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Le jeûne, nouvel espoir face au cancer…

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Et si le jeûne était une méthode simple et efficace pour traiter de nombreuses maladies ? Question provocante, scandaleuse même pour certains tenants du dogme médical. Pourtant, depuis le docteur Henry Tanner qui jeûna quarante jours en 1880 à New York sous la surveillance de ses confrères, jusqu’au biologiste américain Valter Longo qui fait jeûner aujourd’hui des souris atteintes de cancer avec des résultats stupéfiants, les études scientifiques sur le jeûne ne manquent pas. Qui sait par exemple que chercheurs et médecins russes, depuis les années 1950, ont soigné par le jeûne des milliers de patients ?

Jeûner est-il dangereux ? Quels sont les mécanismes du jeûne ? Peut-on en mesurer les effets ? Quelle est son action sur les cellules cancéreuses ? À toutes ces questions et à bien d’autres, les chercheurs ont donné des réponses, souvent surprenantes. Se dessine alors une autre histoire de la médecine, où l’approche globale du soin a été écartée au profit d’une vision du corps comme simple assemblage de pièces interchangeables.

Or, dans les pays occidentaux, cette médecine moderne ne pervient pas à enrayer la baisse de l’espérance de vie en bonne santé. Face à ce constat, la pratique du jeûne, si ancienne, apparaît comme une thérapie nouvelle. Dans une société où la logique consumériste est poussée jusqu’à l’absurde, le jeûne pose une question paradoxale : « Moins peut-il être plus ? »<!–jolstore–>

Extraits de Le jeune, une nouvelle therapie ? de Thierry de Lestrade (Editions La Découverte)

En mars 2012, quatre ans après leurs premières expérimentations sur le thème jeûne et cancer, Valter Longo et son équipe publient le résultat de la suite de leurs investigations[1]. Cette publication, dans une revue de renom, est une réponse cinglante au scepticisme de la majorité des soignants. Pour la première fois, des travaux conduits avec des technologies de pointe étudient en profondeur l’effet du jeûne sur le cancer. Les résultats sont frappants, l’article fera date.

Après quarante-huit heures de jeûne, les gènes des cellules changent leur expression.

Dès les premières phrases, le ton est donné : « La plupart des médicaments anticancéreux sont développés contre des tumeurs spécifiques et, dans de nombreux cas, ils ne sont efficaces que pour une partie des patients atteints par ces tumeurs. Par ailleurs, le développement de chacune de ces thérapies ciblées est extrêmement coûteux, et réunir les données pour obtenir les autorisations administratives de mise sur le marché par la Food and Drug Administration exige des années d’essais cliniques. […] Mieux vaudrait des thérapies qui pourraient être disponibles plus tôt, à un prix inférieur et qui seraient efficaces pour un grand nombre de cancers. » Pour Longo et ses collègues, leurs travaux prouvent que le jeûne répond à ces exigences.

[image:2,s]Impossible de rendre compte dans le détail de la richesse de ces expérimentations menées sur trois ans, reproduites plusieurs fois dans deux laboratoires différents. Faisons simple, sans être caricatural. Longo répond à plusieurs questions. La première est essentielle : si, lors du jeûne, les cellules basculent en mode « protection », pourquoi ce changement ne concernerait-il que les cellules normales, et non pas les cellules cancéreuses ? Si les cellules tumorales se protégeaient également, elles deviendraient résistantes à la chimiothérapie et toute la démonstration s’effondrerait. Pire, le jeûne serait dangereux. Mais Longo pense que la privation de nourriture provoque une différenciation entre les deux types de cellule. Reste à le démontrer. Ses connaissances en génétique lui seront alors précieuses.

Si le jeûne induit un changement de comportement de la cellule, cela doit pouvoir se vérifier dans l’expression des gènes de son noyau, car ils commandent son travail. Il faut donc dérouler le fil d’ADN, décrypter le langage des gènes. D’où l’idée d’observer, dans un premier temps, ce qui se passe dans une cellule normale. Tout commence, comme d’habitude, par des souris qu’on sépare en deux groupes : celles qui jeûnent quarante-huit heures et celles qui se nourrissent normalement. On extrait de ces souris des cellules du foie, du cœur et des muscles.

Fait remarquable, après quarante-huit heures de jeûne, les gènes de ces cellules ont complètement changé d’expression par rapport à ceux des souris qui n’ont pas jeûné. Ces modifications concernent principalement les gènes impliqués dans la croissance, la nutrition, la duplication… Certains sont surexprimés, d’autres sont sous-exprimés (ceux qui commandent la multiplication cellulaire par exemple). Cela confirme la bascule dans le mode « protection ».

Ces résultats, provoqués en seulement quarante-huit heures, démontrent la puissance du jeûne – comme l’indique le docteur Yves Vivini : « Le jeûne, c’est de la dynamite qui ne fait pas de bruit[2]. » « Cette rapidité d’adaptation ne peut répondre qu’à une mémoire acquise, comme un réflexe, souligne Longo. Un réflexe acquis tout au long des millions d’années de l’histoire de l’humanité. » Mais nous n’avons pas encore la réponse à notre première question : quid des cellules cancéreuses ? Sont-elles également protégées ?

Selon le même protocole, on extrait des cellules de souris, mais cette fois ce sont des cellules tumorales de cancer du sein. Et on constate qu’après quarante-huit heures de jeûne l’expression des gènes de ces cellules change également, mais à l’inverse de la cellule normale : les gènes commandant la multiplication et la croissance, au lieu de se mettre en veilleuse pour s’économiser, s’activent encore plus, car la cellule cancéreuse manque de carburant. Elle cherche désespérément de l’énergie – n’oublions pas qu’elle consomme dixhuit fois plus de glucose qu’une cellule normale. « Elle déteste cet environnement avec peu de glucose et peu de facteurs de croissance », explique Longo. La cellule cancéreuse ayant muté, c’est un peu comme si elle avait perdu la mémoire de l’évolution, elle est devenue incapable de basculer en mode protection et fonctionne même à l’inverse.

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Thierry de Lestrade, réalisateur de documentaires, est l’auteur d’une vingtaine de films dont, avec Sylvie Gilman, Le Jeûne, une nouvelle thérapie ? (Arte, 2012, 2013). Plusieurs fois primé, il a reçu le prix Albert Londres pour La Justice des hommes (2002) et le prix Europa pour Mâles en péril (2008).

19 septembre 2013 – 22h40 ARTE – Le jeûne, une nouvelle thérapie ? Diffusion du documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade : Le jeûne, une nouvelle thérapie ? (en librairie le 19 septembre) rediffusion : samedi 21 septembre à 10H30 et vendredi 27 septembre à 09H45.

[1] Changhan LEE et al., « Fasting cycles retard growth of tumors and sensitize a range of cancer cell types to chemotherapy », Science Translational Medicine, vol. 4, nº 124, mars 2012, p. 124-127.

[2] Yves VIVINI, La Bouffe ou la Vie, op. cit, p. 94.

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