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Comment est né le microcrédit?

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Le microcrédit moderne est une des innovations majeures du XXe siècle dans la lutte contre la pauvreté. À travers des prêts d’un montant très faible, les institutions de microcrédit permettent à certaines personnes défavorisées de se lancer dans une activité commerciale ou artisanale (la plupart du temps), et d’obtenir ainsi un moyen d’améliorer sensiblement leur niveau de vie. Il s’agit également d’offir une alternative aux usuriers.

La microfinance décrit pour sa part l’ensemble des services financiers destinés aux populations défavorisées : microcrédit, micro-assurance, épargne, transfert d’argent….

Un système loin d’être né dans les années 80

Si Muhammad Yunus et sa Grameen Bank lui ont permis de connaître un essor considérable dans les années 80, le microcrédit est une histoire très ancienne. Pendant des siècles il s’est développé de manière plus ou moins informelle, avant d’être « modernisé »au Bangladesh.

Cette forme de prêt serait née en Inde il y a 3 000 ans, principalement sous forme de crédit rotatif. Selon son principe, des groupes d’individus organisent des cycles d’épargne et de prêt. Tous les membres du groupe alimentent alors un fonds de manière égale. L’épargne mise en commun permet de financer le crédit rotatif, dont les membres pourront bénéficier à tour de rôle. Ce système s’est poursuivi et existe depuis des siècles aux quatre coins du monde.

Plusieurs formes de microcrédit sont apparues ensuite, et notamment en Europe, où deux épisodes ont particulièrement influencé la microfinance.

Jonathan Swift, suite aux grandes famines que connaît l’Irlande, met en place au XVIIIe siècle un système de microprêts dans le pays, pour soutenir jusqu’à 20 % des familles. L’écrivain irlandais est certainement le premier prêteur de petits montants aux populations pauvres, aux artisans principalement.

Un épisode majeur se produit également en Allemagne au siècle suivant. Friedrich Raiffeisen, au milieu du XIXe siècle, met en place un système d’épargne coopérative à destination des plus pauvres. Il s’agissait pour lui d’offrir une alternative aux usuriers, dont les plus pauvres étaient dépendants. Son initiative a abouti à la création de la première société coopérative de crédit mutuel.

Des systèmes similaires ont ensuite été créés dans les autres pays européens, en Amérique du Nord, en Amérique Latine et en Asie.

L’initiative de Muhammad Yunus : la Grameen Bank

Muhammad Yunus est parvenu à mettre en place une des plus belles et importantes innovations du XXe siècle. Son parcours passionnant est notamment relaté dans l’ouvrage 80 Hommes pour changer le monde, de Sylvain Darnil et Mathieu Le Roux.

Yunus naît en 1940, dans une famille de neuf enfants. Son talent lui permet d’aller étudier aux Etats-Unis où il passera son doctorat sur le thème « L’économie et le développement », et enseignera l’économie à l’université du Colorado. Après sept années passées aux Etats-Unis, en 1971, il décide de revenir au Bangladesh pour enseigner l’économie à l’Université de Chittagong (1971 est également l’année de « création » du Bangladesh).

L’élément qui changea le destin de Muhammed Yunus fut véritablement la famine que connut le pays en 1974. Suite à une augmentation du prix des denrées alimentaires, une terrible famine s’abat sur le pays, plus d’un million de personnes meurent de faim. À ce sujet, il déclara, comme le relate 80 Hommes pour changer le monde : « Les gens mouraient de faim dans la rue et moi je continuais à enseigner d’élégantes théories économiques sans aucune prise avec la réalité. J’ai commencé à comprendre qu’il était très arrogant de prétendre avoir des réponses en restant dans une salle de classe et j’ai commencé à étudier sur le terrain. »

A partir de là, sa vision a véritablement changé. Il se rend régulièrement au village de Jobra, près de l’université où il enseigne, pour en apprendre plus sur le mode de vie des habitants. Un fait décisif le frappe alors. De nombreuses personnes, des femmes principalement, ne peuvent avoir accès aux circuits bancaires classiques et doivent emprunter de l’argent auprès d’usuriers à des taux exorbitants.

Elle obtiennent de petites sommes d’argent pour acheter des produits qu’elles revendent ensuite, mais la plus grande partie des gains réalisés est engloutie par les intérêts à payer. Les taux des usuriers les privent de toute possibilité d’améliorer leur situation.

Il tente alors de convaincre les banques traditionnelles de prêter aux plus pauvres en mettant en place un système de solidarité pour réduire les risques de non-remboursement. Ce mécanisme de solidarité passant par la constitution de groupes de bénéficiaires de microcrédits (4 ou 5 personnes), dont les membres s’engagent à s’aider mutuellement à rembourser en cas de difficulté.

Devant le refus des banques, il décide de fonder son propre établissement, la Grameen Bank (littéralement « la banque du village »), en 1978. C’est un succès immédiat, le taux de remboursement des prêts accordés par la Grameen Bank étant même supérieur à celui des banques classiques. La banque s’étend rapidement sur tout le pays. C’est la naissance du microcrédit moderne et d’un modèle qui sera reproduit sur tous les continents par le suite. 

Muhammad Yunus , le « banquier des pauvres » obtiendra le prix Nobel de la paix en 2006.

 

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