dans l’armée allemande, c’est que Paris était la meilleure garnison – tant qu’il n’y a pas eu d’attentats. Quoi qu’il en soit, le régime militaire en France était beaucoup plus intéressant qu’en Europe centrale ou sur le front oriental.

JOL Press : Venons-en à l’été 1944… Dans quel état d’esprit sont les Parisiens à partir de l’annonce du débarquement en Normandie le 6 juin 1944 ?

 

Gilles Primout : La nouvelle est forcément bien accueillie. Ceci dit, les sources d’information sont restreintes, c’est radio-Londres qu’il faut écouter clandestinement, le soir à la maison.

Lorsque le débarquement est annoncé officiellement, nait un immense espoir. Cette annonce est suivie de mesures de rétorsion, désordonnées mais très très sévères de la part des Allemands.

Les Parisiens s’efforcent de suivre l’avancée des troupes alliées. Dans certains foyers, on accroche une carte pour suivre l’avancée des libérateurs en fonction des informations qui parviennent à filtrer.

JOL Press : Quelle est la réaction des forces allemandes stationnées dans la capitale ?

 

Gilles Primout : A l’annonce du débarquement en juin, les Allemands sont relativement confiants dans leur capacité à rejeter les Américains à la mer. La Bataille de Normandie n’a pas été si simple que cela puisque les forces alliées ont été contenues dans un périmètre relativement restreint jusque fin juillet 1944. La poche de Falaise n’est intégralement bouclée qu’à la mi-août. Alors, le front normand éclate et la progression s’accélère, vers la Bretagne, vers le nord de la France pour aller en Belgique et vers Paris…

Du 6 juin à début août, les communiqués allemands ont raison d’affirmer que les Américains sont contenus.

JOL Press : Quels sont les premiers signes d’activité militaire de libération dans Paris ?

 

Gilles Primout : Dans un premier temps, cela se prépare en sous-main par l’état-major FFI – forces françaises de l’intérieur -, commandé par le colonel Rol-Tanguy. Le général Chaban – le futur Premier ministre Jacques Chaban-Delmas – est dépêché par Londres pour tenter d’organiser les opérations. Il ne s’agit pas de faire une insurrection dans Paris mais d’être là, en appui, lorsque les armées alliées viendront libérer Paris.

Le général Eisenhower prévoit dans ses plans de contourner Paris par le nord et le sud pour laisser la capitale tomber de façon naturelle. Prendre Paris, c’est devoir faire face ensuite à un énorme problème de ravitaillement auquel les Alliés ne sauraient aisément faire face. C’est là que le général de Gaulle intervient pour imposer la libération de paris, l’entrée des forces alliées dans Paris avec, à leur tête, la 2ème division blindée du général Leclerc.

C’est la stratégie du Gouvernement provisoire de la république française et, en face, il y a les FFI qui, pour leur part, soutiennent jusqu’au bout la stratégie de l’insurrection militaire populaire. Ils ne veulent pas laisser les Allemands plier bagages, ils veulent s’insurger et ouvrir la route aux alliés.

Ces deux volontés coexistent.

JOL Press : Et dans la réalité, il se passe un peu des deux à la fois…

 

Gilles Primout : Exactement, les FFI se sont insurgés et la 2ème DB est entrée dans Paris.

Hitler avait nommé Von Choltitz gouverneur du Grand Paris car, entre-temps, il y avait eu la tentative d’attentat contre le Führer, en juillet, et une épuration sévère s’imposait. Von Choltitz a pour ordre de laisser Paris ouvert pour que les troupes allemandes puissent se replier, notamment par la Seine.

En face, Rol-Tanguy mobilise ses troupes FFI. Puis, l’armée américaine donne l’autorisation à Leclerc de pénétrer dans Paris pour porter une dernière aide aux FF I, le 24 août au soir.

JOL Press : Pour quelles raisons, de Gaulle refusait-il de jouer la carte de l’insurrection ?

 

Gilles Primout : les historiens débattent encore de cette question, sans l’avoir trancher. Une des explications pourrait être à trouver dans le fait qu’au sein des FFI, il y avait les FTP – Francs-tireurs populaires – communistes. De Gaulle aurait pu craindre dans la foulée de la libération de Paris un coup de force, une révolution communiste… Ce sont des rumeurs. Les intentions de Rol-Tanguy demeurent floues.

JOL Press : N’y a-t-il pas eu aussi une forme d’instrumentalisation de la libération de Paris à des fins de propagande – gaulliste notamment ? Libérer Paris n’était en fait que secondaire dans le contexte de la bataille contre l’Allemagne nazie et qui devait se terminer elle à Berlin ? Mais de gaulle cherchait aussi à établir son pouvoir, à préparer, déjà, l’après-…

 

Gilles Primout : Oui, absolument. De Gaulle devait rassembler immédiatement toutes les bonnes volontés, les FFI, les hommes de la 2ème DB, la population civile. Le « Paris libéré par lui-même »… cela relève de l’image d’Epinal, ce qu’il fallait que les Parisiens et les Français retiennent comme le symbole de la France libre à venir et à reconstruire.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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