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CMU: les failles d’un progrès social

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La santé n’a pas de prix. En revanche, elle a un coût. Explosion des dépenses de santé, gaspillages absurdes, lobby des labos, dégradation de la médecine libérale, hôpital public en détresse, inadéquation des politiques de santé… Le système de santé français, réputé dans le monde entier, est victime de son succès.

D’un côté, la médecine à cent vitesses voit les déserts médicaux avancer et le coût des mutuelles grimper, incitant les patients à se tourner de plus en plus vers les urgences des hôpitaux ou à renoncer à se soigner. De l’autre, les marchands de santé, au premier rang desquels les firmes pharmaceutiques acoquinées au pouvoir politique, génèrent toujours plus de profits. Le pays s’enlise et aucune réforme ne parvient à endiguer la lente dégradation qui ronge notre modèle social. Au plus près des failles de ce système, ce livre tire le signal d’alarme. France, attention danger, ton système de santé te tue.<!–jolstore–>

Extraits de Santé, le grand fiasco, de Véronique Vasseur et Clémence Thévenot (Flammarion – 25 septembre 2013)

Une CMU complémentaire (CMU-C[1]), sorte de mutuelle financée par la Sécu, est attribuée pour les très bas revenus, ceux situés en dessous de 647 euros mensuels.

Dispositif intéressant pour contrer le phénomène du renoncement aux soins, la CMU-C concerne 4,5 millions de personnes, principalement des jeunes, d’origine sociale modeste, chez qui le chômage et l’inactivité sont fortement présents. Beaucoup ont un parcours de vie accidenté et un état de santé dégradé. Ce sont les soins engagés pour eux qui pèsent le plus dans la dépense des organismes gestionnaires. Les bénéficiaires de la CMU ont des dépenses de soins supérieures à celles des personnes non couvertes, malgré une structure d’âge plus jeune.

[image:2,s]Pour cette population à risque consultant tardivement, les soins sont plus importants, et, par conséquent, la facture plus salée. Ces dispositifs solidaires sont budgétivores et leurs bénéficiaires souvent considérés comme de gros consommateurs de soins. Pourtant, ils consomment ni plus ni moins que les assurés sociaux bénéficiant d’une complémentaire (qui, eux-mêmes, consomment plus que ceux qui n’en ont pas). Si la surconsommation est plutôt démontrée, elle est aussi largement justifiée par rapport à l’état de santé des personnes bénéficiaires de la CMU.

Ce qui choque, voire agace le corps médical, c’est le réflexe « culturel » de certains bénéficiaires de la CMU ou de tout consommateur de soins quand la prise en charge atteint 100 %. Les anecdotes des médecins sont fréquentes à ce sujet. Un praticien travaillant en banlieue explique, par exemple, que « beaucoup de patients qui ont la CMU ne se déplacent pas au cabinet parce qu’ils savent que les visites à domiciles sont remboursées. On ressent que certains profitent du système ». Autre incohérence, les seuils d’attribution excessivement bas laissent de côté des pans entiers de la population, obligés de se soigner avec difficulté. Le seuil couperet de 7 934 euros par an pour une personne seule pour bénéficier de la CMU-C oblige les patients un peu moins pauvres, qui rencontrent cependant les mêmes problèmes de santé, à assumer eux-mêmes l’augmentation des tickets modérateurs et forfaits.

Lorsque vous gagnez péniblement 1 606 euros chaque mois (salaire moyen des Français en 2012[2]), vous n’avez pas la CMU mais pas non plus les moyens de prendre une mutuelle. La difficulté d’accès à la santé touche donc, désormais, les classes moyennes.

Édith[3], 54 ans, fait partie de ces 4 millions de Français qui ont dû renoncer aux soins mal remboursés. Au premier rang desquels les soins dentaires et ophtalmologiques. « J’arrive à gagner 1100 euros par mois. Je suis tombée un jour dans les escaliers du métro et me suis cassé le poignet et plusieurs dents, dont deux devant. Pour le poignet, l’hôpital m’a prise en charge mais, pour mes dents, il a fallu que mes enfants m’aident un peu et que je contracte un prêt de plus de 1 000 euros.»

Pour ces personnes nécessitant des soins mais ayant du mal à financer leurs dépenses de santé, le processus est mal fait : « À 200 euros près, vous êtes éjecté du système. Les gens préfèrent moins gagner pour obtenir la CMU », poursuit Édith.

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Dr Véronique Vasseur, médecin à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, a publié Médecin-chef à la prison de la Santé en 2000, grand succès de librairie. Clémence Thévenot est journaliste, ancienne rédactrice en chef du magazine Culture Droit.

[1] La CMU-C offre la prise en charge de la part complémentaire des soins remboursables par l’assurance maladie, à hauteur de 100 % des tarifs maximum fixés par l’assurance maladie.

[2] Insee, « Emploi et salaires », édition 2012.

[3] Le prénom a été changé

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