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Au Pakistan, les chrétiens refusent de baisser les bras

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Les chrétiens pakistanais sont encore sous le choc à la suite du mortel attentat qui a fait 81 victimes à la sortie d’une église de Peshawar, dimanche 22 septembre. Cette minorité religieuse, en proie à une discrimination grandissante et cible de violentes persécutions, lutte aujourd’hui pour sa survie face à un islamisme radical qui tend à imposer sa loi à tout le territoire pakistanais.

Malgré les efforts de l’Etat pakistanais en faveur des minorités, la situation des chrétiens reste toujours difficile, comme l’explique Marc Fromager, directeur national de l’Aide à l’Eglise en détresse, association qui intervient dans 140 pays pour secourir concrètement les chrétiens persécutés, menacés ou réfugiés.

Qui sont les chrétiens du Pakistan et dans quelle mesure sont-ils discriminés et persécutés ?
 

Marc Fromager : Les chrétiens représentent entre 2 % et 3 % de la population au sein d’un des plus grands pays musulmans au monde. Pour la plupart, ils appartiennent aux couches sociales les plus basses du pays et n’ont guère de possibilités d’évolution. 

Leur statut de minorité les expose à une certaine discrétion mais qui est aujourd’hui aggravée par une discrimination permanente à leur égard. Des épisodes de violence, contre les personnes et contre les bâtiments, se produisent malheureusement de manière chronique.<!–jolstore–>

Estimez-vous que la situation de ces chrétiens se détériore depuis ces derniers mois ou ces dernières années ?
 

Marc Fromager : Clairement, la situation se détériore, essentiellement du fait de la radicalisation de l’islam dans le pays et de la tension politique accrue qui en résulte. Cela se traduit par un accroissement de la violence, à laquelle tous les Pakistanais, y compris les musulmans, sont exposés, mais qui débouche également sur une multiplication des attaques anti-chrétiennes.

Qui sont les ennemis des chrétiens au Pakistan ?
 

Marc Fromager : Je ne sais pas si on peut parler d’ennemis. On a simplement une population qui est constamment soumise à une idéologie de la « pureté » religieuse avec le rejet de toute altérité. Les chrétiens n’ont pas leur place dans le pays, selon les extrémistes qui fixent aujourd’hui ce qu’on doit penser et comment on doit agir.

Les violences régionales et notamment les interventions militaires occidentales, essentiellement américaines (Afghanistan, Pakistan même) n’aident évidemment pas. Même si ces opérations n’ont strictement rien à voir avec le christianisme, les extrémistes en profitent pour ajouter de l’huile sur le feu.

L’Etat pakistanais agit-il en faveur de cette minorité chrétienne ?
 

Marc Fromager : On peut le dire en effet. Il y a eu la création d’une commission pour les droits des minorités et lorsqu’il y a un attentat contre les chrétiens comme dimanche 22 septembre à Peshawar, les autorités font de belles déclarations.

Malheureusement, cela ne semble pas être suffisant et on observe qu’en réalité, il est difficile pour elles de trop s’engager. Rappelons par exemple le cas de Salman Taazer, gouverneur musulman du Pendjab, assassiné simplement parce qu’il avait émis des réserves sur la loi anti-blasphème.

Cette loi touche également des musulmans, mais proportionnellement beaucoup plus les chrétiens.

Cette minorité pourrait-elle être amenée à émigrer et à disparaître du Pakistan pour sa survie ?
 

Marc Fromager : C’est déjà le cas. Ceux qui avaient les moyens de partir sont partis, notamment ceux qui avaient de la famille en Inde (autrefois, les deux pays n’étaient pas séparés). On m’a dit à Karachi que la moitié des chrétiens de la ville avaient quitté le pays.

Et pourtant, il y a aussi de belles choses et notamment des témoignages de sympathie et de solidarité de la part de musulmans modérés. D’autre part, l’espérance fait génétiquement partie du christianisme et la plupart des chrétiens refusent de baisser les bras. Ils continuent à croire que leur pays ne pourra pas indéfiniment se complaire dans cette violence et que l’avenir reste à écrire, avec eux.

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