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«Sur le chemin de l’école»: la soif d’apprendre de quatre écoliers

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Pour accéder à l’éducation, les quatre écoliers que Pascal Plisson a suivis pour son film-documentaire Sur le chemin de l’école parcourent chaque jour des dizaines de kilomètres. Jackson, un Kényan de 11 ans, couvre une distance de 11 kilomètres matin et soir pour se rendre à l’école. Zahira, jeune Berbère de 12 ans, traverse pour sa part les plus hauts sommets de l’Atlas marocain. Quant à Samuel, ce sont ses frères qui poussent son fauteuil roulant bricolé pour qu’il puisse aller apprendre à lire dans le village de Periyapattinam, en Inde. Carlos, enfin, traverse à cheval les plaines de Patagonie pour aller en classe. Le cinéaste Pascal Plisson revient sur la genèse du projet.

JOL Press : Comment vous est venue l’idée de raconter l’histoire de ces quatre enfants ?
 

Pascal Plisson : Le projet est né d’une rencontre que j’ai faite dans le nord du Kenya, lorsque j’étais en repérage pour un film animalier. J’ai croisé le chemin de trois jeunes guerriers massaï. Ils n’avaient pas d’armes, mais juste un petit sac en bandoulière. Ils se sont arrêtés et se sont approchés de moi. Le plus jeune d’entre eux devait avoir une dizaine d’années. Ils m’ont expliqué que la sacoche qu’ils portaient était en fait un cartable et qu’ils marchaient depuis une heure et demie pour rejoindre l’école. Ils étaient partis à l’aube, mais il leur restait encore une heure et demie à parcourir. Ils y passaient la semaine et dormaient dans la savane la nuit. C’est cette rencontre improbable qui m’a donné envie de faire un film sur ce thème. Pour eux, mieux vivre passe par l’éducation et le savoir. Pendant une année, tout au long de mes voyages, j’ai donc observé les enfants que je croisais avec leurs uniformes, leurs cartables. 

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JOL Press : Comment avez-vous choisi Jackson, Carlito, Zahira et Samuel ?
 

Pascal Plisson :  Nous avons lancé des enquêtes. Pendant six mois, nous avons activé notre réseau. Avec le producteur, Barthélémy Fougea, nous avons raconté par mail notre projet à des amis et relations aux quatre coins du monde. Séduits par l’idée, ils ont contacté des écoles en Haïti, au Guatemala, en Russie… On s’est retrouvé avec une centaine d’histoires plus belles les unes que les autres. Le Kenya s’est rapidement imposé, car c’est un pays que je connais bien. Puis l’Argentine, le Maroc et l’Inde se sont ensuite greffés au projet car les histoires nous ont profondément marqué. 

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JOL Press : Vous vouliez raconter l’histoire d’un cinquième enfant en Chine. Que s’est-il passé ?
 

Pascal Plisson : Effectivement, nous avions reçu l’histoire très belle d’une jeune fille, dans la province du Sichuan, qui devait grimper des centaines de mètres de dénivelé chaque matin. Quand la Chine a entendu parler de notre projet, les autorités ont fait en sorte de construire une route pour qu’il n’y ait plus de problème sur le chemin de l’école. Chaque fois que nous trouvions une histoire intéressante à raconter dans le pays, les autorités faisaient le nécessaire… Montrer au monde que des enfants risquent chaque jour leur vie pour se rendre à l’école n’était certainement pas bon pour leur image de marque. A défaut de raconter leur histoire, nous avons pu rendre service à certains enfants… 

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JOL Press : Vous avez déjà filmé des jeunes guer­riers massaï dans un autre documentaire. Comment avez-vous travaillé avec ces enfants sur ce tournage ? Cela nécessite-t-il un long travail de préparation? 
 

Pascal Plisson : Nous n’étions que trois personnes sur le tournage : un réalisateur, un chef opérateur ainsi qu’un ingénieur du son. Sur place, des gens nous ont aidé à porter le matériel. Il y a un travail de préparation en amont : j’ai rencontré les enfants, j’ai passé du temps avec leur famille, j’ai dormi chez eux. Nous sommes devenus des copains, des complices. Il ne faut pas oublier que ces enfants n’ont jamais vu une caméra de leur vie… Ils ont donc une relation à la caméra très abstraite. Par choix, nous avons décidé de ne pas leur montrer de rushs pour qu’ils restent le plus naturel possible. La seule chose que je leur ai demandée pendant les douze jours de tournage [ndlr: dans chaque pays], c’est de ne pas regarder la caméra. 

JOL Press : Votre film devrait être diffusé dans les écoles du monde. Pensez-vous qu’il permette une prise de conscience chez les écoliers ?
 

Pascal Plisson : Nous avons fait beaucoup de projections scolaires, pour les CM1, les CM2, et les 6e. Les écoliers sont chaque fois interpellés par ces histoires. Ce n’est pas simplement la dangerosité du chemin, mais la motivation et le risque que les enfants prennent pour aller à l’école qui les frappent. C’est une prise de conscience pour eux.  Pour la plupart, l’école se trouve juste en bas de chez eux… Ils ont été marqués par le fait que ces enfants prennent l’école comme une chance de mieux vivre. Que s’instruire était une chance. 

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JOL Press : Que sont devenus les enfants depuis le tournage ? Etes-vous toujours en contact avec eux ?
 

Pascal Plisson : Nous avons créé un lien très fort. L’aventure continue entre eux et nous. Jackson est d’ailleurs venu à Paris la semaine dernière. Ils rêvait de voler à travers le monde. Nous avons donc décidé de l’aider à réaliser son rêve. Ici, il a découvert un univers qu’il lui était complètement étranger. Quand j’ai rencontré Jackson, il n’avait jamais vu d’eau couler du robinet, il n’avait jamais dormi dans un lit, ou mangé trois fois par jour… Ce sont des enfants qui ont des vies très compliquées. Avec la production, nous avons mis en place un système pour les aider à se rendre l’école. Nous avons trouvé des parrains à Jackson. Nous avons acheté un nouveau fauteuil à Samuel, qui l’a immédiatement désossé pour consolider l’ancien. Nous avons également construit une nouvelle pièce dans la maison de Carlito, en Argentine. 

 

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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