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Accord imminent sur la dette US: que se passerait-il en cas d’échec?

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JOL Press : Quelles seraient les conséquences directes d’une impasse des négociations au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette ?
 

Christian Bordes : Le premier problème que cela pourrait créer, c’est un problème de liquidité. Il faut bien voir que les Etats-Unis restent solvables, on sait qu’ils rembourseront leur dette. L’impact concret serait un choc de liquidités, c’est-à-dire que des titres qui arrivent à échéance prochainement ne pourraient être remboursés pour l’instant. Il faut bien distinguer les problèmes de liquidités des problèmes de solvabilité. Le problème ici est plutôt que les créanciers ne soient pas remboursés au moment voulu, au moment où l’Etat américain doit rembourser les titres arrivant à échéance.

Mais face à cette possible situation, les banques centrales ont déjà pris leurs dispositions car elles savent qu’elles seront mises à contribution. Il y a eu concertation entre les banquiers centraux pour répondre à ce choc de liquidité, et activer un certain nombre d’accords qui existent déjà, des accords de swap notamment. Il existe tout un arsenal permettant de faire face à cette situation.

Concrètement, un titre qui arrive à échéance et qui n’est pas remboursé par les Etats-Unis peut malgré tout être déposé en collatéral par son détenteur, qui va obtenir de la liquidité en contrepartie, de la part de la Fed ou d’autres banques centrales. Ce qui peut se passer, malgré tout, avec ce choc de liquidité, c’est une décote des titres. Quand le détenteur du titre le met en collatéral, le risque est que la décote soit plus élevée.

Mais encore une fois, c’est vraiment un problème de liquidité auquel les banques centrales vont répondrent, tout comme les marchés des collatéraux qui vont fonctionner pour apporter des liquidités. Donc ce choc ne devrait pas être un choc majeur à ce niveau-là.

Mais cela ne veut pas dire pour autant que les conséquences seraient négligeables. Le deuxième aspect de la crise aux Etats-Unis est ce que l’on pourrait appeler le choc d’incertitude. Les indicateurs d’incertitude politique qui ont été construits ont une grande importance pour l’évolution de l’activité économique, or ils atteignent des sommets actuellement. Une montée de l’incertitude n’est jamais bonne pour l’activité économique, cela freine l’investissement notamment. Sur les marchés boursiers il est certain que c’est plutôt cette incertitude politique qui peut avoir un impact négatif plutôt que le choc lui même.

Les conséquences macroéconomiques, sur les conditions financières, n’apparaissent pas désastreuses pour les Etats-Unis, pour les raisons que j’ai évoquées, parce que les banques centrales sont prêtes à répondre à ce choc. Mais bien évidemment, plus cela durerait, plus cela deviendrait délicat.

JOL Press : La situation des banques européennes leur permettrait-elle de supporter ce choc de liquidité ?
 

Christian Bordes : Aujourd’hui, les banques européennes sont très liquides, elles ont des réserves excédentaires à la BCE. Et compte tenu de cette très grande liquidité, elles ne courent pas de risque majeur. Celles qui sont peut être un peu moins liquides peuvent être amenées à déposer des titres sur le marché des collatéraux pour obtenir des garanties.

Actuellement, on voit que cette liquidité excédentaire des banques européennes se réduit régulièrement puisque ces dernières remboursent avant l’heure l’argent emprunté dans le cadre des LTRO (ndlr : prêt à long terme en faveur des banques). Avec la persistance de la situation actuelle aux Etats-Unis, la diminution de la liquidité excédentaire pourrait être plus lente. Une banque qui envisageait de rembourser ce qu’elle avait remboursé dans ce cadre ne le fera peut-être pas tout de suite.

In fine, l’état de très grande liquidité des banques européennes est rassurant quant à leur capacité à faire face à d’éventuelles difficultés, et même si certaines avaient besoin de dollars par exemple, avec la réactivation d’accords de swap entre la Fed et la BCE, elles pourraient obtenir des liquidités en dollars de la banque centrale européenne.

JOL Press : Quel peut être l’impact de cette situation sur les devises ? L’hégémonie du dollar comme monnaie internationale peut-elle être remise en cause par cet épisode ?
 

Christian Bordes : A moyen et long terme, le statut du dollar comme monnaie internationale est effectivement concerné. Face à la situation actuelle, une utilisation de plus en plus grande du yuan comme monnaie internationale semble se dessiner. Il y a par exemple un accord qui vient d’être signé entre la BCE et la banque centrale chinoise, justement pour faire face à un éventuel défaut de paiement, et permettre aux deux banques centrales de ne plus passer par le dollar comme elles le faisaient autrefois.

Des accords entre la banque d’Angleterre et la banque centrale chinoise ont également été signés. Ces accords se multiplient et rendent le yuan davantage convertible, ce qui facilite son utilisation comme monnaie internationale. Donc inévitablement, cela peut avoir des conséquences sur le dollar et favoriser encore un peu plus l’orientation vers un système monétaire international multipolaire.

Et bien sûr cela pourrait conduire à court terme à une appréciation de l’euro, avec des effets négatifs sur la croissance européenne.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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