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Redressement économique: ces mythes néfastes qui coulent la France

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« Pour sauver l’emploi, il faut sauver l’industrie », « C’est à l’État de nous sortir du marasme et de préserver la croissance », « Les marchés, c’est la dictature du court terme », « La solution à la crise, c’est plus d’Europe ! » : autant de clichés coriaces qui pourrissent le débat public en France, entretiennent la morosité ambiante et finissent par couler le pays.

Des évidences postiches, des mythes néfastes qu’Augustin Landier et David Thesmar décryptent dans leur livre Dix idées qui coulent la France, d’une plume acérée, dénonçant du même coup les lobbies qui les entretiennent et abordant au passage nombre de questions très concrètes : pourquoi avons-nous peur de la robotisation ? À quoi doit servir un ingénieur à l’heure du numérique ? Pourquoi nos PME peinent-elles à trouver de l’argent ? Pour les auteurs, il est temps d’entrer dans l’ère postindustrielle, d’aller vers une société de services et une économie dématérialisée.

Entretien avec Augustin Landier, professeur à l’Ecole d’économie de Toulouse.

JOL Press : Pourquoi avez-vous eu envie d’écrire ce livre ?

Augustin Landier : Nous sommes frappés de l’omniprésence d’un certain nombre d’idées reçues qui reviennent en boucle dans le discours économique officiel : ces idées sont devenues des poncifs que plus personne ne conteste et elles conduisent à des politiques publiques qui nous semblent dangereuses. Avec ce livre, nous avons voulu fournir une sorte une petite cure de désintoxication contre ces sophismes économiques qui polluent le débat public.

JOL Press : Quel est, selon vous, le principal handicap de la France ?

Augustin Landier : La France a beaucoup d’atouts pour le XXIe siècle : une forte culture scientifique, de bonnes infrastructures matérielles et légales… Mais c’est un pays piégé dans le statu quo : nous mettons trop de temps à rendre notre système de transferts sociaux compatible avec le niveau actuel de la croissance ; nous avons un Etat hypertrophié qui a tendance à agir sans doctrine et à obéir aux lobbies formés par de grandes entreprises qui veulent protéger leurs rentes.

[image:2,s]JOL Press : Les Français sont, selon vous, trop tournés vers le passé et pas assez vers l’avenir. Comment l’expliquez-vous ?
 

Augustin Landier : Les Français sont nostalgiques des Trente Glorieuses : l’après-guerre a constitué une période euphorisante de reconstruction, sous la houlette d’un Etat planificateur. Dès que les choses vont mal, l’envie nous vient de retourner à cette période bénie. Mais nous ne sommes plus dans une situation de rattrapage technologique où il suffit de copier et reconstruire pour croître : l’innovation ne se décrète pas, elle suppose un système fluide d’expérimentation, d’essais et d’erreurs : cela est peu compatible avec l’esprit colbertiste et le culte de la préservation des situations acquises.

JOL Press : « La construction européenne reste plus que jamais la religion officielle du personnel politique ». En quoi cela pose-t-il problème, selon vous ?

Augustin Landier : Cela nous a conduits à des positions quasiment superstitieuses lorsque les pays périphériques se sont trouvés en difficulté : il y a eu une dénégation absurde de ce que la Grèce allait devoir faire défaut, car cela était considéré comme incompatible avec les dogmes. De nombreux hommes politiques continuent à pousser des formes de fédéralisme budgétaire (eurobonds etc.) qui sont irréalistes car les peuples ne veulent ni perdre leur souveraineté budgétaire ni payer pour les autres : en situation de crise, le rêve fédéral n’est plus une utopie utile, mais une contrainte qui empêche d’être pragmatique.  

JOL Press : En quelques mots, quelles seraient les principales priorités pour réformer le pays en profondeur ?

Augustin Landier : Tout d’abord, adopter des croyances économiques plus proches de la réalité ! Les politiques publiques basées sur des théories fausses donnent lieu à un formidable gaspillage. Enfin, il faut faire dans la décennie qui vient ce que préconisent depuis longtemps le FMI ou la Commission européenne pour dynamiser la France : fluidifier le marché du travail, diminuer l’envergure de la dépense publique et donc la pression fiscale, se doter d’un système universitaire qui soit de très haut niveau aussi bien en recherche qu’en formation ; enfin, assumer l’entrée dans l’économie immatérielle : c’est du développement de secteurs comme la santé ou l’éducation, où nous avons un avantage comparatif fort, que viendra la croissance, bien plus que des activités manufacturières.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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