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«En France, même si le parlement refuse de voter, il y aura un budget»

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JOL Press : A l’instar de ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis, existe-il en France une possibilité pour que l’Etat se retrouve sans budget ?
 

Jean-Luc Albert : Non aucune. Un refus de vote est impossible en droit français. Même si politiquement un désaccord est envisageable. Bien souvent, le Sénat et l’Assemblée connaissent une dualité politique, et une chambre refuse de voter. Il faut également souligner que de toute façon, en matière financière, le Sénat a un rôle second. Ce qui compte vraiment, c’est l’Assemblée nationale.

Constitutionnellement, le gouvernement peut déposer une question de confiance sur le projet de loi final, au terme de la procédure. Le texte sera adopté à moins qu’une motion de censure ne soit déposée par l’opposition. Elle devrait nécessairement être votée par une partie de la majorité pour que le gouvernement soit renversé.

Une impasse totale sur le budget ne peut se produire en France. Même si le parlement ne votait pas le projet de loi de finances au terme du délai de 70 jours qui lui est imparti, les dispositifs juridiques existants en France font qu’il y aurait de toute façon un budget l’année suivante. Cela passerait par différents mécanismes, le gouvernement pourrait par exemple passer par voie d’ordonnance. In fine, il existe trois ou quatre procédures différentes qui permettent à l’Etat de fonctionner en cas « d’impasse » sur le budget.

Les règles permettant d’assurer la continuité des services publics par le maintien d’un budget sont des règles qui sont traditionnelles sous la Ve république. Le parlement n’est plus maître du jeu financier, c’est l’exécutif. Nous sommes en régime parlementaire, dit rationalisé, avec prédominance du gouvernement. Donc, même si le parlement refuse de voter, il y aura un budget

JOL Press : Des situations dans lesquelles le gouvernement a été mis en difficulté par le Parlement sur le vote du budget se sont-elles déjà produites ?

Jean-Luc Albert : Les cas où il y a eu un problème sont très anciens et rares. Je crois qu’il y a eu deux cas seulement, dont un qui était lié à la stratégie du RPR qui avait bloqué, du temps de Raymond Barre, le vote de la loi de finances, au sein de la même majorité finalement.

Mais au final, une loi d’urgence avait été adoptée avant le 31 décembre, ce qui avait permis d’avoir le budget pour l’année suivante. Encore une fois, en vertu des mécanismes à la disposition du gouvernement, un blocage total sur le budget ne s’est jamais produit.

JOL Press : Existe-t-il, en France, un seuil de dette à ne pas dépasser et qu’il revient au parlement de fixer, comme cela peut être le cas outre-Atlantique ?

Jean-Luc Albert : Le blocage aux Etats-Unis est lié à un plafond de dette qui n’existe pas en France. Donc, encore une fois, il n’y a aucune chance pour qu’une situation similaire à celle des Etats-Unis actuellement se produise en France.

C’est une différence majeure car avec ce plafond de dette, si les Etats-Unis atteignent le seuil, ils ne peuvent tout simplement plus se financer par la dette, puisque le plafond serait dépassé. La seule limite, en France, c’est la capacité à rembourser la dette.

JOL Press : L’Europe intervient-elle pour contrôler l’endettement et le budget des Etats ?

Jean-Luc Albert : Les règles européennes ne prévoient pas réellement de plafond de dette pour les Etats. Il y a un système répressif mais qui est très long à mettre en œuvre. Il y a une surveillance permanente au niveau européen, notamment par l’intermédiaire de la Commission européenne. Chaque ministre des Finances va présenter sa copie, comme cela a été fait récemment par Pierre Moscovici.

Ensuite, la commission analyse le projet et indique sur quoi il faudrait peut-être mettre l’accent, elle fait des suggestions. Au terme du processus, il peut y avoir un système de sanctions, de nature financier, contre les Etats qui ne respectent pas leurs engagements, ou du moins l’engagement d’un retour à l’équilibre des comptes publics. C’est un objectif affiché dans les textes européens et qui est évidemment, depuis un certain nombre d’années, très difficile à atteindre, pour la majorité des Etats. La situation est cependant un peu différente actuellement pour la France puisque nous avons bénéficié d’un délai supplémentaire de deux ans pour ramener notre déficit dans les limites imposées.

Dans tous les cas, la commission européenne ne peut pas s’emparer de la loi de finances pour tailler dans telle ou telle dépense. Elle n’a pas la compétence pour remplacer une loi de finances par une autre loi de finances.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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