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«La France, très en retard en matière de prévention des crimes suicidaires»

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Un actif sur trois a déjà pensé au suicide

Chaque année, en France, 220.000 personnes font des tentatives de suicide, et plus de 10.000 y succombent. La France enregistre l’un des taux les plus élevés de suicides en Europe avec trois fois de plus de crimes suicidaires qu’en Espagne ou en Italie, et deux fois plus qu’en Angleterre. 

Des chiffres édifiants, auxquels s’ajoutent les suicides déguisés en accidents, explique Jean-Claude Delgenes, le directeur du cabinet Technologia, à l’origine de l’étude sur le taux de suicide: « sur les 10 350 suicides répertoriés comme tels, il faut ajouter 10 à 15% de suicides en plus : des crimes suicidaires maquillés en accident de la route, ou en noyade » explique-t-il. <!–jolstore–>

« Un grave retard en matière de prévention »

En mai 2012, le cabinet Technologia avait signé, avec 44 spécialistes, un appel sur le site du quotidien Libération pour la création d’un Observatoire national du suicide. L’annonce de son lancement, mardi 10 septembre, à l’occasion de la 11e journée mondiale de prévention du suicide, a donc été un soulagement pour Jean-Claude Delgenes : « la création de l’Observatoire national du suicide va nous permettre d’affiner nos connaissances des causes – souvent plurifactorielles – du suicide » déclare-t-il.

Cette structure qui réunira, deux fois par an, les représentants de sept ministères concernés, des parlementaires, des acteurs institutionnels, des chercheurs et des professionnels de santé, permettra de combler « un grave retard en matière de prévention des crimes suicidaires » selon Jean-Claude Delgenes. « Il n’y a par exemple aujourd’hui aucune étude sur les conséquences du surendettement au niveau des passages à l’acte » s’étonne le directeur du cabinet. « On ne connait pas non plus les conséquences de l’éloignement de la famille sur les crimes suicidaires, ou encore l’impact de la perte d’emploi ou de l’annonce d’un plan social… » poursuit-il.

La création de l’Observatoire permettra également de pallier le retard énorme en matière de statistiques : « Nous savons qu’il y a eu mille morts en plus en Angleterre dûs à la crise depuis 2009, 30% de crimes suicidaires en plus en Grèce, mais en France nous sommes incapables de le dire car il n’y a pas d’actualisation de données » déplore Jean-Claude Delgenes.

S’inspirer des initiatives lancées à l’étranger

Pour lui, l’Observatoire permettra de créer une « émulsion créative » entre différents spécialistes – psychiatres, psychologues, médecins – afin de proposer des connaissances en matière de prévention. Enfin, les acteurs au sein de cette structure pourront se pencher sur ce qui se fait à l’étranger en matière de prévention du suicide, en s’inspirant des initiatives mises en place dans les pays scandinaves par exemple.  

« Si on avait fait cette veille internationale on aurait pu très certainement limiter la surmortalité en France » estime Jean-Claude Delgenes. Mais selon lui, « la France n’a pas de culture de prévention : elle n’est pas capable d’anticiper suffisamment pour traiter les problèmes. Lorsqu’un problème surgit, il a de très fortes conséquences. Il a fallu attendre l’an 2000, avec le plan du ministre de la Santé de l’époque, pour mettre en place une prévention du suicide. Les Anglais eux, avaient déjà pensé à cela dans les années 50 ! ».

L’impact de la crise sur la hausse du suicide en France

Bien que les données soient floues autour de l’impact de la crise économique sur les suicides, « plus des deux tiers des Français considèrent que la crise explique en grande partie la remontée du suicide dans notre pays », poursuit Jean-Claude Delgenes. « Pendant des années, nous avons expliqué le suicide par la fragilité individuelle des gens, alors qu’aujourd’hui on se rend compte que ce sont des situations difficiles, parfois extrêmes qui peuvent conduire les gens à se suicider » ajoute-t-il.

Quant aux liens entre le travail et le suicide, Jean-Claude Delgenes tient à rappeler que le travail est un facteur de protection : « Les études en Europe montrent que la précarité ou le chômage doublent le risque suicidaire ». Cependant, dans certains cas, le travail « peut être un facteur précipitant vers le suicide », surtout dans des situations de burn-out – épuisement psychologique et physique d’un individu -, lors de restructuration à répétition, ou encore d’incertitude professionnelle.

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