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Affaire Baby Loup: symbole des tensions communautaires

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L’affaire de la crèche Baby Loup, qui a licencié une salariée voilée, connaît un nouvel épisode judiciaire, ce jeudi 17 octobre.

Coup de théâtre : le procureur général ne suit pas la Cour de cassation

Le procureur général de Paris, François Falletti, demandera à ce que l’employée soit déboutée de ses poursuites. Dans les 21 pages de conclusions transmises aux parties, il argumente sur le contexte d’accueil de la petite enfance : ces enfants seraient particulièrement « influençables », du fait à la fois de leur jeune âge et de leurs familles « socialement très fragiles ». Il évoque également le problème de la montée des communautarismes dans la société française pour justifier sa position.

Par ailleurs, il explique que « la liberté de conscience et de religion ne protège pas n’importe quel comportement, pour peu qu’il soit motivé par des considérations d’ordre religieux ou philosophique […]. S’agissant du port du voile, il convient en effet de rappeler ici que les théologiens de l’islam sont divisés sur la question de savoir s’il s’agit d’une prescription religieuse ou d’une pratique individuelle laissée à la libre appréciation des croyants. En cette matière, il n’est donc pas de consensus. »

Fait rarissime, la position du procureur général vient contredire la plus haute juridiction, la Cour de cassation.  Alors que le conseil des prud’hommes et la cour d’appel de Versailles avaient donné raison aux responsables de la crèche, la Cour de cassation s’était en effet rangée du côté de la salariée licenciée estimant que « s’agissant d’une crèche privée », son licenciement « constituait une discrimination en raison des convictions religieuses », et devait être déclaré « nul », le 20 mars dernier. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, s’en était lui-même ému à l’Assemblée nationale, sortant de ses fonctions quelques secondes pour regretter « une mise en cause de la laïcité. »

Le débat politico-judiciaire sur le voile resurgit

En parallèle de l’affaire Baby Loup, l’Observatoire de la laïcité a rendu mardi 15 octobre deux avis pour notamment s’opposer à l’option d’une nouvelle loi sur la laïcité. Les pouvoirs publics devront néanmoins mieux expliquer légalement la laïcité.  Mis en place quelques semaines après l’arrêt de la Cour de cassation, l’Observatoire devait réfléchir sur l’opportunité de légiférer. Par ses deux avis, il s’inscrit dans la volonté d’apaisement souhaitée par le gouvernement en matière de laïcité, souligne Le Monde.

« Un débat législatif dans le climat de tension sociétale qui caractérise notre pays aujourd’hui à la veille d’échéances électorales nous paraît comporter des risques sérieux de dérapage et d’instrumentalisation », a expliqué le président de l’Observatoire Jean-Louis Bianco. Et si le gouvernement décidait de passer outre cet avis, l’organisme lié à Matignon conseille d’éviter de l’utiliser pour répondre à un cas précis comme celui des crèches, et de ne pas se précipiter « afin de permettre un débat serein évitant toute instrumentalisation partisane. »

L’affaire Baby Loup est perçue comme le symbole de la montée des revendications religieuses et du communautarisme de la société. Elle a soulevé moult questions sur le respect de la neutralité religieuse. François Hollande avait même évoqué en mars 2013, au moment où la Cour de cassation rendait son verdict, la possibilité d’une nouvelle loi.  

Une affaire loin d’être close…

Quel que soit le verdict rendu demain, les deux parties pourraient décider de se pourvoir en cassation. Cela obligerait la Cour de cassation à statuer en séance plénière, en présence de ses dix-neuf membres, et non pas seulement ceux de la chambre sociale. L’ampleur nationale de cette affaire justifierait totalement la réunion de cette formation.

Par ailleurs, plusieurs propositions de loi ont été faites depuis 2008 pour tenter de limiter l’expression religieuse. Celle proposée par des députés UMP qui souhaitaient modifier le code du travail « afin de fixer un cadre aux restrictions visant à réglementer le port de signes et les pratiques manifestant une appartenance religieuse » a été rejetée en juin 2013, rappelle le journal Le Monde. Toutefois, en 2012, la sénatrice Laborde avait réussi à faire adopter une loi visant « à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs. » 

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