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Echec du front républicain: quelle stratégie les partis doivent-ils adopter?

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Thierry Mandon, porte-parole du groupe PS à l’Assemblée, estimait, au lendemain de la victoire FN à la cantonale de Brignoles, que le Front républicain ne marchait plus. « Ça ne marche pas d’abord parce que les électeurs sont des adultes et n’aiment pas les consignes de vote », et « parce que la droite passe son temps à expliquer que le Front national, c’est moins pire qu’un socialiste sectaire », a-t-il ajouté en allusion à François Fillon. « On a des progrès à faire », a conclu l’élu de l’Essonne. Mais comment faire face à cette montée du vote FN sans dicter aux électeurs la conduite à adopter ? Comment les partis traditionnels vont-ils pouvoir contrer le Front national lors des prochaines échéances ?

L’UMP ne veut plus entendre parler de front républicain. « Faut-il soutenir un candidat du PS qui est allié avec l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon ? Je n’en suis pas sûr », déclarait déjà Jean-François Copé en juin. Si la majorité ne peut compter sur la droite en cas de duel avec le FN lors des prochaines municipales, quelle stratégie doit-elle mettre en œuvre ?

« Parmi les digues les plus efficaces contre l’extrême droite, il y a notre modèle social, garant du vivre ensemble », expliquait au début du mois, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. « Le combat contre l’extrême droite doit se mener sur tous les plans, celui des réponses à la crise, celui de l’emploi », estimait de son côté le patron du PS, Harlem Désir. Un avis partagé par François Hollande qui déclarait, ce lundi, depuis Johannesburg : « La seule réponse, c’est d’obtenir des résultats, des résultats sur l’emploi, sur la croissance, sur la sécurité, sur la solidarité. Obtenir des résultats c’est même une obligation. »

Selon Philippe Braud, politologue français spécialiste de sociologie politique, le FN perdra des électeurs le jour où les Français constateront l’échec de leur action aux responsabilités. D’ici là, il semble bien difficile d’arrêter cette « vague bleu marine »,  portée par un contexte économique et social favorable au développement des populismes.

JOL Press : Le second tour à Brignoles a-t-il été la preuve de l’échec du front républicain ou, au contraire, la preuve qu’il n’était pas mort puisque la candidate UMP a gagné 20 points entre les deux tours ?

Philippe Braud : Comme il était prévisible, une partie des votes de gauche se sont reportés sur le candidat UMP, mais une partie seulement. Les gains importants du candidat FN ne peuvent pas s’expliquer uniquement par le report des voix du dissident d’extrême droite. Il est probable que 1 000 à 1 200 voix viennent soit d’électeurs de gauche du premier tour, soit d’abstentionnistes qui penchaient plutôt à gauche.

Il ne faut pas oublier en effet que dans un canton dont le maire de la ville-centre est communiste, une partie des électeurs de gauche sont des CSP-, vigoureusement protestataires, habitués à rejeter l’UMP. Le FN attire une partie de ces « humiliés et offensés ».

JOL Press : Les consignes de vote ne semblent pas fonctionner. Pour quelles raisons selon vous ?

Philippe Braud : Les consignes de vote ont aujourd’hui une importance déclinante en raison de l’affaiblissement des allégeances partisanes et de la montée en puissance de ce que l’on appelle l’électeur-stratège, un citoyen individualiste qui n’entend pas se faire dicter ses choix par quiconque.

JOL Press : Quelles stratégies peuvent mettre en place les partis pour convaincre les électeurs de voter contre le FN, sans le dire ?

Philippe Braud : Une grande partie du programme du FN est totalement irréaliste (sortir de l’euro, sortir de l’UE, restaurer les frontières nationales, renvoyer chez eux les immigrants, etc.). Théoriquement, cela devrait dissuader les électeurs les plus raisonnables de voter pour cette formation. Mais c’est oublier que le vote est un moment de défoulement, de ressentiment ou d’indignation, qui laisse peu de place à un jugement purement rationnel. Cela est particulièrement vrai dans le cadre d’un scrutin qui ne sert pas à grand-chose ou, tout au moins, dont beaucoup d’électeurs ignorent son utilité institutionnelle.

Paradoxe : le FN reculera lorsqu’il aura des élus qui, mis au pied du mur de la gestion locale, démontreront l’inanité de leur programme ou, s’avérant plus modérés, entreront en conflit avec le noyau dur des cadres ou militants les plus sectaires. Au contraire, le positionnement du « seul contre tous », entretenu par la stigmatisation générale de cette formation, est ce qui maintient sa cohésion et son dynamisme.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Philippe Braud, ancien directeur du département de Sciences politiques de la Sorbonne, est professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et Visiting Professor à l’université de Princeton (WoodrowWilson School).

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