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Marek Halter: «Il faut valoriser la notion de paix»

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JOL Press : Selon vous, quelle est la plus grande menace à la paix ?

Marek Halter : Nous !  La paix, c’est quoi ? C’est lorsque nous savons parler l’un à l’autre, même avec celui qui ne partage pas nos opinions. La guerre et la violence commencent là où la parole s’arrête. Lorsque les gens sont irrités, en colère  ils perdent la connaissance de la parole et du langage beaucoup plus vite. La guerre est donc toute proche de nous. Comme en été, lorsque la végétation est desséchée, il suffit d’une allumette ou d’une cigarette pour que la flamme prenne. Nous sommes dans cette situation aujourd’hui. Aujourd’hui c’est la Syrie, les révoltes dans le monde arabe, mais pas seulement : il y a la Corée, le Japon et la Chine qui se disputent des îlots. 

JOL Press : La Seconde Guerre mondiale a la particularité d’être une guerre d’idéologies plus que de nations. Pensez-vous que nous puissons, cette fois, retrouver un schéma bien plus proche de celui de la Première Guerre mondiale, qui était avant tout un conflit de nationalités ?

Marek Halter : Si cela devait se produire, je pense que ce serait les deux. Il faut se dire quelque chose : l’Histoire nous sert de leçon, mais elle n’est pas répétitive. C’est ce que dit Jacques Le Goff dans Histoire et Mémoire, chaque événement est unique. A nous de voir ce qu’on peut en tirer comme enseignement pour que cet événement reste unique. Mais nous ne connaissons pas le passé. Ce qui change, c’est la technologie, ce qui reste comparable c’est nous : vous, moi, les hommes.

JOL Press : Selon vous, quelles initiatives doivent être menées pour rappeler le caractère fragile et exceptionnel de la paix ?

Marek Halter : Il faut valoriser cette notion de paix et montrer que pour celui qui fait quelque chose pour favoriser la paix, c’est déjà une aventure. C’était le questionnement du philosophe Pascal : « Comment cela se fait-il que le mal soit tellement visible ? » 

J’ai persuadé Etienne Mougeotte, à l’époque  directeur d’antenne de TF1, de passer, tous les soirs tard, Les Aventures du Bien , qui duraient cinq minutes. Lors de ce format court, je partageais une histoire avec les gens. Dans la rue, je rencontrais des passants qui me remerciaient de leur donner un peu de courage pour continuer. Ce que j’esssaie de dire, c’est qu’il faut s’efforcer de montrer que le Bien est aussi une aventure. C’est très important. Lorsque quelques djihadistes français meurent en Syrie, tout le monde en parle ! Mais qui parle des initiatives qui émergent dans les banlieues ? Personne n’en parle !

On ne valorise pas ceux qui, au contraire, apaisent la société. Alors forcément, il n’y a pas beaucoup de candidats qui veulent se lancer dans une aventure dont personne ne parle. C’est sûr, c’est un grand combat. Il faut persuader les médias de donner des bonnes nouvelles ou au moins de rééquilibrer.

Je ne vois pas d’autres moyens… Les hommes sont des hommes : nous sommes travaillés par les pulsions de la mort, comme dit Freud, mais nous sommes aussi travaillés par les pulsions du Bien. Il faut favoriser les pulsions du Bien et montrer que nous pouvons en tirer un profit moral. Nous ne sommes pas tous obligés de nous engager dans des associations : les gens peuvent faire individuellement quelque chose, mais il faut qu’ils comprennent qu’ils vont en tirer un bénéfice et que quelqu’un viendra leur dire : « Bravo ! »

Propos recueillis par Franck Guillory et Louise Michel d’Annoville

>> Plus d’informations sur le site du Mur pour la paix (oeuvre de Clara Halter)

 

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