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Nicolas Sarkozy aimerait revenir, oui mais…

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Mercredi, depuis la Haute-Savoie où il était venu décorer l’ancien député Claude Birraux, Nicolas Sarkozy a tenu à s’exprimer devant une dizaine de journalistes. Un entretien qui n’est pas passé inaperçu et au cours duquel il n’a pas hésité à lancer des phrases telles que : « La petite actualité politique, c’est fini, je ne veux plus m’en occuper. La France, c’est autre chose. » Ou encore « Je ne suis pas dans le calcul, j’avais besoin de me ressourcer, de profiter de ma famille, de faire autre chose. C’est très important de laisser les Français réfléchir. Parfois quand les gens réfléchissent, ne se disent-ils pas : il faut quelqu’un au-dessus de la mêlée ? »

JOL Press : « La petite actualité politique, c’est fini, je ne veux plus m’en occuper. La France c’est autre chose. » Mercredi, en Haute-Savoie, Nicolas Sarkozy, s’est clairement positionné en recours. Son retour est-il encore discutable ?
 

Jean-Luc Mano : Le retour d’un homme politique, et de Nicolas Sarkozy en particulier, dépend de deux éléments : sa propre volonté et la conjoncture. Il faut qu’il le veuille et il faut que ce soit possible. Je crois que la question de savoir si c’est possible reste ouverte et indécise, en revanche, la question de savoir si lui le veut devient de moins en moins discutable. Cette visite mercredi et cet entretien avec la presse montrent avec une quasi-certitude qu’il a la volonté de revenir puisqu’il donne même des dates. A un journaliste qui envisage son retour en 2015, il lance : « Peut-être avant ! »

JOL Press : Qu’est-ce qui pourrait aujourd’hui empêcher ce retour ?
 

Jean-Luc Mano : Il y a tout d’abord les affaires judiciaires, les procédures en cours, même si on a vu que son implication dans l’affaire Bettencourt va se terminer dans une bérézina totale pour les gens qui ont voulu l’accabler, comme le juge Jean-Michel Gentil. Et au-delà de ces affaires, il y a l’opinion, celle des Français et celle des membres de sa famille politique. Toutes les conditions ne sont pas aujourd’hui réunies. Que va faire François Fillon ? Comment vont se comporter les adhérents de l’UMP ? Comment le pays réagit-il face à l’éventualité d’un retour ?

La conjoncture est, à ce jour, assez favorable à un retour de Nicolas Sarkozy, mais on a vu aussi que quand il est intervenu à l’UMP au moment du Sarkothon, dans les enquêtes d’opinion, il a perdu six points. C’est quelqu’un qui fédère beaucoup de gens dans son camp, mais qui a un camp adverse extrêmement structuré et fort aussi. Or pour gagner une élection présidentielle, il faut être fort dans son camps et acceptable dans une partie de l’autre. Ce n’est pas encore le cas…

JOL Press : Toutes les querelles internes à l’UMP peuvent-elles lui servir ?
 

Jean-Luc Mano : Le fait que l’UMP n’ait, après la tragi-comédie de l’élection ratée de son président, ni chef, ni ligne politique, ni unité envisageable rapidement, et qu’elle n’ait pas non plus de candidat évident à l’élection présidentielle crée une impression de vide, de trouble, et la dernière séquence sur Fillon et le FN renforce cette impression. Et cette situation aide beaucoup Sarkozy, c’est évident.

JOL Press : Quelles sont les stratégies d’un bon retour en politique ? On pense à Valéry Giscard d’Estaing qui, après son mandat présidentiel, s’est fait élire conseiller général, député, président de conseil général, puis député européen… On imagine mal Nicolas Sarkozy de retour sur les bancs de l’Assemblée…
 

Jean-Luc Mano : Vous avez raison, Sarkozy ne suivra pas le parcours de Giscard d’Estaing, pour plusieurs raisons. Les temps ont changé et les délais ont changé puisque nous sommes dans le quinquennat. Giscard avait devant lui une période de sept ans pour revenir, ce qui était beaucoup plus long. Six à sept ans de réserve, c’est très compliqué à gérer. Aujourd’hui, le pays sort d’une campagne électorale pour entrer dans les municipales et sera engagé, après les municipales, dans les prémices d’une nouvelle élection présidentielle. On est un peu sur le rythme américain, on a des élections intermédiaires, il n’y aurait donc pas d’utilité à faire un tour par l’Assemblée pour Nicolas Sarkozy.

D’autre part, Giscard avait été battu pour plein de raisons dont son manque absolu d’humilité. Il incarnait, aux yeux des gens, le concept de majesté. On n’est pas du tout dans la même logique avec Nicolas Sarkozy. Le redémarrage de Giscard à la base avait été fait dans une volonté de gagner en humilité, de rompre avec le principe monarchique.

Les reproches qui sont faits à Nicolas Sarkozy sont plutôt l’autorité et une forme d’excitation, d’agitation dans la gouvernance. Les points sur lesquels il doit gagner n’ont rien à voir avec ceux de Giscard.

JOL Press : Peut-on imaginer un retour de Nicolas Sarkozy sans l’UMP ? « Il faut quelqu’un au-dessus de la mêlée », déclarait-il mercredi…
 

Jean-Luc Mano : La stratégie de Nicolas Sarkozy est relativement claire. Il pense que l’élection municipale mais surtout l’élection européenne vont faire émerger Marine Le Pen en tête. Une situation qui interdira à la droite de reconquérir le pouvoir, qui éliminera la droite du second tour de l’élection présidentielle. A partir de ce moment-là, il considère qu’il redevient un atout indispensable parce qu’il est effectivement le seul homme qui, à droite – aujourd’hui encore –, peut séduire l’électorat du Front national. Il veut donc revenir pour amoindrir le FN et permettre à la droite d’arriver au 2nd tour. C’est son schéma tactique.

Partant de là, il n’a nullement l’intention de se plier à une primaire UMP. Si les conditions politiques sont réunies pour un retour politique de Nicolas Sarkozy, ses amis et lui organiseront une sorte d’appel populaire, il mettra en œuvre une stratégie qui lui évitera la primaire. C’est pour cette raison que pendant les deux années à venir, il va essayer de faire le vide, de s’imposer et de décrédibiliser les autres candidats et en premier lieu François Fillon qui apparaît comme un rival sérieux.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jean-Luc Mano a été journaliste, puis est devenu parallèlement conseiller en communication. Il a débuté sa carrière à L’Humanité en 1979, puis est passé par TF1 en 1983, dont il est devenu chef du Service politique. Il est aujourd’hui conseiller en communication chez Only Conseil dont il est le co-fondateur et le directeur associé. Il anime un blog sur l’actualité des médias et vient de publier Les Perles des politiques.

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