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Ces fessées que les parents ne pourront plus donner à leurs enfants

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Le tribunal correctionnel de Limoges a condamné, ce vendredi, un père à 500 euros d’amende avec sursis pour avoir administré une fessée « cul nu » à son fils de 9 ans. « Depuis plusieurs jours mon fils ne me disait plus bonjour, je lui ai demandé pourquoi et il m’a répondu qu’il n’en avait pas envie. Je lui ai dit qu’il me devait le respect et oui, je lui ai donné une fessée », a raconté ce père qui se dit victime de « la mode actuelle qui veut qu’on ne corrige pas ses enfants ». Et d’ajouter : « Si on ne peut plus donner une fessée à son enfant sans passer devant le tribunal, je me demande un petit peu ce qu’on va faire avec nos enfants ».

« C’est une violence, doublée d’un acte humiliant pour l’enfant qui, à 9 ans, se retrouve les fesses à l’air pour se faire frapper », a expliqué, pour sa part, la présidente Estelle Lamotte-Genet. « Heureusement nous n’en sommes plus au temps où parents et éducateurs infligeaient des punitions physiques. C’est un temps révolu », a commenté le vice-procureur Jean-Paul Lescat.

Mais qu’en est-il ? Cette décision va-t-elle se généraliser ? L’article 19 de la Convention des droits de l’enfant dispose que les états prennent  « toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toutes formes de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. »

Pour l’ancienne députée UMP et célèbre pédiatre Edwige Antier, la France qui a signé cette Convention des droits de l’enfant, va donc, à terme, être obligée de légiférer sur le sujet. A l’origine d’une proposition de loi visant à interdire les châtiments corporels, elle nous explique pourquoi la France « à la traîne » de nombreux pays européens.

JOL Press : Faut-il interdire tout châtiment corporel sur l’enfant ?

Edwige Antier : Absolument. Il faut surtout abolir définitivement tout châtiment corporel sur l’enfant, afin que cette pratique ne fasse plus partie du registre de l’éducation.

JOL Press : Aujourd’hui, 22 pays européens sur 28 interdisent tout châtiment corporel pour les enfants. La France va-t-elle être obligée de faire comme ses voisins ?

Edwige Antier : La France a ratifié la Convention Internationale des droits de l’enfant, elle doit s’y conformer. Elle est en ce moment l’objet d’une réclamation par l’ONG APPROACH qui a été jugée recevable par le Conseil de l’Europe.

JOL Press : La fessée ne peut-elle pas être éducative si elle n’est ni violente, ni humiliante ?

Edwige Antier : Par définition, une fessée est une frappe sur les fesses, c’est une humiliation. Les gestes violents, de la petite tape, aux coups de ceinture, ne sont jamais éducatifs. Toutes les études, comme mon expérience de pédiatre de deux générations d’enfants, montrent que la main levée rend sournois, agressif, en baisse d’estime de soi et aggrave l’échec scolaire. En aucune façon elle ne donne respect et autorité, elle endurcit et rend, soit passif, soit rebelle. Comment faire pour mettre des limites? J’ai écrit un livre, L’autorité sans fessées qui donne les principes simples d’une éducation non-violente.

JOL Press : Est-ce à la justice de régler ce genre de problèmes domestiques ?

Edwige Antier : Le cas de cet enfant est exemplaire : il a pu dire ce qui s’est passé parce qu’il a 9 ans, et parce que sa mère, et le juge, l’ont entendu. Mais combien d’enfants, parce qu’ils sont trop petits, ou surtout parce qu’ils ont peur des représailles, parce qu’on ne les écoute pas – cela dérange – choisissent de se taire sur ce qui se passe dans le huis-clos avec leurs parents ? Nous, pédiatres et spécialistes de l’enfance, les entendons. Mais ils nous disent : « Il ne faut pas le répéter, sinon, ce sera pire ». Seule une loi, connue de tous, permettra à ces pratiques de ne plus avoir de prétexte éducatif.

JOL Press : Quelles limites imposer aux parents ? Certaines paroles peuvent-être bien plus humiliantes que certaines tapes d’avertissement…

Edwige Antier : Oui, c’est pourquoi j’ai déposé aussi, en tant que députée, le 18 novembre 2010, une deuxième proposition de loi visant à abolir toutes formes de violences physiques et psychologiques infligées aux enfants, sur le modèle de celles faites aux femmes.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Pédiatre, diplômée en psychopathologie de l’enfant, Edwige Antier est l’auteur de nombreux ouvrages à succès publiés aux Editions Robert Laffont, dont J’aide mon enfant à se concentrer, J’aide mon enfant à s’épanouir. L’Enfant de l’autre, Eloge des mères et Le Courage des femmes. Sa fonction de députée à l’Assemblée nationale l’a conduite à proposer, en 2010, une loi visant à abolir les châtiments corporels.

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