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La France a encore un grand rôle à jouer au Mali

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Il n’est pas si loin ce 11 janvier 2013 qui signa le lancement de l’opération Serval menée par les Français pour libérer le Nord-Mali de la présence islamiste. Il est encore plus proche ce 28 juillet, jour où les Maliens se sont prononcés pour le retour à l’ordre constitutionnel dans leur pays en élisant Ibrahim Boubacar Keita, surnommé « IBK » à la tête de leur pays.

Durant ces derniers mois, le Mali est sorti du chaos pour entrevoir désormais la possibilité d’un payx où règnerait la paix et la sécurité. Mais pour atteindre ce but, de nombreuses étapes restent à franchir. Analyse d’André Bourgeot, chercheur au CNRS et spécialiste du Sahel. 

Peut-on croire à un nouveau souffle pour le Mali avec Ibrahim Boubacar Keita ?
 

André Bourgeot : L’élection d’un président au Mali représente un tournant politique d’une importance capitale qui représente le retour à l’ordre constitutionnel.

Ibrahim Boubacar Keita a été élu avec plus de 77% des voix ce qui représente un quasi-plébiscite des électeurs.

Les électeurs maliens ont considéré qu’IBK était l’homme de la situation pour refaire fonctionner les institutions. C’est une situation nouvelle qui peut être porteuse d’un nouveau souffle. Ce nouveau président a déjà été président de l’Assemblée nationale, Premier ministre, ils connaît tous les rouages de la vie politique malienne et est donc peut-être la personne appropriée pour remettre le mali sur les rails.

Pourra-t-il être le président de l’unité du Mali ?
 

André Bourgeot : En juin dernier ont été signés les Accords de Ouagadougou, censés permettre le retour de l’armée malienne au nord du pays et officialiser le cantonnement des membres des groupes armés de la région.

Mais depuis, les troubles n’ont pas cessés et à l’extrême-nord du pays, des affrontements surviennent toujours entre groupes touaregs et arabes et à Haguelhok entre des militaires maliens et des éléments du MNLA, ce qui montre que le cantonnement n’est pas respecté.

La sécurité et l’intégrité du territoire seront très difficiles à ramener. Pour le moment, le problème réside dans l’impossibilité pour l’armée malienne de se réapproprier le territoire, en raison de l’influence et de l’action des groupes armés tels que le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).

Les islamistes ont quitté le Nord-Mali, les Maliens ont élit un président, peut-on dire que l’intervention française a été une réussite ?
 

André Bourgeot : Au regard de tout ce qui s’est passé depuis ces derniers mois, on peut tout à fait dire que cette intervention a été réussie.

Pourtant, la crise malienne n’est pas tout à fait résolue et la sécurité n’est pas encore totalement revenue sur le territoire.

Des cellules djihadistes dormantes existent toujours, notamment à Gao ou à Tombouctou et personne n’est à l’abri d’une résurgence de ces cellules. Récemment, le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’ouest (Mujao) a fait alliance avec les Signataires dans le sang de Mokhtar Belmokhtar et ont exprimé des menaces sur les intérêts français.

De nombreux problèmes subsistent au Mali, sinon, la présence de la Minusma et de l’armée française ne serait d’ailleurs pas nécessaire.

Il faut également souligner qu’une certaine partie des djihadistes qui ont fui le Nord-Mali se sont réfugiés dans l’extrême-sud libyen, ce qui indique que la sécurité n’est pas non plus rétablie sur l’ensemble de l’espace saharo-sahélien.

Quelles vont désormais être les grandes étapes de la reconstruction politique du pays ?
 

André Bourgeot : Il est difficile de hiérarchiser les priorités car tout semble être une priorité. Dans les jours qui suivent son investiture, Ibrahim Boubacar Keita s’attaquera de front au rétablissement de la paix et de la sécurité dans le septentrion malien et particulièrement dans l’Adrar des Ifoghas.

Le président engagera des négociations sur le désarmement des groupes armés du nord, sur les conditions de réintégration de certains éléments dans l’administration malienne. Ces négociations devront également engager les premiers termes d’un grand plan de développement pour tout le septentrion malien.

Durant sa campagne électorale, le président a annoncé l’organisation d’assises régionales qui ne concerneraient pas que la problématique des groupes armés mais l’ensemble de la société civile, politique et religieuse de la région.

En parallèle, certains courants issus de la société civile appellent également à l’organisation d’assises nationales, affirmant que les défis du Mali ne se réduisent pas au nord du pays.

L’efficacité de ces assises donneraient au nouveau président Ibrahim Boubacar Keita lui donnerait un pouvoir populaire très important.

La France a-t-elle encore un rôle à jouer dans cette reconstruction ?
 

André Bourgeot : Oui, les Français ont encore un rôle politique, un rôle d’influence et un rôle économique à jouer. Depuis ces dernières semaines, de nombreux chefs d’entreprise sont arrivés à Bamako, signe d’un nouvel élan dans les relations économiques franco-maliennes.

François Hollande et Ibrahim Boubacar Keita ont un point commun, ils sont tous les deux membres de l’Internationale socialiste. Les orientations politiques des deux pays sont relativement proches.

La France est également une puissance coloniale qui a des intérêts au Mali. Le pétrole, l’uranium et un gisement d’or du septentrion malien sont des ressources bien connues mais pas encore exploitables. Nul doute que la présence politique française vise également à être présente pour les exploiter.

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