Site icon La Revue Internationale

Manuel Valls dans les pas de Nicolas Sarkozy… Jusqu’où?

[image:1,l]

La côte de popularité de Manuel Valls ne semble pas prête de flancher, selon un sondage Ifop pour le JDD, paru dimanche 18 août, une large majorité (61%) de Français se déclare satisfaite de l’action de Manuel Valls en tant que ministre, loin devant les autres membres du gouvernement. Mais comment fait-il pour sortir son épingle du jeu ? Décryptage de Christian Delporte, directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines.

JOL Press : Le gouvernement a-t-il bien géré sa communication pendant ces deux semaines de vacances ?
 

Christian Delporte : La presse a beaucoup parlé de ces vacances et je pense que le message est passé. Les Français ont compris que les ministres n’avaient pas pris trop de vacances et que certains avaient continué à travailler, même en congés. Ils voulaient donner l’impression de rester disponibles et c’est assez réussi. Je ne sais pas si c’est un sujet qui intéresse beaucoup les Français mais, dans tous les cas, le message est passé. Depuis 2008, depuis le début de la crise, c’est un peu ce que les ministres veulent démontrer tous les ans.

JOL Press : Manuel Valls semble ne pas s’être reposé. Quotidiennement dans les médias, qu’a-t-il cherché à prouver ?
 

Christian Delporte : Les vacances sont un moment d’actualité qu’il faut combler, une bonne occasion pour les hommes politiques de mettre en place des stratégies de communication. Manuel Valls n’a rien à prouver, il veut uniquement communiquer. Je pense que le ministre de l’Intérieur veut s’imposer dans l’opinion dans le but de devenir, un jour, Premier ministre. Il veut donner aux Français une image positive à un moment où l’actualité lui permet d’être sur le devant de la scène ; je pense aux émeutes à Trappes ou aux violences à Marseille. Cette actualité lui permet de s’imposer naturellement devant les caméras.

Manuel Valls maîtrise très bien la communication, il ne faut pas oublier qu’il a été le conseiller en communication du Premier ministre Lionel Jospin.

JOL Press : N’en fait-il pas un peu trop ?
 

Christian Delporte : En communication, on en fait toujours trop mais si vous n’en faîtes pas assez personne ne vous remarque. Le dosage est un peu compliqué.

JOL Press : Cette communication fait immanquablement penser à celle de Nicolas Sarkozy. On l’a vu cet été en double page de Paris Match embrassant sa femme…
 

Christian Delporte : Dès lors qu’un ministre apparait dans un magazine people, on pense tout de suite à Nicolas Sarkozy parce qu’il a marqué son époque mais, en fait, ils le font tous même si ce n’est pas toujours aussi réussi. Naturellement, on fait le rapprochement entre Nicolas Sarkozy et Manuel Valls parce qu’ils sont passé par l’Intérieur et parce qu’ils ont une ambition mais je ne pense pas que la comparaison puisse aller plus loin.

[image:2,l]

JOL Press : Dans une note, révélée par Le Monde, le ministre de l’Intérieur a demandé l’arbitrage de François Hollande sur la réforme de la politique pénale de la garde des Sceaux Christiane Taubira. Que penser de cette démarche ?
 

Christian Delporte : Chacun est dans son rôle. Nécessairement, il y a conflit. On défend l’espace de son ministère, on défend son image et il y aura toujours un différend entre le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur. C’est un vieux classique. On est dans son rôle quand on a une politique bien définie et qu’on la mène. L’importance dans l’image, c’est de montrer qu’on a des convictions. Manuel Valls et Christiane Taubira ont tous deux beaucoup de personnalité, rien de plus. Que des ministres aient des regards différents, ce n’est pas très nouveau. Ce qu’il faut, c’est que le Premier ministre tranche.

JOL Press : Pas de repos pour les braves ? Que penser de la discrétion, à l’inverse, de Vincent Peillon, Cécile Duflot ou Laurent Fabius ?
 

Christian Delporte : Je pense que nous allons entendre Vincent Peillon très bientôt, avec la rentrée des classes. Trop de communication tue la communication, il a bien fait de ne pas trop intervenir cet été. Tous les ministres ne sont pas censés s’exprimer durant les 15 jours de vacances et je dirais que ceux que nous avons envie d’entendre sont ceux dont les ministères sont directement concernés par la crise. Je pense à l’Economie, au Travail, à l’Intérieur, à la Justice mais pas aux Affaires étrangères ou à l’Education nationale.

JOL Press : Quels conseils donneriez-vous au gouvernement pour réussir sa rentrée ?

Christian Delporte : Pour réussir une rentrée politique il faut annoncer des bonnes nouvelles, mais j’ai bien peur que cette année encore il n’y en ait pas. Une rentrée, dans ce contexte, ne se réussit pas vraiment mais mollement. Le président de la République et le Premier ministre ont souhaité organiser lundi un séminaire de rentrée sur le thème de la France en 2025 pour montrer que les membres du gouvernement avaient travaillé pendant les vacances et avaient fait leur rentrée relativement tôt. Ce n’est pas une mauvaise façon de commencer l’année, c’est avant tout de la communication.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Spécialiste de l’histoire des médias et de la communication politique, il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La France dans les yeux (Flammarion, 2007) et Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009).

Quitter la version mobile