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«Sur un CV, parler chinois devient un critère de sélection»

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JOL Press : En quoi l’apprentissage du chinois est-il un atout sur un CV ?
 

Cécile Bertrand : Tout dépend de quel profil il s’agit. Pour un jeune diplômé, c’est intéressant parce que cela permet de décrocher un stage de fin d’étude ou un premier job en Chine. Pour des personnes qui travaillent déjà, il est indispensable pour s’expatrier là-bas.

Ce qui est important, c’est que, sur le CV, le postulant fasse ressortir son niveau de chinois, désormais mesuré par un test HSK [l’équivalent chinois du TOEFL, ndlr], qui permet à l’employeur d’avoir une vision objective du niveau.

JOL Press : Quels sont les principaux secteurs d’activités dans lesquels le chinois devient une langue indispensable ?
 

Cécile Bertrand : De manière générale, il y a certains métiers ou secteurs d’activités dans lesquels parler chinois est un vrai atout, voire devient même un critère de sélection, parce que l’anglais ne suffit plus. Le nombre de métiers et de secteurs concernés augmente : achat, commerce, export, luxe, tourisme (au sens large), négoce du vin (en particulier dans le bordelais)… Cela peut aussi concerner les ingénieurs qui partent en expatriation en Chine pour travailler quelques années.

JOL Press : Le fait de parler chinois peut-il faire la différence en termes de salaire ?
 

Cécile Bertrand : C’est évident que cela peut représenter un plus. Comme pour l’instant les personnes qui parlent couramment chinois sont rares en France, forcément, cela se monnaye. Cela fait une différence à l’embauche, comme je l’ai dit, et en termes de salaire. Il commence à y avoir quelques études sur ce sujet, qui montrent que certaines personnes sont mieux payées parce qu’elles parlent cette langue.

JOL Press : Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui souhaitent apprendre le chinois ?
 

Cécile Bertrand : Il faut garder à l’esprit que l’apprentissage se fait progressivement. Il ne faut pas être trop pressé, parce que l’oral et l’écrit sont très séparés – beaucoup plus qu’en français par exemple. Il faut vraiment être assidu et régulier dans son apprentissage, sinon on oublie vite.

On peut assimiler rapidement des notions, surtout à l’oral, parce que la conjugaison est inexistante et la grammaire est relativement simple. On apprend vite à construire des phrases courtes avec du vocabulaire de la vie courante. Par contre pour passer au niveau supérieur, il faut vraiment travailler.

L’apprentissage des caractères nécessite beaucoup de travail personnel, de la concentration ; nous ne sommes pas égaux devant cet apprentissage, parce qu’il s’appuie sur la mémoire visuelle. Je me rappelle d’une élève qui parlait couramment chinois mais ne savait pas écrire, et refusait de s’y mettre…

JOL Press : Concernant le chinois des affaires, peut-on se passer d’apprendre à écrire ? L’oral suffit-il ?
 

Cécile Bertrand : Dans le cadre des affaires, on peut se passer effectivement d’apprendre correctement l’écrit puisque, en matière de business, ce qui est intéressant, c’est de pouvoir parler chinois avec ses interlocuteurs. Quand cela devient technique, ou qu’il est nécessaire de passer par l’écrit, les gens basculent généralement vers l’anglais. C’est plutôt pour créer une proximité avec son interlocuteur et, bien sûr, pour se débrouiller dans la vie de tous les jours. Beaucoup de Chinois ne parlent en effet pas anglais.

On peut donc s’en passer si c’est uniquement pour le business. Par contre, si l’on envisage une expatriation, il est très important de savoir lire et écrire, car le pinyin [transcription phonétique], que l’on trouve essentiellement dans les grandes villes et les gares ou aéroports, ne suffit pas. Il est donc important de connaître au minimum une vingtaine de caractères.

JOL Press : Parler chinois suffit-il pour travailler en Chine ?
 

Cécile Bertrand : Il y a quelques codes culturels à connaître. Mais la Chine s’occidentalise à grands pas : dans les entreprises, qui sont en lien avec l’international, c’est beaucoup plus simple qu’avant, et ces codes sont souvent les mêmes qu’à l’étranger.

Après, cela se fait naturellement : quelqu’un qui va rester en Chine plusieurs mois ou plusieurs années va petit à petit s’imprégner des codes culturels chinois. On apprend au fur et à mesure les règles de bonne conduite, comme les cadeaux à ne pas offrir par exemple – n’offrez pas une montre à un Chinois, c’est un symbole de mort… Pour des discussions ou des négociations de haut niveau, il est préférable de suivre des formations de sensibilisation à la culture chinoise.

Le marché chinois reste par ailleurs un marché très ouvert : certains pays sont connus pour certains types de compétences, et les ressortissants de ces pays n’auront donc aucun mal à trouver du travail en Chine. Les architectes français parlant chinois n’auront pas exemple pas de problème pour décrocher un poste. Mais l’apprentissage de la langue reste important, bien entendu.

JOL Press : Le boom de l’apprentissage du chinois pourrait-il être supplanté, à l’avenir, par celui d’autres langues « rares » comme l’arabe ou le russe ?
 

Cécile Bertrand : L’apprentissage du chinois est avant tout destiné à se renforcer, au moins encore jusqu’à la prochaine décennie, puisqu’il répond à l’évolution de l’économie mondiale.

Par contre, je pense que l’apprentissage de l’arabe ou d’autres langues comme le russe ou le portugais pour le Brésil va se développer. Il ne s’agit pas là de concurrencer le chinois, puisque ces langues concernent des marchés distincts mais complémentaires.

Par ailleurs, de plus en plus de Chinois apprennent le français (mais il y a aussi de plus en plus de Chinois!), même s’ils ont plutôt les yeux rivés vers les Etats-Unis. De leur côté, l’apprentissage des langues se fait en général très rapidement. Même s’ils sont généralement très fiers et contents que l’on apprenne leur langue, ils s’attendent cependant souvent à ce que le monde parle chinois…

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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