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«Nyaope», la drogue de synthèse qui fait des ravages en Afrique du Sud

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La nyaope, aussi connue sous le nom de whoonga, est une drogue « de la rue », née dans les black townships, les quartiers noirs de Durban ou de Soweto en Afrique du Sud. Cette drogue vendue à bas prix fait des ravages parmi les populations pauvres sud-africaines.

Cocktail explosif

Cette drogue de synthèse, qui circule depuis quelques années dans le pays et provoque des hallucinations, est extrêmement addictive. Elle serait un mélange de diverses drogues comme l’héroïne, la marijuana et la méthamphétamine, avec d’autres composants toxiques comme la mort aux rats et, selon certains, des antirétroviraux utilisés pour le traitement contre le VIH.

Une version contestée par certains médecins, comme le professeur Thavendran Govender du département de chimie de l’Université du Kwazulu Natal. Après avoir examiné plusieurs échantillons de whoonga, il a remis en question la présence de médicaments antirétroviraux dans cette drogue bon marché, rappelle le site Slate Afrique. Ceux-ci, dont la molécule serait trop « lourde », seraient impossibles à fumer.

Un shoot à 2 dollars

« Je faisais mes études mais j’ai arrêté à cause de la drogue. J’ai abandonné l’école à 14 ans », raconte Thuli, une jeune fille de 16 ans, à la BBC. Complètement accro à cette drogue qui se répand à toute allure dans les quartiers pauvres du pays et fait de nouvelles victimes chaque jour, la jeune fille dit ne voir « aucun avenir ».

À 2 dollars (1,25€) la dose, cette drogue relativement peu chère trouve aisément preneurs. Des jeunes des quartiers pauvres de Soweto, banlieue noire située à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Johannesburg, « se défoncent » régulièrement avec la nyaope. Et les effets sont destructeurs, aussi pour leurs familles qui ne parviennent pas à gérer les crises.

« Quand je suis rentrée chez moi, j’ai enlevé mes boucles d’oreilles et je les ai mises dans mon sac. Le lendemain matin, elles avaient disparu. Il me volait, moi, ma mère, nos voisins », raconte Rose Radebe, la mère d’un ex-toxicomane, à la BBC. « Cette chose détruit les parents, parfois même plus encore que l’enfant, car vous vous dites chaque jour : mais quelle erreur est-ce que j’ai faite ? ».

La drogue de la pauvreté

Un ancien toxicomane de 28 ans, Luthando Bulelani, expliquait ainsi au journal The Atlantic que les toxicomanes feraient tout pour obtenir leur précieuse dose. Violence, viol, vol… Tous les moyens sont bons. « Si nécessaire, ils iront même jusqu’à tuer. Certains jeunes hommes deviendront Rent Boys [escorts gays], voire se tourneront vers la prostitution pour nourrir leur dépendance », détaille-t-il, ajoutant que la nyaope fait désormais partie intégrante de la vie quotidienne de nombreux habitants des townships.

Mais, selon lui, les Sud-Africains noirs ne se tournent par vers les drogues de synthèse bon marché pour la même raison que les jeunes des pays économiquement ravagés comme la Grèce, ou la sisa fait aussi des ravages. « La nyaope fait partie de la culture quotidienne dans les townships. Nous ne sommes pas dans l’austérité, nous sommes dans la pauvreté », explique-t-il.

Le gouvernement tarde à rendre la nyaope illégale

Même si la base de ce cocktail de drogues – l’héroïne – est illégale, la nyaope, elle, ne l’est toujours pas. « On ne peut pas toujours savoir si de l’héroïne se trouve dans un joint de nyaope, ni même ce qu’il y a vraiment dedans, ce qui rend le contrôle d’autant plus difficile », explique Johanna Sehgume, une infirmière et consultante sur la drogue, au journal The Atlantic.

« Vous pouvez arrêter quelqu’un dans l’hypothèse où il pourrait être en train de fumer de l’héroïne, mais vous ne pouvez pas poursuivre quelqu’un qui fume une concoction de substances légales », ajoute-t-elle.

En février dernier, le gouvernement sud-africain avait pourtant déclaré vouloir classer la nyaope dans la catégorie des drogues illégales en ratifiant un amendement sur les drogues. Une décision qui n’a toujours pas vu le jour, malgré les SOS lancés par les services sanitaires et les associations sud-africaines contre la dépendance qui déplorent le manque de moyens et de fonds suffisants pour lutter contre ce fléau.

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