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Diables rouges: les Belges rassemblés sous le même drapeau

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En battant la Croatie deux buts à un, le 11 octobre dernier, les joueurs de l’équipe de Belgique de football ont ressuscité un sentiment national. Plusieurs centaines de supporters belges se sont rassemblés sur la Grand Place de Bruxelles pour célébrer la qualification de leurs Diables rouges absents de la Coupe du Monde depuis 2002. Le pouvoir rassembleur du foot pourrait-t-il surpasser les querelles linguistiques et garantir l’unité de la Belgique ? 

Les Diables rouges, équipe de réunification ?

 « Depuis que les Diables gagnent les matches, depuis deux ans maintenant,  un sentiment d’appartenance se développe en Belgique. Les drapeaux régionaux qui étaient auparavant accrochés au bord des fenêtres ont été remplacés par le drapeau national. Les tensions entre communautés au cours des matchs ou autres événements sportifs se sont également progressivement effacés », explique Placide Mugenzi, étudiant en économie à Bruxelles, et grand amateur de football.

 « De plus en plus des personnes portent le maillot de l’équipe, ce qui était assez rare jusqu’à il y a quatre ans. » Pour lui,  les Diables rouges ont accentué la fierté d’être Belge. L’extrême rapidité avec laquelle s’écoulent les billets traduit l’ampleur du phénomène qui s’est créé autour de l’équipe nationale : « Les tickets des matchs partent en quelques minutes, plus vite que ceux des concerts de Madonna! », lance l’étudiant.

Lucie Godeau, également étudiante à Bruxelles, reconnaît le pouvoir fédérateur du foot, mais reste sceptique quant à une possible unité belge sur le long terme :  « C’est bien connu, le football rassemble, mais c’est un phénomène éphémère… Cela ne permet pas de résoudre les problèmes… Seulement de les oublier quelque temps. » Avis partagé par Alain Servaes, journaliste à Ramilies, une commune située en région wallonne : « Ce sentiment national va s’estomper après le Mondial de foot. Il y aura toujours des tensions entre néerlandophones et francophones en Belgique, en tout cas du point de vue politique », estime-t-il.

«Pas de recette miracle»

Pour Hugo Rodriguez, doctorant en Musicologie à Bruxelles, le football n’est pas « une recette miracle »  qui réconciliera Flamands et Wallons tout d’un coup et pour toujours: « les sentiments d’appartenance nationale sont des phénomènes qui évoluent sur un temps long » explique-t-il. 

Pour lui, la victoire des Diables Rouges, comme le succès du chanteur Stromae, l’arrivée du Roi Phillipe, ou le prix Nobel de François Englert, ont un écho positif sur la société belge, mais ne sont pas suffisants pour garantir la cohésion du pays: «  ils doivent être accompagnés d’une certaine stabilité politique et socio-économique, sans quoi ils sont vite perçus comme des illusions trompeuses ».

L’équipe revendique l’unité de la Belgique

Au sein des « Diables », comme on les surnomme,  joueurs et entraîneur revendiquent l’unité du plat pays. « Il y a des politiciens qui veulent diviser le pays. Nous, grâce au sport, on essaie de le rassembler », a ainsi déclaré l’entraîneur, Marc Wilmots, en octobre dernier. D’un père flamand et d’une mère Wallonne, l’ancien joueur déclare : « C’est notre message et j’en ai parlé avec les joueurs : il faut tenir ce pays uni », rapporte L’Express.

Les Diables rouges, qui étaient arrivés jusqu’en demi-finale à Mexico en 1986, rassemblent de nombreux jeunes talents issus de prestigieux clubs européens : des Flamands, des Wallons, des joueurs d’origine maghrébine et congolaise. Une équipe qui incarne la diversité culturelle du royaume : « Notre équipe ne ment pas, elle transpire de vérité. Il y a une multiculture chez nous, 85 % de nos joueurs sont parfaitement bilingues voire trilingues (…) », poursuit le sélectionneur.

Même discours chez le capitaine de l’équipe, Vincent Kompany, qui a récemment posté sur son compte Twitter : « La Belgique est à chacun, mais ce soir elle est avant tout à nous. Je suis fier de mon pays », en référence à la déclaration du président du parti indépendantiste flamand, la N-VA, Bart de Wever : « La ville est à chacun, mais ce soir elle est avant tout à nous », après avoir été élu bourgmestre d’Anvers.

Des élections législatives décisives 

Les résultats des Diables rouges au Brésil pourraient donc influer sur la situation politique du pays, notamment lors élections législatives belges qui se dérouleront en mai 2014, soit deux semaines avant le coup d’envoi du Mondial. Le Premier ministre Elio Di Rupo membre du Parti Socialiste (PS) surfe sur ce vent d’unité qui pourrait en revanche fragiliser l’Alliance néo-flamande (N-VA) – le parti le plus populaire de Flandre selon un récent sondage avec 27,9 % – qui comptait bien remporter ce scrutin législatif. 

Mais pour l’instant, l’heure est à la fête en Belgique. Les images des Wallons et des Flamands unis, portant les couleurs de la Belgique feraient presque oublier les souvenirs de la crise politique de 2010, lorsque les deux communautés avaient mis 541 jours à former un gouvernement.

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