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Moukhtar Abliazov, l’ennemi du pouvoir kazakh emprisonné en France

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Moukhtar Abliazov risque le pire au Kazakhstan, et pourtant, il pourrait désormais être extradé après avoir passé plusieurs années en fuite.

Une vie discrète sur la Côte d’Azur

L’oligarque et principal opposant au président kazakh Noursoultan Abichevitch a été arrêté et placé en détention en France, mercredi 31 juillet près de Cannes.

C’est sur les hauteurs de Mouans-Sartoux, que l’opposant politique a été interpellé. Il vivait dans une villa louée depuis quelques jours. Dans un parc arboré de 2 000 m², il occupait une résidence de six chambres qu’il occupait lorsqu’il ne vivait pas dans les deux autres villas louées dans la région, une sur la côte et les deux autres dans l’arrière-pays.

« A priori, il allait de maison en maison, pour de court laps de temps avec des véhicules de location de milieu de gamme », révèle l’AFP, selon des propos recueillis auprès des enquêteurs.

Séparé géographiquement de sa femme et de ses enfants, Moukhtar Abliazov vivait avec sa sœur, sa nièce et du personnel de maison. Dans la plus grande discrétion possible, l’homme d’affaire n’était pas entouré de gardes du corps.

Une extradition vers l’Ukraine

Désormais incarcéré à la prison de Luynes, Moukhtar Abliazov a été placé sous écrou extraditionnel. Il est aujourd’hui réclamé par les autorités ukrainiennes et selon ses avocats et l’ONG Amnesty International, cette demande d’extradition ne vise en fait qu’à « éliminer » l’homme d’affaires comme « force principale d’opposition démocratique » au Kazakhstan.

Dans les prochains jours, une demande de remise en liberté devrait être déposée, selon une déclaration de l’avocat du détenu, Bruno Rebstock.

« Il n’y a pas de convention d’extradition entre la France et le Kazakhstan », a-t-il déclaré. « Avec la Russie, il est possible, en l’espèce, qu’il y ait prescription. Nous examinons donc celle de l’Ukraine, dans laquelle la banque BTA avait aussi des intérêts », a ajouté à l’AFP Solange Legras, avocate générale.

Emprisonné pour ses positions politiques au Kazakhstan

L’Ukraine, qui a émis un mandat d’arrêt contre Moukhtar Abliazov au même titre que le Kazakhstan ou la Russie a désormais quarante jours pour émettre un dossier d’extradition envers la France.

Accusé d’avoir détourné 6 milliards de dollars lorsqu’il était à la tête de la banque BTA, Moukhtar Abliazov a fui son pays en 2009 alors qu’une enquête pour escroquerie à grande échelle a été ouverte. C’est d’ailleurs cette banque qui aurait fourni les informations nécessaires à la capture de l’homme d‘affaires aux autorités françaises.

Le procureur général du Kazakhstan, qui dit avoir été informé par Interpol de l’arrestation, a précisé que Moukhtar Abliazov était accusé dans son pays d’avoir « créé un groupe criminel qui a détourné de la banque BTA plus de 5 milliards de dollars et de blanchiment d’argent sale ».

Moukhtar Abliazov fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la Russie pour fraude à grande échelle, atteinte à la propriété par tromperie ou abus de confiance, et blanchiment, notamment.

De source proche du dossier, on souligne que l’Ukraine a été choisie car la banque BTA y avait d’importants intérêts. Il n’y a en revanche pas de convention d’extradition entre la France et le Kazakhstan et les éléments du dossier côté russe feraient l’objet de mesures de prescription.

Ancien ministre au sein du gouvernement kazakh, Moukhtar Abliazov a déjà été en prison en 2002 alors qu’il avait pris la tête du parti d’opposition au dictateur kazakh. C’est lorsqu’il sort de prison qu’il prend la tête de cette banque qui connaît alors un développement rapide. Lorsqu’il est accusé de détournement de fonds publics, il fuit son pays en 2009 et se rend à Londres. Sur place, il vit jusqu’en 2012 avant de quitter le Royaume-Uni pour l’Italie et de venir finalement en France.

Remous politiques en Italie

Son épouse et sa fille de 6 ans n’ont pas fait le voyage en France et son restés en Italie où la police les a interpellées le 29 mai dernier. Alma Chalabaïeva et sa fille résidaient près de Rome. Accusée de détenir un faux passeport, l’épouse de Moukhtar Abliazov a été arrêtée et renvoyée deux jours plus tard pour le Kazakhstan.

Embarquée par avion spécial, cette dernière n’a pas eu la possibilité de déposer un recours contre cette expulsion ni de demander l’asile politique. Lors de cette affaire qui avait fait de nombreux remous au sein de la classe politique italienne, la chef de cabinet du ministre de l’Intérieur italien avait démissionné.

Risques pour la vie de Moukhtar Abliazov au Kazakhstan

Les défenseurs des droits de l’homme s’inquiètent désormais de voir l’opposant principal au président kazakh extradé dans un pays ou sa vie serait en danger.

Selon un avocat britannique proche de la famille de Moukhtar Abliazov, ce dernier s’opposera à son extradition « soit vers l’Ukraine, soit vers le Kazakhstan ».

Il estime que « les accusations qui pèsent sur lui sont motivées par des raisons politiques et que son arrestation est le prochain pas vers son élimination en tant que force politique de premier plan au Kazakhstan ».

« La demande d’extradition émane de l’Ukraine, pays ami, car le Kazakhstan a très mauvaise presse depuis qu’il a obtenu l’expulsion de son épouse au motif qu’elle avait un faux passeport », a affirmé Charles de Bavier, avocat en France de la famille, expliquant pourquoi cette demande émanait de l’Ukraine.

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