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Khan Academy: l’école virtuelle, une révolution de l’enseignement

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Salman Khan est en train de provoquer une véritable révolution dans le monde de l’enseignement. Inaugurée aux Etats-Unis, avec aujourd’hui plus de six millions d’étudiants par mois – une croissance de plus de 400 % par an – des vidéos visionnées plus de 140 millions de fois et un demi-milliard d’exercices effectués grâce à ce logiciel, la Khan Academy se propage à une vitesse prodigieuse au Brésil, au Mexique, en Afrique… Depuis mercredi 4 septembre, l’ONG Bibliothèques sans frontières (BSF) propose 250 vidéos de la Khan Academy en version française. A l’ère numérique, il est enfin possible de remettre en question des techniques d’enseignement mises en place en Prusse au XIXe siècle qui n’ont pas évolué depuis.

Extraits de L’éducation réinventée de Salman Khan (Editions JC Lattès)

 Je m’appelle Salman Khan. Je suis le fondateur et le  premier professeur à avoir enseigné à la Khan Academy, une institution désireuse d’offrir une éducation gratuite à chacun, dans le monde entier. J’écris ce livre car je crois que notre façon d’enseigner et d’apprendre doit changer. Le vieux modèle de la salle de classe ne correspond plus à nos besoins. Cette façon d’apprendre est fondamentalement passive, alors qu’à notre époque, nous devons adopter une démarche active. Ce modèle consiste à regrouper des élèves du même âge pour leur faire suivre un programme unique en espérant qu’ils en retiendront quelque chose. S’il était peut- être efficace il y a cent ans (et cela reste à prouver), ce n’est certainement plus le cas aujourd’hui.

Les nouvelles technologies nous font entrevoir d’autres manières d’enseigner et d’apprendre, mais  elles engendrent également la confusion, voire la peur ; trop souvent, elles ne constituent qu’une façade. Entre les anciennes méthodes et les nouvelles s’est creusé un fossé dans lequel les élèves tombent tous les jours. Le monde change de plus en plus vite, mais le système, lui, évolue très lentement et rarement dans la bonne direction ; chaque jour, durant chaque heure de classe, le décalage entre ce qu’on enseigne aux enfants et ce qu’ils ont besoin d’apprendre s’accentue. C’est facile à dire, bien sûr. Tout le monde parle d’éducation de nos jours, pour le meilleur et pour le pire.

Les hommes politiques mentionnent le sujet dans chacun de leurs discours. Les parents s’inquiètent de voir leurs enfants « prendre du retard » et se faire distancer par leurs camarades. Comme en religion, il existe dans ce domaine des avis catégoriques, rarement étayés par les faits. Devrait- on donner plus de devoirs aux enfants, ou moins ? Fait- on trop de contrôles ou pas assez ? Est- ce que les examens nationaux évaluent des acquis ou simplement une capacité à comprendre la question posée ? Récompense- t-on l’initiative, la compréhension et l’originalité ou perpétuons- nous une tradition vide de sens ? Les adultes s’inquiètent aussi pour eux. Comment entretenir notre cerveau pour qu’il ne devienne pas paresseux ? Pouvons- nous encore apprendre des choses une fois notre scolarité terminée ? Où et comment?

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Parler d’éducation et placer l’école au centre de nos préoccupations est une bonne chose, mais malheureusement ça n’aboutit jamais à rien. Les décisions politiques, nécessaires au changement, peuvent faire autant de mal que de bien. Des professeurs et des écoles remarquables ont montré que l’excellence était possible, mais leur réussite s’avère difficile à reproduire. Malgré l’énergie et les moyens déployés dans ce domaine, les progrès sont très limités. On en vient même à se demander s’il est possible d’améliorer le système éducatif. Beaucoup de gens oublient le fondement de cette crise. Ils se concentrent sur le taux d’échec aux examens alors que le vrai problème touche aux individus et à leur avenir. Le vrai problème, c’est l’épanouissement ou non du potentiel de chacun, le maintien ou non de sa dignité.

On dit souvent que les lycéens américains sont désormais classés au vingt- troisième rang mondial en maths et en sciences. D’un point de vue américain, c’est inquiétant, mais ces classements ne représentent qu’une échelle de mesure très étroite de ce qui sepasse dans ce pays. Je suis persuadé que les États- Unis vont demeurer leaders dans les domaines scientifiqueet technologique pour les années à venir, et ce malgré les failles potentielles de notre système scolaire. Ne soyons pas alarmistes : ce pays n’est pas près de perdre sa place sous prétexte qu’en Estonie, des étudiants maîtrisent mieux la factorisation des polynômes.

D’autres aspects de la culture américaine (un mélange unique de créativité, d’esprit d’entreprise, d’optimisme et de capitalisme) ont fait d’elle l’une des plus innovantes au monde. Voilà pourquoi, partout sur le globe, des jeunes rêvent d’aller y travailler. D’un point de vue plus général, ces classements nationaux ne sont pas pertinents. Toutefois, si l’alarmisme n’est pas de mise, la complaisance ne l’est pas davantage.

Les Américains ne sont pas génétiquement programmés pour réussir et notre place de leader peut s’affaiblir si nous ne la consolidons pas à l’aide d’individus intelligents et bien formés. L’Amérique est une terre d’innovation, mais qui va en profiter ? Est- ce que seule une partie infime des élèves recevra l’éducation nécessaire pour y participer, forçant le pays à importer des cerveaux ? Est- ce qu’une proportion grandissante de jeunes gens va rester au chômage faute de compétences ? Les mêmes questions s’appliquent aux jeunes de tous les pays. Vont- ils gâcher leur potentiel ou l’utiliser à mauvais escient parce qu’on ne leur a pas donné les moyens ou l’occasion de le développer correctement ? La démocratie va- t-elle échouer à s’implanter dans les pays en développement à cause d’un enseignement de mauvaise qualité ou un système corrompu?

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Salman Khan est le Fondateur et le Directeur Général de la Khan Academy. Né en Louisiane de parents immigrés (Inde et Bangladesh), il abandonne son travail dans un Hedge fund pour créer la Khan Academy. Il est l’auteur de l’ouvrage l’Education réinventée, une école grande comme le monde, publié aux Editions JC Lattès. 

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