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David Maquis-art: «Nous sommes à un tournant du street art»

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JOL Press : Le street art suscite un intérêt croissant en France. Peut-on parler d’un phénomène nouveau ? 
 

David Maquis-art : Le graffiti est né dans les années 70 à New York.  On en parle beaucoup en ce moment avec l’engouement qui s’est créé autour de la Tour Paris 13 [ndlr: un édifice qui accueille 105 artistes-graffeurs de plusieurs nationalités dans le 13e arrondissment] : c’est la première fois qu’un lieu comme celui-ci est ouvert au public. Mais l’art urbain n’est pas un phénomène nouveau en France. En 2009, la Fondation Cartier a consacré au street art une exposition baptisée « Né dans la rue » ; le Grand Palais également, avec une exposition sur le graffiti.

JOL Press : Selon vous, c’est le caractère éphémère du street art qui lui confère toute son originalité ?
 

David Maquis-art : Au départ, le graffiti était un moyen de promouvoir son nom illégalement. L’art de rue a toujours été éphémère et cela n’a jamais dérangé les acteurs du graffiti : c’est un jeu, celui de se montrer le plus possible, et ce pas forcément de manière légale.

JOL Press : Le street art : un art légal ou toléré ?
 

David Maquis-art : La législation concernant l’art urbain est stricte. Cet art est répréhensible par la loi selon les articles L322-1 et 322-3 du code pénal. Les graffeurs qui agissent en bande organisée risquent une peine pouvant s’élever à cinq ans d’emprisonnement et écoper d’une amende s’élevant jusqu’à 500 000 euros. Cette année plusieurs artistes graffeurs ont été condamnés à de lourdes amendes ainsi qu’à de la prison ferme, bien que les avocats se basent sur l’acte artistique du street art pour défendre tant bien que mal leurs clients.<!–jolstore–>

Depuis deux, trois ans, nous sommes cependant à un tournant du street art : le graffiti a une valeur commerciale. Une œuvre de Banksy peut, par exemple, se vendre autour d’un million d’euros. Nous sommes donc face à une ambigueté : le graffiti est considéré comme une œuvre qui a une valeur sur le marché de l’art, mais il est dans le même temps condamné par loi…

JOL Press : Y-a-t-il assez d’espaces en France pour que les artistes graffeurs expriment leur art ?
 

David Maquis-art : Je dirais même que la France et l’Angleterre sont en avance par rapport aux Etats-Unis. Il y a des espaces où le graffiti est toléré, comme la Tour Paris 13, ou encore aux Bains Douches, où le même concept avait été expérimenté. Ce genre d’endroits abandonnés a toujours existé, les artistes se sont toujours emparés de ces lieux dédiés à l’expression artistique. La Galerie Itinerrance – à l’origine du projet de la Tour 13 – a ouvert ces lieux avec la mairie du 13e.

JOL Press : Au-delà du 13e arrondissement, peut-on imaginer que d’autres mairies ouvrent davantage d’espaces aux artistes ?
 

David Maquis-art : C’est assez compliqué pour les mairies… Car cela demande un travail d’encadrement important. Regardez par exemple ce qu’il s’est passé rue des Pyrénées : la RATP a laissé son entrepôt de bus – plus d’un kilomètre de murs – pour que les artistes puissent s’exprimer : certains graffeurs savent que c’est un lieu de passage et que leurs œuvres risquent d’être effacées, ils vont donc déborder sur le mur d’à côté pour laisser une trace. Pour la municipalité, c’est donc difficile de savoir si c’est une bonne intervention.

JOL Press : N’est-ce pas contradictoire que cet art urbain soit commercialisé et que les œuvres se retrouvent dans les galeries, alors que, par essence, il est né dans la rue et devrait appartenir à tous ?
 

David Marquis-art : Pourquoi les artistes passionnés ne pourraient-ils pas vivre de leur art ? Tout travail mérite un salaire. Au départ, il s’agissait d’adolescents qui réalisaient des graffitis pour exister par rapport à d’autres ados passionnés comme eux. Aujourd’hui, une infime partie arrive à vivre de leur art. Il est important de rappeler que la majorité des gens qui achètent les œuvres ont été bercés par l’art de rue.

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