Site icon La Revue Internationale

Déroute des islamistes d’Ennahda: l’avis des Tunisiens

[image:1,l]

Après plusieurs attaques meurtrières en quelques jours, les Tunisiens sont descendus une nouvelle fois dans la rue, lundi 28 octobre. Les manifestants réclament du gouvernement des actions fortes contre le terrorisme.

« Nous appelons le gouvernement à une politique claire de lutte contre le terrorisme. Nous constatons un manque de sérieux du gouvernement pour lutter contre ce fléau », a indiqué un porte-parole du Syndicat national des forces de sécurité (SNFSI), au cours de cette manifestation.

Face aux attaques, le peuple réclame plus que jamais le départ des islamistes

Alors que la démission du gouvernement islamiste actuel était attendue avant la fin du mois, en accord avec la feuille de route signée quelques jours plus tôt avec les partis d’opposition, le Premier ministre Ali Larayedh tarde à annoncer ce départ, freinant ainsi le processus de déblocage de la situation politique.

En écho à la manifestation des habitants de Tunis, et à l’attente de la démission du gouvernement, les blogueurs tunisiens s’élèvent également contre l’instabilité politique, qu’ils confrontent à un gouvernement jugé incapable de venir à bout des missions qui lui ont été confiées.

« Les nouvelles attaques  perpétrées en quelques jours ont accentué le ras le bol de la population qui s’est largement exprimée dans les médias pour dire sa peine », juge  Tawa fi Tunis sur Slate Afrique. « Les Tunisiens semblent très affectés par le climat de violence et par la division qui sont en train de se mettre en place dans le pays et appellent à les rejeter, tout en rejetant la faute sur le parti Ennahdha et le gouvernement. »

Les Tunisiens « souffrent le martyr »

Dabadi Zoumbara, blogueur sur Le Pays, estime, dans un article relayé par Slate Afrique, que « le peuple tunisien continue de souffrir le martyre. Les islamistes d’Ennahda qui ont pris le pouvoir après la chute de l’ex-président, Ben Ali, continuent de briller par leur incapacité à répondre aux véritables attentes des Tunisiens. »

Selon lui, les gouvernements qui ont dirigé la Tunisie jusqu’à aujourd’hui n’ont fait que nuire à l’héritage de la Révolution de Jasmin. Le peuple a des revendications, mais le gouvernement ne semble pas vouloir y répondre.

« En vérité, les Tunisiens sont déçus d’Ennahda qui tient les rênes du pouvoir. Car jusque-là, ce parti n’a pu leur apporter ni la liberté ni la sécurité, encore moins la prospérité économique pour lesquels ils ont consenti d’énormes sacrifices », explique Dabadi Zoumbara. « Les Tunisiens ont le sentiment d’avoir été trahis par les islamistes qui, au lieu d’œuvrer à l’atteinte des objectifs de la révolution, ont favorisé, sinon instauré un climat d’insécurité jamais vécu en Tunisie. »

Le gouvernement suscite la raillerie

Incapable de relancer l’économie, de relever le pays de sa révolution et de mettre un frein à l’accélération du terrorisme, le gouvernement d’Ali Larayedh est également parfois tourné en ridicule.

« Voici la phrase clef que tous les Tunisiens devront méditer pendant plusieurs jours pour comprendre ce que voulait dire leur président du gouvernement, faute de ne pas pouvoir comprendre  ce qu’il venait de dire », écrit ainsi Salah Ben Omrane sur Le milieu autorisé.

Citant le Premier ministre lors d’une allocution, Salah Ben Omrane écrit : « Nous, en tant que gouvernement, nous renouvelons notre promesse avec le principe d’abandon, ou du principe d’abandon du gouvernement, dans le cadre d’un engagement et d’une complémentarité des différentes étapes qui ont été fixées par la feuille de route  et ceci est la marche pour la réussite du dialogue national qui évite au pays le vide et le flou. »

« Avec une telle phrase, si énigmatique, incompréhensible, pour éviter le flou au pays, c’est réussi ! On est encore un peu plus dedans », conclut Salah Ben Omrane.

Les islamistes n’étaient pas prêts au pouvoir

« Mais pouvait-on s’attendre à mieux de leur part ? », c’est la question que pose Dabadi Zoumbara. Qui répond : « Assurément, non. »

Ce « fiasco » était, selon ce blogueur prévisible pour plusieurs raisons. « La vision théocratique d’Ennahda ne pouvait prospérer dans un Etat où beaucoup de citoyens luttent pour la laïcité et le modernisme. En outre, les islamistes n’étaient pas préparés à exercer le pouvoir d’Etat. »

Selon lui, c’est uniquement parce qu’ils ont agi dans le domaine social depuis plusieurs années que les islamistes d’Ennahda ont assis leur base électorale et se sont assuré le pouvoir. Cependant, « entre la gestion du social et celle du pouvoir d’Etat, il y a un fossé abyssal. Chose que les islamistes de la Tunisie semblent n’avoir pas comprise », juge Dabadi Zoumbara.

On se demande finalement à quoi aura servi la révolution tunisienne si ce n’est à réveiller les consciences, sans plus. Un résultat naturellement insuffisant pour bon nombre de Tunisiens

Le fond du problème : la volonté d’un régime démocratique

Un régime théocratique : les islamistes d’Ennahda semblent le souhaiter tandis que les Tunisiens, citoyens de la capitale, semblent plus que jamais attachés à la laïcité. Les Tunisiens ne sont pas les seuls à vivre cette transition, comme l’explique Dabadi Zoumbara.

« Que ce soit la Libye, l’Egypte ou la Tunisie, pionnière de la Révolution arabe, aucun de ces pays n’a réussi à amorcer un véritable décollage démocratique et social. Le dénominateur commun à tous ces échecs est sans nul doute la nature théocratique du pouvoir que chacun a voulu mettre en place. »

« Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est temps pour les islamistes de se remettre en cause et de faire leur mue au risque de sombrer complètement », peut-on encore lire sur Le Pays. « Il faut qu’ils sachent que le temps des pouvoirs basés sur la religion telle qu’ils le souhaitent est révolu. Tous les peuples aspirent au changement et à la liberté et ce serait une grosse erreur pour des dirigeants de ce XXIe siècle qui s’aviseraient de ramer à contre-courant de cette légitime volonté. »

Quitter la version mobile