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Comment la mort de Clément Méric a été instrumentalisée

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Ce devait être une loi festive et consensuelle. Elle a fracturé le pays. En l’espace de trois grandes manifestations, la contestation de la loi sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels a mobilisé des millions de citoyens. Ce mouvement est en passe de modifier en profondeur la vie politique. Et la France se réveilla retrace les origines profondes de cette vague populaire, la met en perspective avec la dernière campagne présidentielle et s’interroge sur son avenir.

Ecrit par deux journalistes, l’un politique, l’autre culturel, ce livre s’appuie sur une enquête fournie. Les auteurs ont suivi le mouvement depuis sa naissance, ils ont rencontré ses organisateurs, les hommes et les femmes politiques qui y ont pris part ou l’ont combattu. De la ligne Buisson aux succès de la Froite forte, des hésitations de François Hollande aux provocations de Pierre Bergé, de l’émergence de Frigide Barjot à la naissance des Veilleurs, du rôle de l’Eglise à l’explosion des réseaux sociaux militants, des brimades policières aux condamnations judiciaires, cet essai montre comment une véritable révolution culturelle s’est amorcée autour de la Manif pour tous.

Extraits de Et la France se réveilla Enquête sur la révolution des valeurs, de Raphael Stainville et Vincent Trémolet (Les éditions du Toucan)

Pour les amis du défunt, l’émotion ce jour-là n’était pas feinte, pas calculée pour les chaînes d’information continue: elle va pourtant être cyniquement détournée, scandaleusement utilisée à des fins partisanes. Alexis Corbière du Front de gauche est le premier à allumer la mèche et à livrer sa version, celle d’un crime politique. Elle sera reprise par la très grande majorité des médias.

S’ensuit le ballet des politiques: NKM et Hidalgo huées par la foule, Harlem Désir prêt à ressortir du coffre à déguisement la panoplie de SOS Racisme, Mélenchon soucieux de distinguer le PS du Front de gauche, Gérard Collomb menacé et poursuivi par des antifas dans les rues de Lyon.

Il y a ensuite les quadrilles des caméras et des envoyés spéciaux «visiblement très émus » d’annoncer en direct la mort d’un gamin.

Il y a enfin les étoiles de cette fantasia morbide, frétillant de plaisir à l’idée de déposer le cadavre du jeune homme sur le pas de la porte de la Manif pour tous.

[image:2,s]Avec au centre, comme un méchant de James Bond révélant son vrai visage : Pierre Bergé.

Le jeune homme n’est pas mort que déjà, l’homme d’affaires se saisit de son téléphone pour tweeter sa colère et prendre sa revanche sur la Manif pour tous : Il faut mobiliser derrière Clément assassiné, faire descendre un million de personnes dans la rue, dire notre indignation et notre colère.

Quelques minutes plus tard, un autre tweet donne la nature de l’indignation et de la colère de Pierre Bergé : Ce sont les inconscients de la Manif pour tous qui ont préparé le terrain. En s’associant avec l’extrême droite, ils lui ont permis d’exister.

Et puis, pour finir : L’immonde Barjot avait promis du sang. Le voilà qui éclabousse la démocratie et la République. La manifestation se rend-elle compte.

Ainsi donc, le grand homme tient sa revanche. Appel à la mobilisation, dénonciation de l’adversaire, le mitterrandien historique voit venir le Carpentras des anti-mariage gay, un crime infamant qui pour vingt ans va entacher leur combat. Il y a tout: la République en danger, le retour de la bête immonde, l’union sacrée des vraies forces démocratiques.

Cette sidérante manipulation, menée par un train d’enfer, s’appuie aussi sur quelques bonnes gâchettes :

Libération établit, en une, un lien entre la mort d’un antifa et la Manif pour tous. L’après-midi, Le Monde met en garde contre les amalgames dans son éditorial avant d’écrire dans ce même texte : « Et ce ne sont évidemment pas les centaines de milliers de Français qui ont protesté et manifesté contre le mariage pour tous qui ont tué le jeune étudiant. Il n’empêche que cette longue controverse a libéré une violence verbale symbolique qui est tout sauf anodine. »[…]

«Ce matin, écrit le blogueur Koz, je me suis donc réveillé coupable d’un meurtre. » Tugdual Derville, sur Twitter, poste ces quelques lignes : « Tout est fait pour pourrir l’image de notre magnifique mouvement, au moyens de procédés dialectiques manipulateurs bien référencés (amalgame, isolement, transfert d’émotion, procès d’intention, récupération historique…) ».

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Vincent Tremolet de Villers est rédacteur en chef du Figaro Hors- Série et du Figaro Histoire. Raphaël Stainville est journaliste politique au Figaro Magazine.

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