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Chaque année au Pakistan, 700 chrétiennes enlevées et converties

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Persécutés, discriminés, les chrétiens du Pakistan n’ont souvent plus d’autre issue que de vivre dans la misère ou de fuir leur pays. La société pakistanaise, qui tend à s’islamiser très rapidement, écarte cette minorité faite de citoyens de seconde zone.

L’attentat de Peshawar en est l’illustration, mais il n’est que la vitrine du douloureux quotidien de ces chrétiens du Moyen-Orient. Explications avec Claire Lacroix, rédactrice en chef de Portes Ouvertes, une ONG au service des chrétiens persécutés.

Qui sont les chrétiens du Pakistan ? Dans quelle mesure sont-ils discriminés et persécutés ?
 

Claire Lacroix : Il y a 5 millions de chrétiens au Pakistan, ils composent 2,5 % de la population. Selon la tradition, le christianisme est arrivé avec Saint Thomas. Mais plus récemment, c’est entre le 18 et le 19e siècle que le christianisme est une nouvelle fois apparu. Les chrétiens sont à 50 % protestants et à 30 % catholiques.

Il y a une discrimination contre toutes les minorités – Ahmadi, Shias, etc. Les chrétiens sont souvent très pauvres, traités comme citoyens de deuxième classe et subissent une forte discrimination. Ils doivent faire face à une certaine pression qui s’exerce pour leur faire quitter leurs terres ancestrales, leurs villages. Souvent ils vivent dans des ghettos chrétiens où il existe un très fort pourcentage d’illettrés. La discrimination affecte tous les domaines de la vie du chrétien, à savoir l’éducation, la santé, le travail et le logement. Ouvrir une nouvelle église est quasiment impossible.

Beaucoup de chrétiens sont artisans. Un grand nombre d’entre eux n’ont pas fait d’études et sont traités injustement par leur employeur. En général, on leur refuse le salaire minimum imposé par l’Etat. C’est pourquoi beaucoup de chrétiens sont pauvres, analphabètes et n’ont pas la possibilité de faire pleinement partie de la société. Ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone. D’après le rapport du département d’Etat américain sur la liberté de religion dans le monde, la marginalisation et la pauvreté rendent la communauté chrétienne vulnérable.<!–jolstore–>

De plus, les agressions sexuelles commises par des musulmans sur de très jeunes chrétiennes continuent, sans faiblir. D’après des ONG catholiques, au moins 700 chrétiennes sont enlevées chaque année et forcées à se convertir à l’islam. Sur la période considérée, plusieurs cas de viol ont été enregistrés et dans tous les cas, soit la police a refusé de mener l’enquête, soit la pression de la société a été telle que les victimes ont été obligées de retirer leur plainte. Les chrétiens vivent dans un pays instable et dominé par une quarantaine de groupes djihadistes.

Estimez-vous que la situation de ces chrétiens se détériore depuis ces derniers mois ou ces dernières années ?
 

Claire Lacroix : Aucune amélioration n’est attendue dans un futur proche. Aussi longtemps que les extrémistes influenceront l’opinion de la rue, les minorités – les chrétiens en particulier –, seront persécutées ouvertement, discriminées et mises de côté.

Le Pakistan est 10e sur l’Index mondial de persécution 2012 (11e en 2011 et 14e en 2010) – donc oui, il existe une détérioration. D’abord parce qu’il y a une augmentation de l’extrémisme islamique.

Les chrétiens sont aussi victimes de la radicalisation de la société et de l’islam. L’assimilation du christianisme avec l’Occident leur est défavorable. La situation économique se dégrade. Il y a une détérioration de leur situation depuis des années comme l’illustrent les assassinats de Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités, et du gouverneur du Punjab, Salman Taseer. 

Qui sont les ennemis des chrétiens au Pakistan ?  
 

Claire Lacroix : Au Pakistan, la persécution est principalement le fait de l’extrémisme islamique. L’islam n’accepte pas la présence d’une communauté chrétienne forte dans le pays.

Ajoutons à cela un gouvernement faible et corrompu, peu enclin, s’il le pouvait encore, à lutter contre les injustices. Il existe une armée complice des islamistes, qui n’hésite pas à aider les militants islamistes afin de prendre l’avantage en Afghanistan et au Cachemire indien. Il est certain que les chrétiens n’ont que peu d’alliés prêts à les aider à continuer à vivre dans le pays où ils sont nés.

L’Etat pakistanais agit-il en faveur de cette minorité chrétienne ?
 

Claire Lacroix : En général, la société ignore la minorité chrétienne. Malgré le fait que des douzaines d’ONG s’occupent des chrétiens et des autres minorités religieuses ou ethniques, elles n’ont pas leur mot à dire quant à la politique du pays.

Les chrétiens savent que ni la police, ni la justice ne les traiteront de façon équitable. Souvent la police refuse même d’enregistrer leur plainte, ce qui est le point de départ pour pouvoir espérer obtenir justice.

Cependant, l’Eglise  jouit d’une certaine liberté, mais elle est victime d’une société anti chrétienne et des mouvements extrémistes. La législation pakistanaise accorde aux chrétiens une importante marge de manœuvre quant au fonctionnement des églises établies. Les responsables d’églises reçoivent régulièrement des menaces de mort, les passages à tabac sont communs et chaque mois, les églises sont l’objet de vandalisme.

Cette minorité pourrait-elle être amenée à émigrer et à disparaître du Pakistan pour sa survie ?
 

Claire Lacroix : Comme cela se passe également au Moyen-Orient, l’exil des chrétiens continue, sans fléchir. On refuse aux chrétiens l’accès à l’alphabétisation. Beaucoup envisagent donc de partir au risque d’affaiblir l’Eglise encore plus. La solution serait de résoudre les conflits internes de la société pakistanaise et de donner à l’Eglise le droit d’exister.

Avec l’aide d’églises partenaires sur place, nous menons des projets socio-économiques afin d’améliorer les conditions de vie des chrétiens et empêcher que l’Eglise ne disparaisse.

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