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«La liberté de presse: primordiale dans une démocratie « naissante »»

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Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a organisé mardi 17 septembre une grève générale de tous les médias en Tunisie. A l’origine de cette grève : l’arrestation du  journaliste Zied El-Heni, président du SNJT,  accusé de « diffamation et attribution d’actes illégaux à un fonctionnaire de l’Etat ». Finalement libéré le 16 septembre, le rédacteur en chef du journal Essahafa, avait accusé un procureur de falsifier des preuves contre un caméraman pour l’impliquer dans « l’affaire de jet d’œuf » contre un ministre.

Enième arrestation

Son incarcération a suscité une vague de colère et d’indignation dans le secteur des médias et dans la société civile. Comme Zied El-Heni, des dizaines de journalistes sont chaque jour victimes de menaces de mort, intimidations et arrestations en Tunisie. Vendredi 13 septembre, ils étaient d’ailleurs trois à comparaître devant la justice : Zied El-Heni,  Zouhair El-Jiss, Tahar Ben Hassine, rapporte Courrier International.

Des lois répressives héritées de «l’ère Ben Ali»

 « Le nombre de journalistes inquiétés est effrayant. Zied el Heni est menacé car il conteste le gouvernement en place et il était dans le collimateur depuis un moment » déplore la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, connue pour ses dessins du chat Willis from Tunis.  Au-delà du secteur de l’information, cet acharnement judiciaire vise les intellectuels et artistes – comme les rappeurs Weld El 15 et Klay BBJ – mais « tout citoyen tunisien » souligne la dessinatrice et enseignante aux Beaux-Arts, contactée par mail.

Au lieu de mettre en place les décrets postrévolutionnaires 115 et 116, moins répressifs, les autorités continuent d’appliquer un arsenal pénal hérité du régime de Ben Ali. « L’étau se resserre tous les jours et cela nous rappelle de mauvais souvenirs de l’époque où Ben Ali commençait à instaurer sa dictature » constate Nadia Khiari, qui a  commencé à dessiner après le dernier discours de Ben Ali, le 13 janvier 2011, afin d’expulser ses angoisses mais aussi pour faire sourire ses proches, en pleine révolution.

«Si on retombe dans l’auto censure, on a perdu»

Alors, comment exercer son métier lorsque le pouvoir s’acharne pour museler la presse ?  « Les journalistes et autres font leur travail, investiguent, enquêtent afin de tenir les citoyens au courant de ce qu’il se passe dans notre pays, mais les pressions sont toujours présentes que ce soit de la part du gouvernement, de la police ou des milices pro-gouvernementales » explique Nadia Khiari.

Face aux pressions exercées par le gouvernement, les professionnels des médias n’ont parfois plus d’autres choix que de s’auto-censurer, grande crainte de la dessinatrice: « si on retombe dans l’auto censure, on a perdu » estime-t-elle.  « Le gouvernement en place veut remettre à nouveau le flic dans la tête qu’on avait avant la révolution. Ceci n’est plus possible. La liberté de presse est primordiale dans une démocratie « naissante« » poursuit-elle.

«On se doit de continuer à s’exprimer»

Alors que la liste des journalistes victimes de pressions ne cesse de s’agrandir en Tunisie, Nadia Khiari déclare vouloir continuer de dénoncer ce qui la « choque » et ce qu’elle trouve « absurde » dans la société tunisienne et dans le monde, en esquissant chaque jour un nouveau dessin qu’elle poste sur sa page Facebook. Pour elle, c’est un devoir: « la liberté d’expression est un bien trop précieux, gagné au prix de vies humaines, de souffrance. Rien que pour ceux qui ont été emprisonnés ou sont morts pour cette liberté, on se doit de continuer à s’exprimer » explique-t-elle. Consciente des représailles que son travail implique, la dessinatrice affirme ne pas avoir été inquiétée, « pour le moment ».

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