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Visite d’Oradour-sur-Glane: un grand pas pour l’amitié franco-allemande

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Situé à une vingtaine de kilomètres de Limoges, le village d’Oradour-sur-Glane est connu pour avoir conservé les traces du massacre de 642 hommes, femmes et enfants perpétré le 10 juin 1944 par les nazis.

Le président allemand Joachim Gauck, en visite en France, effectue aujourd’hui avec son homologue français François Hollande une visite de ce village martyr classé monument historique en 1946.

Accueillis par Robert Hébras et Marcel Darthout, deux survivants du massacre, les deux présidents marqueront un pas de plus dans l’amitié franco-allemande et la reconnaissance des atrocités commises par les nazis. Entretien avec Richard Jezierski, directeur du Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane.

JOL Press : Vous recevez aujourd’hui la visite du président français et de son homologue allemand. Quelle importance revêt cette visite pour l’histoire des deux pays ?
 

Richard Jezierski : La visite d’État à Oradour-sur-Glane est très forte symboliquement, puisque c’est la reconnaissance par l’Allemagne de ce drame épouvantable. Pour les familles de victimes, c’est quelque chose de très fort. C’est également une avancée extraordinaire pour l’Allemagne qui, je pense, fait son travail de mémoire et avance dans la transmission de cette mémoire collective.

JOL Press : En janvier dernier, un procureur et un commissaire allemands se rendaient à Oradour-sur-Glane dans le cadre d’une enquête pour « crime de guerre » sur le massacre de juin 1944. Où en est cette enquête ?
 

Richard Jezierski : Cette enquête est toujours en cours, mais elle est pratiquement terminée. Nous attendons les conclusions des procureurs de Dortmund en Allemagne afin d’en savoir un peu plus, car il y a eu de nouveaux documents trouvés et ouverts dans les archives.

Pour nous, c’est important d’avoir un nouvel éclairage suite à cette enquête sur ce drame et notamment sur le procès de Bordeaux [ouvert en 1953, ndlr]. Cela va donc permettre de faire avancer l’Histoire. C’était déjà pour nous un acte fort de la part de l’Allemagne, une première main tendue ; cette visite représente maintenant un grand pas historique pour nos deux pays.

JOL Press : Pourquoi est-il nécessaire de poursuivre les criminels de guerre nazis ?
 

Richard Jezierski : Je pense qu’il est avant tout nécessaire de comprendre ce qui a pu se passer, d’avoir un temps et un « arrêt sur image » sur ces massacres, sur les personnes qui ont pu les perpétrer.

Il faut à mon sens, en tant que directeur du Centre de la mémoire et en tant que citoyen, que la Justice se prononce sur ce massacre. Je ne sais pas quelles seront les peines prononcées, mais je pense que beaucoup de gens attendent que lA Justice fasse son travail sur cette question.

JOL Press : Le traumatisme est-il toujours présent dans la région et chez les survivants ?
 

Richard Jezierski : Oui, le traumatisme est encore important, surtout pour les survivants et les rescapés du massacre d’Oradour-sur-Glane, comme Robert Hébras et Jean-Marcel Darthout, mais également chez les descendants des victimes ou chez certains témoins.

JOL Press : Pensez-vous que le massacre d’Oradour-sur-Glane occupe une place suffisamment importante dans la mémoire nationale ?
 

Richard Jezierski : Je pense qu’Oradour est inscrit fortement dans la mémoire collective. Pour preuve : dans les dépêches et les articles de presse, lorsqu’un village est détruit quelque part dans le monde, on dit souvent : « Encore un Oradour ! ».

Et aujourd’hui, si vous posez la question en France, même s’ils ne savent pas situer sur une carte le village d’Oradour, les gens savent à peu près ce qu’il s’est passé. Ensuite, c’est à nous de faire notre travail en matière de transmission de la mémoire, afin que l’on n’oublie pas ce massacre épouvantable.

JOL Press : Comment faites-vous pour transmettre cette mémoire ?
 

Richard Jezierski : Nos principes fondamentaux sont le rappel de ce massacre et de ses 642 victimes. Nous travaillons beaucoup dans le monde éducatif et pédagogique. Nous recevons environ 1200 groupes, 40 000 scolaires et 300 000 visiteurs chaque année. Nous nous intéressons surtout aux générations futures donc nous mettons beaucoup l’accent sur la préparation de la visite, en donnant des outils aux enseignants et un parcours de compréhension pour que les visiteurs soient préparés à ce qu’ils vont découvrir dans le village.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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