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«Cher François»… Lettre d’un entrepreneur au président

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Oui, on peut être un employé aux revenus modestes et voter à droite ; oui, on peut être un entrepreneur à succès ou en échec et voter à gauche. 

Reste à comprendre pour les citoyens de quelle gauche on parle, et pour la gauche de quel projet de société on rêve. Dans le fond, c’est plus la question essentielle de la confiance que chacun place dans le politique et dans sa capacité à affronter les problèmes. 

Mais en France aujourd’hui le politique ne sait pas traiter l’économique, il agite les bras, puis les baisse, à droite comme à gauche. Comme un volatile.

Extraits de La gauche a mal à son entreprise d’Olivier Mathiot (Plon – septembre 2013)

« Cher François,

« Je me permets le tutoiement car nous sommes des camarades : nous avons fait la même école et notre tradition autorise la fraternisation. En outre, c’est aussi la coutume entre camarades de gauche !

« Je me suis toujours demandé pourquoi tu n’assumais pas ton diplôme de l’Ecole des hautes études commerciales (HEC)… C’est pourtant censé être une formidable formation en temps de crise économique. Aujourd’hui, les sondages te positionnent si bas qu’on soupçonne un délit d’incompétence ! C’est historiquement grave.

[image:2,s]« Ce point de détail d’un cursus “capitaliste” non avoué, couplé à tes effets de manche sur le refrain de “je n’aime pas les riches”, est révélateur de ton emprisonnement actuel… dont je perçois que tu commences à t’évader. C’est dans le fond le propos de ce livre : je voudrais te proposer une façon de sortir par le haut de ces stratégies électoralistes, tellement populistes à force de vouloir ménager des soi-disant alliés… Nous essayons de sauver une vision de l’Etat-providence dont la version actuelle est en train de détruire la marque France de l’intérieur et sur la scène internationale. C’est MAINTENANT que ça se passe… Je faisais partie des entrepreneurs qui se sont joints au travail des Assises de l’entrepreneuriat entre janvier et avril 2013, à l’initiative de cette ministre emblématique qu’est Fleur Pellerin.

« Le discours de clôture que tu as prononcé a été une belle démonstration de réconciliation avec l’entreprise et les entrepreneurs. Et j’ai fait partie de ceux qui ont participé à la standing ovation. Nous avons été nombreux à y voir un tournant économique majeur dans la politique du PS. J’ai trouvé très courageux de prendre la parole lors d’un moment symbolique (le 29 avril) qui précède les incontournables manifestations du 1er mai. En cela, le gouvernement a eu l’audace de refuser publiquement le clivage fatigant patrons/employés. En cela, tu t’exposais à la critique de la gauche de ta gauche, mélenchonesque, marxiste ou trotskiste.

« Alors NON, il n’est pas trop tard, mais il est grand temps que tu confirmes ce réveil et que, de patron du PS, tu deviennes président de la République. Notre pays a des caractéristiques, toutes ne sont pas des forces (on l’aura vu dans cet ouvrage !), mais, sur le plan économique, il y en a au moins deux dont j’ai la conviction qu’on ne pourra pas les remettre en cause tellement elles sont mêlées à notre ADN. La première, c’est un Etat fort et interventionniste où la place du politique est importante. De la conversation de troquet au plateau des chaînes de télé, le politique et le rôle de l’Etat sont au centre, et ce depuis au moins deux cents ans. La seconde caractéristique, c’est notre façon de traiter l’exception culturelle, au sens large : la volonté française de préserver un territoire non marchand en dehors de la sphère capitalistique, de résister, de lutter contre la privatisation à tout-va. Donc mes recommandations ne sauraient remettre en cause ces deux points. Je tiens juste à attirer ton attention sur le fait qu’ils ne sont ni d’un bord ni de l’autre. Pour autant, reconnais que ce sont plutôt des idées ancrées à gauche. Ainsi le terrain est-il propice pour que le politique conserve ou reprenne l’initiative face à l’abandonnisme ambiant…

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Olivier Mathiot est co-fondateur de PriceMinister, désormais filiale française du groupe japonais Rakuten, et un des porte-parole du mouvement des « Pigeons ». Il est également un business angel et co-rédacteur du Manifeste des entrepreneurs pour un appel à concertation immédiate  qui a recueilli plus de 3 000 signatures adressées à François Hollande.

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