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Inde: une campagne contre la violence domestique fait polémique

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L’association indienne Save The Children India  a lancé une campagne choc « Abused Goddesses » – « Les déesses abusées » – pour dénoncer la violence domestique en Inde.

68 % des femmes victimes de violences domestiques

Les déesses Saraswati, Lakshmi ou encore Durga  y apparaissent criblées de coups. Sous leurs portraits, un texte : « Priez pour que nous ne voyions jamais cela. Aujourd’hui, en Inde, 68 % des femmes sont victimes de violences domestiques. Demain, il semblerait qu’aucune femme n’y échappera, même pas celles que l’on prie. »

Cette campagne intervient en plein verdict du procès des violeurs de Jyoti Singh, condamnés à mort vendredi 13 septembre. En décembre 2012, cette étudiante indienne âgée de 23 ans avait été battue, violée par six hommes dans un bus à New Delhi, avant de succomber à ses blessures. Ce crime avait suscité une vague d’indignation sans précédent dans le pays, soulevant pour la première fois la question de la violence sexuelle dans la sphère publique indienne.

D’après les chiffres du Bureau national du crime, parmi les grandes villes d’Inde, New Delhi est celle qui enregistre le plus grand nombre de crimes contre les femmes. La capitale représente 14,18 % des violences faites aux femmes sur les 53 villes étudiées dans le rapport. Au total, ce sont 244 270 cas de crimes contre les femmes qui ont été signalés dans le pays l’année dernière, rapporte la BBC.

Une campagne controversée

Dans un pays où la religion hindoue est pratiquée par 80 % de la population, les affiches des divinités violentées font polémique. Plus qu’une atteinte à la religion, c’est la déshumanisation des femmes par cette déification qui se voit condamnée par un groupe de femmes. Parmi elles, l’universitaire Brinda Rose, qui dénonce, dans une tribune publiée dans le journal Open: « En déifiant les femmes, ces affiches les privent de leur individualité, de leur sexualité et de leur pouvoir », rapporte Courrier International.

Dans le journal Hindustan Times, c’est Praneta Jha qui s’indigne : « Quel message sous-jacent cette campagne tente-t-elle de nous transmettre ? Ne frappez pas les femmes, car elles sont des déesses ? Les femmes sont dignes de respect et méritent un traitement humain parce que les déesses sont adorées ? Qu’en est-il des femmes qui ne présentent pas les qualités présumées d’une déesse vénérée ? », s’interroge-t-elle.

Pour elle, comparer les femmes à des déesses est aussi « préjudiciable que de les dépeindre comme des objets sexuels. » Dans les deux cas, « ces représentations déshumanisent les femmes. […] Enfermer les femmes dans les images d’un supposé idéal est l’une des plus anciennes stratégies du patriarcat – et il est considéré comme normal de nous punir et de nous violer si l’on ne correspond pas à l’image », déplore-t-elle dans l’article. « Les femmes ne sont pas des déesses hindoues. La violence conjugale est une réalité qui affecte les êtres humains. Elle ne sera pas éradiquée en projetant le phénomène dans le domaine de l’abstraction », conclut Praneta Jha.

Une clause de non-responsabilité

La polémique est telle que l’association « Save the Children India » a dû publier une clause de non-responsabilité sur son site Internet : « La campagne Save our Sisters, créée par Taproot, ne représente pas le travail ou l’idéologie du mouvement Save our Sisters qui travaille sur la prévention du trafic des femmes et la réinsertion des victimes », s’est-elle défendue.

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