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Christiane Taubira, parcours d’une femme sans compromis

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Longtemps députée sans étiquette, Christiane Taubira n’avait jamais été ministre avant d’entrer dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Selon certaines sources, Nicolas Sarkozyl’aurait approchée pour la faire entrer dans son gouvernement d’ouverture, mais cela ne s’est pas fait. Christiane Taubira a toujours fait ce qu’elle voulait et n’entend pas se faire dicter sa conduite.

En tant que Garde des Sceaux, c’est à elle de défendre la proposition n°31 du candidat Hollande, qui promettait d’ouvrir le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe. Et elle la défend avec une vraie détermination. Lors de la présentation du projet à l’Assemblée, le 29 janvier dernier, elle a parlé sans notes, la tête haute, pendant quarante minutes. Son sujet, elle le connaît et le défend. Elle ira jusqu’au bout.

Militante indépendantiste en Guyane

Mais pour mieux saisir cette détermination, il faut connaître son histoire et les différents combats qu’elle a menés depuis maintenant de nombreuses années. Christiane Taubira est née à Cayenne en 1952, dans une famille modeste. Ses parents sont séparés. Sa mère élève seule cinq enfants. Arrivée en métropole pour ses études secondaires, elle obtient les diplômes d’un 3e cycle de sciences économiques (Paris II), de sociologie et d’ethnologie afro-américaine(Sorbonne et Jussieu) et d’agro-alimentaire (CFCA de Paris et Bordeaux). Puis, en 1978, elle devient professeur de sciences économiques.

Peu de temps après, elle retourne en Guyane et s’engage en tant que militante indépendantiste aux côtés de son mari, Roland Delannon, avec qui elle aura quatre enfants et de qui elle divorcera. Cette à cette époque qu’elle adhère au Moguyde, mouvement guyanais de décolonisation et prend part aux émeutes à Cayenne. Un engagement qui va la contraindre à entrer dans laclandestinité : « Tous les deux jours, je devais changer de lieu, tout en trimbalant un bébé de deux mois », a-t-elle raconté à Franceguyane.fr. Mais ce militantisme indépendantiste prend fin avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981.

Députée « non inscrite » de Guyane

Si elle a calmé ses ardeurs indépendantistes, elle n’en est pas moins indépendante et crée, en 1993, le parti Walwari dont elle devient la présidente. L’objectif du parti est alors de « remporter une victoire contre le Parti Socialiste Guyanais, alors omnipotent sur la scène politique locale ». La même année, elle est élue députée « non inscrite » de Guyane. À l’Assemblée nationale, elle intègre un petit groupe parlementaire, République et liberté.

L’année suivante, elle est quatrième de la liste Énergie radicale menée par Bernard Tapie lors des élections européennes de 1994. Si, en 1995 et en 2001, elle tente de conquérir la mairie deCayenne face au candidat socialiste guyanais (PSG) Jean-Claude Lafontaine, elle essuiera deux fois un échec. À sa réélection en juin 1997, elle rallie le groupe socialiste qu’elle quittera en novembre 2001 rejoignant le groupe Radical-citoyen-vert (RCV).

Les esclavages comme des crimes contre l’humanité

Mais ce qui va vraiment la faire connaître du grand public, c’est lorsqu’en 2001 elle donne son nom à une loi mémorielle française qui reconnaît les traites et les esclavages comme des crimes contre l’humanité. C’est à cette époque qu’elle écrit L’esclavage raconté à ma fille (Bibliophane éditions). À la suite de cette loi et de la création du Comité pour la mémoire de l’esclavage, présidé par l’écrivain guadeloupéen Maryse Condé, Jacques Chirac a annoncé le 30 janvier 2005 la création d’une journée annuelle de la mémoire de l’esclavage, qui se tiendra tous les 10 mai, date de l’adoption au Parlement de la loi Taubira.

Forte de son succès et de cette nouvelle médiatisation, Christiane Taubira décide de se présenter à l’élection présidentielle de 2002, sous les couleurs du Parti radical de gauche alors qu’elle n’en est pas membre. C’est alors la première candidate venue de l’Outre-mer à briguer la magistrature suprême. Elle obtient 2,32% des suffrages, alors que tous les instituts d’opinion ne lui donnaient guère plus que 0,5% d’intentions de vote. Certains la rendront responsable de l’éparpillement des voix à gauche, qui ont entraîné le choc du 21 avril et l’absence de Lionel Jospin au deuxième tour au profit de Jean-Marie Le Pen. D’autres diront que Jospin ne voulait pas de cette alliance pendant la campagne.

Elle sera réélue députée en 2002 et en 2007. Cette année-là, elle décide de soutenir la candidature de Ségolène Royal qui la nomme « déléguée à l’expression républicaine ». C’est à cette époque que Christiane Taubira aurait déclaré avoir été « approchée » par l’entourage de Nicolas Sarkozy « avant la fin de la présidentielle » pour faire partie du gouvernement, mais « avoir alors décliné l’offre ». En 2010, elle annoncera son soutien à Arnaud Montebourg dans le cadre des primaires du Parti socialiste de 2011 pour l’élection présidentielle de 2012.

Critiquée mais déterminée

Après l’élection de François Hollande, elle est nommée au ministère de la Justice au sein du gouvernement Ayrault. Très vite, elle va devenir la cible privilégiée de la droite et du FN, en particulier quand elle annoncera sa décision de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, comme l’avait annoncé François Hollande durant sa campagne.

Mais la défense du projet de loi sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe va la rendre très populaire au sein de sa famille politique mais aussi plus largement auprès de toute la gauche. D’après une enquête, réalisée pour I-Télé en février dernier, 36% des Français déclaraient que l’image qu’ils avaient de Christiane Taubira avait changé durant le débat parlementaire sur le mariage pour tous. Parmi ces 36%, les deux tiers (65%) en avaient une meilleure image, un tiers une plus mauvaise image.

Aujourd’hui elle s’attaque à un nouveau chantier de taille : sa réforme pénale. « La société doit pouvoir aider à la réhabilitation de celui qui a fauté, quelle que soit la gravité de sa faute », plaide-t-elle. Un discours qui fait grincer les dents à droite mais aussi dans son propre camp. Mais tout porte à croire que, cette fois-ci encore, à force de pugnacité et de détermination, elle parviendra à faire voter cette seconde grande réforme de gauche du gouvernement.

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