Dans son édition du 31 octobre, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, très marqué à droite, révèle l’existence d’un « cabinet noir » chargé de fouiller illégalement les archives de Nicolas Sarkozy. L’Elysée a pour sa part démenti son existence, déclarant agir « dans le strict respect des règles de droit », uniquement sur demande des juges d’instruction. Etat des lieux.
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L’Elysée a-t-il mis en place un cabinet noir pour enquêter illégalement sur Nicolas Sarkozy ? L’hebdomadaire Valeurs actuelles accuse l’Elysée de cacher en son sein une « cellule officieuse » orchestrant les offensives judiciaires dans les médias contre l’ex-chef d’Etat. Ces recherches se rapportent à trois affaires : la première concerne Bernard Tapie, la seconde, la fusion des Caisses d’Epargne et des Banques Populaires, et la dernière, les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy.
Le journal publie le témoignage de l’ex-chef de service Transmissions et informatique de l’Elysée, Bernard Muenkel, aujourd’hui remercié pour avoir, selon Valeurs Actuelles, « refusé des ordres illicites. » Ces demandes d’enquête auraient été exigées par le commandant militaire de l’Elysée, proche du directeur adjoint du cabinet de François Hollande, Eric Bio-Farina.
Voici le #CabinetNoir @Elysee selon @Valeurs pic.twitter.com/N2WwUMaz1M
— Timothé Lefebvre (@TimotheLefebvre) October 29, 2013
Violation du protocole de remise d’archives et du secret des correspondances ?
Le journaliste Geoffroy Lejeune explique que la procédure contrevient au secret des correspondances garanti par la loi Informatique et Libertés de 1978, ainsi qu’au protocole de remise d’archives signé par les Archives nationales – dépendantes du ministère de la Culture – et Nicolas Sarkozy.
Les protocoles de remise d’archives des présidents de la République permettent aux Archives nationales de collecter des informations d’un intérêt historique majeur. Pour inciter les hommes politiques à transmettre leurs archives au ministère de la Culture, les protocoles subordonnent la consultation de ces informations à leur accord. Nicolas Sarkozy est ainsi le seul propriétaire de ces archives. Depuis la loi 15 juillet 2008, après vingt-cinq ans – cinquante ans pour les documents ayant trait à la vie privée -, le protocole est prescrit, et les informations sont alors librement divulguées.
L’Elysée assure agir dans « le strict respect des règles de droit »
L’Elysée n’a pas attendu la sortie en kiosques de l’hebdomadaire pour démentir l’existence d’un « cabinet noir ». « La présidence de la République n’a fait qu’exécuter les réquisitions adressées par les juges d’instruction et par le Conseil constitutionnel », respectant l’article 99-3 du code de procédure pénale. L’article dispose qu’un juge « peut requérir ( …) de toute administration publique susceptible de détenir des documents intéressant l’instruction, y compris ceux issus d’un système informatique (… ), de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel ».
« En aucun cas elle n’est allée au-delà des demandes des juges », ajoute l’Elysée dans un communiqué. Une position réaffirmée par la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem à l’issue du Conseil des ministres.
L’ex-chef de service Transmissions et informatique de l’Elysée, Bernard Muenkel, a néanmoins expliqué à Valeurs Actuelles que la démarche de l’Elysée n’était pas tout à fait « logique » si elle émanait réellement d’un juge. « Qu’un juge fasse la demande auprès des services de l’Elysée, je le conçois. Mais je trouvais surprenant que cette demande soit transmise par Bio-Farina. Cela aurait dû venir du conseiller de justice, Pierre Valleix. »
Nadine Morano lance le « HollandeGate »
Les membres de l’opposition n’ont pas tardé à réagir à ces révélations, Nadine Morano en tête. Sur les réseaux sociaux, elle a notamment lancé le hashtag – ou mot clé -, #HollandeGate.
Le scandale d’Etat #Hollandegate ou comment des collaborateurs aux ordres du Président se prennent pour des cowboys de la justice
— Nadine Morano (@nadine__morano) October 30, 2013
Eric Ciotti a demandé à l’Elysée de faire la clarté sur cette affaire. « Ces révélations sont d’une extrême gravité. » « C’est pourquoi je demande solennellement à la Garde des Sceaux de saisir immédiatement le Parquet pour faire toute la lumière sur cette affaire », a-t-il écrit dans un communiqué. Il réclame également au chef de l’Etat « de s’expliquer dans les plus brefs délais. » Une demande également formulée par le secrétaire adjoint de l’UMP, le sarkoziste apparenté Geoffroy Didier : « Nous attendons des explications précises sur l’utilisation présumée des moyens de l’Etat à des fins qui seraient exclusivement politiques. »
Pour l’ex-ministre UMP Jean-Pierre Raffarin, « Nicolas Sarkozy est la cible d’un certain nombre d’opérations orchestrées », révélant l’incapacité du gouvernement « à proposer autre chose aux Français. »