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Écotaxe: les raisons de la colère des agriculteurs

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Les ministres des Transports, Frédéric Cuvillier, et du Budget, Bernard Cazeneuve, ont annoncé l’entrée en vigueur de l’écotaxe poids lourds pour le 1er janvier 2014. Cette taxe pourrait aboutir à une pression fiscale nouvelle pour les argriculteurs et peser de 5 à 10 % sur le coût de transport des entreprises.

Une journée de mobilisation nationale et générale ainsi que des actions symboliques du monde agricole étaient organisées mardi 22 octobre contre la mise en place de cette écotaxe. Christophe de Rycke, vice-président et responsable des affaires économiques de la FDSEA de Seine-et-Marne, explique en quoi cette nouvelle taxe lui paraît insensée. Entretien.

JOL Press : Quelles vont être les conséquences de l’écotaxe pour le monde agricole ?

Christophe de Rycke : Toutes les productions sont concernées par l’écotaxe parce qu’à chaque fois qu’un camion va circuler en France, il sera taxé. Prenons des exemples très concrets : entre Chailly-en-Bière (Seine-et-Marne) et Rungis, pour une salade, l’écotaxe va représenter quatre à cinq centimes, soit 10 % de son prix, il n’y a pourtant que 40 kilomètres à parcourir. Sur les tomates, l’écotaxe représente environ dix centimes par kilo. Pour les betteraves, la hausse correspond à 50 centimes par tonne. C’est très conséquent. Cette taxe va faire partie intégrante des coûts de production et au final, cette hausse pénalisera le consommateur.

JOL Press : Que demandez-vous aujourd’hui au gouvernement ?

Christophe de Rycke : On voulait dans un premier temps exclure toutes les productions agricoles de cette écotaxe, mais cette demande n’a pas l’air d’être entendue. Ensuite, pour que l’écotaxe ait un sens, il ne faudrait pas taxer des entreprises régionales. Si le but de l’écotaxe est de minimiser les gaz à effet de serre, il faudrait privilégier les productions locales. Ce serait logique. Enfin, si cette deuxième demande n’est pas suivie, nous demandons un ajournement de cette écotaxe, car c’est tout de même un impôt supplémentaire. Le gouvernement nous a promis une pause fiscale, mais trouve un autre subterfuge pour imposer les Français.

On a du mal à comprendre les fondements de l’écotaxe car on nous a dit que cette taxe allait servir à développer le rail et les voies d’eau, mais on s’aperçoit que 90 % des produits ne pourront pas bénéficier de ce type de transport. Quand on travaille avec des produits frais, on sait que le consommateur les veut au plus vite dans son assiette, or il n’existe aucun autre moyen de substitution que le transport routier pour apporter des produits frais dans l’assiette du consommateur. Cette taxe n’a donc pas d’autre sens que celui d’imposer encore une fois les Français.

JOL Press : La Bretagne pourrait ne pas être touchée par l’écotaxe. Qu’en pensez-vous ?

Christophe de Rycke : Je suis heureux si les Bretons peuvent avoir une exonération partielle de taxes, mais c’est tout le secteur agroalimentaire qui est concerné. On vit quand même dans un pays où les mots Liberté, Egalité et Fraternité devraient avoir un sens. Cette exonération serait un avantage concurrentiel donné à la Bretagne et ce n’est pas normal. Il faut que les politiques publiques s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Prendre en compte la localisation des entreprises par rapport à l’emplacement de consommation aurait plus de sens.

JOL Press : Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a reconnu que tout n’était pas parfait et que certains aménagements seraient envisageables. Y croyez-vous ?

Christophe de Rycke : J’espère uniquement que la raison l’emportera, je le souhaite pour mon pays et pour les agriculteurs. Je crois Stéphane Le Foll quand il parle d’éventuels aménagements, mais je sais aussi que la grande distribution va tout faire pour que cette écotaxe ne se répercute pas sur ses prix mais sur les producteurs.

JOL Press : Qu’est-ce que cette écotaxe pourrait changer pour vous ?

Christophe de Rycke : Je suis producteur de 2 000 tonnes de betteraves, l’écotaxe peut me revenir entre 3 000 et 4 000 euros, par an. Ce qu’il faut réaliser, c’est qu’on met en place cette écotaxe et on constate que, sur ce marché hyper concurrentiel, les produits français risquent d’être plus taxés que certains produits d’importation. Notre pays a voulu l’Europe, a voulu la mondialisation, a voulu le libre-échange mais on ne donne pas aux producteurs français et à l’industrie française les moyens de se battre face à ce marché mondialisé.

Le consommateur n’a pas besoin de nouvelles taxes aujourd’hui, c’est pourquoi nous demandons au gouvernement d’attendre des jours meilleurs et nous verrons alors ce qu’il est possible de mettre en place pour aider certaines filières qui utiliseraient moins le transport routier que d’autres.

Est-ce qu’on a besoin de l’écotaxe aujourd’hui pour faire changer le système et réduire le gaz à effet de serre ? Ma réponse est non. Il existe bien d’autres dynamiques qui peuvent être mises en place pour baisser considérablement les gaz à effet de serre : la substitution des carburants ou les véhicules hybrides, par exemple. Ce n’est pas l’écotaxe qui résoudra l’équation.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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